Pour faire face à l'accumulation des dossiers de chômage temporaire qui arrivent sur leurs bureaux, les syndicats et la CAPAC ont engagé du personnel. Ceux-ci peuvent répondre à certaines questions au téléphone mais ne seront réellement opérationnels que dans 6 mois à un an, le temps de les former à la réglementation chômage extrêmement complexe. De plus, garder les agences ouvertes est difficile avec les cas de Covid. Les syndicats rappellent que cela fait des années qu'ils avaient demandé un meilleur financement public qui leur aurait permis d'engager plus de personnel, sans succès.
Depuis le 1er septembre, nous avons reçu pas moins de 55 messages via notre bouton orange Alertez-nous. Leur contenu était toujours similaire. D’une part, vous nous avez dénoncé des retards de paiements des allocations de chômage, allant de quelques jours à parfois plusieurs mois. D’autre part, il vous était quasiment impossible de joindre votre organisme de paiement pour régler le problème, que ce soit par téléphone avec des temps d’attente parfois infinis, avec des e-mails qui restent sans réponse ou avec d’énormes files devant les quelques bureaux ouverts.
Après avoir expliqué les raisons de ces retards, qui représentent moins de 1% de tous les dossiers, les 4 organismes ont détaillé les solutions mises en place pour répondre au mieux à l'augmentation des dossiers de chômage temporaire.
Tous ont recruté de nouveaux travailleurs
Face à la charge de travail, tant du côté des dossiers qui prennent du retard que des réponses à apporter aux allocataires sociaux, une seule solution adoptée par les 4 organismes : engager.
"On engage en ce moment. 50 personnes sont en formation. Elles seront disséminées sur le territoire belge", explique le président de la FGTB, Thierry Bodson. Idem à la CSC : "Le plus important, c’est que l’affilié puisse nous joindre par téléphone ou par mail. On a engagé 50 collaborateurs, principalement en call center pour désengorger le nombre d’appels téléphoniques, mais pas que", détaille le porte-parole de la CSC, François Reman.
La CGSLB, plus petite puisque dépendant pour son financement du nombre d’affiliés, note elle qu’elle "ne peut pas engager 50 personne d'un coup au risque de plomber les comptes", explique son porte-parole Didier Sequin. Mais là où "on est dépassés", soit à Bruxelles, à Hal-Vilvorde et dans certaines zones du Limbourg, les équipes ont aussi été renforcées. "On a lancé la procédure de recrutement mi-septembre. On vient d’engager presque 50% de personnel en plus rien que sur la zone de Bruxelles. Des intérimaires ont été engagés de suite pour du travail administratif. Et ceux qui seront formés au paiement ont été engagés début octobre."
6 à 12 mois pour former un agent à la réglementation chômage
Enfin, la CAPAC avait pris les devants plus tôt que les syndicats, vu l’afflux plus grand de chômeurs à gérer dès mars. "15 nouveaux collaborateurs ont commencé au mois de juin, une vingtaine en juillet et d’autres en septembre. Une quarantaine de personnes en tout", détaille la porte-parole de la CAPAC, Inge Huyge. De plus, l’institution a développé des outils pour fonctionner plus efficacement qu’avant la crise. "En mars, on remplissait encore les formulaires à la main. On a mis en place les formulaires à remplir en ligne et on a su automatiser les paiements", ajoute-t-elle.
Encore des mois avant que les nouvelles recrues soient opérationnelles
Mais ce n’est pas parce qu’on engage que tous les problèmes sont résolus. En effet, "la réglementation du chômage est devenue d’une telle complexité que pour former un agent et qu’il soit efficace et autonome, vous en avez pour 6 à 12 mois", note le président de la FGTB, rejoint par les autres organismes. Voilà pourquoi "les nouveaux engagés sont donc toujours en formation", ajoute la CGSLB. Idem à la CSC et la CAPAC.
Parmi les autres solutions pour désengorger le traitement des dossiers, la FGTB va faire évoluer sa structure en profondeur au niveau des appels. Car aujourd’hui, il y a un numéro différent à joindre en fonction de la régionale dont l’affilié dépend. Mais beaucoup de dossiers ne demandent pas une telle spécificité. "Il faudra peut-être centraliser le traitement des mails et des communications téléphoniques. On regarde en ce moment si on peut mettre ça au point, avec des agents en fin de carrière qui connaissent parfaitement la réglementation, via un call center (un francophone et un néerlandophone) qui permettrait d’absorber 60 à 70% des appels, ceux qui certes prennent du temps mais se concentrent sur le même type de questions", les cas les plus classiques donc, dévoile le président du syndicat socialiste.
Garder des agences ouvertes : une nécessité compliquée par le Covid
Les 30% d’autres cas, plus compliqué, ne peuvent pas être traités par téléphone, ni par e-mail. "Remplir une carte électronique, ça peut être très compliqué pour quelqu’un qui n’a plus d'argent pour sa carte de GSM, qui n’a pas été à l’école ou qui ne parle aucune des langues nationales", note la CGSLB. Elle est rejointe par Thierry Bodson : "L’informatique, ça marche, mais il y a un pourcentage du public qu’on ne sait pas servir comme ça. Je pense que ça représente un cinquième à un quart des gens, qui n’ont pas la capacité de pouvoir être servis électroniquement, par manque d’équipement technologique ou de connaissances."
Si des nouveaux cas de Covid arrivaient dans nos centres, ce serait la catastrophe
Voilà pourquoi les rendez-vous en agences sont maintenus malgré le Covid, mais avec moins de personnel pour les servir. Là, les délais sont parfois longs comme à la CAPAC, où des témoignages parlent de 4 à 5 semaines parfois. "Les délais d’obtention de rendez-vous varient fortement d'un bureau à l'autre et dépendent du fait que le client prend rendez-vous en ligne ou au guichet dans le bureau même. Dans ce cas, les rendez-vous sont déjà possibles la semaine prochaine à Nivelles, Mouscron ou Liège par exemple", relativise Inge Huyge.
Mais tous craignent des cas de Covid, comme il y en a déjà eu dans certains bureaux. "Si un employé tombe malade, c'est l'ensemble du centre qui doit fermer. La situation est tendue dans certaines parties du pays, à Bruxelles entre-autres", note François Reman pour la CSC. "Le service juridique a été touché par le Covid à Bruxelles. On a télé-travaillé et fermé le bâtiment le temps de désinfecter puis on a redémarré. Mais si des nouveaux cas de Covid arrivaient dans nos centres, ce serait la catastrophe", confirme Didier Sequin pour la CGSLB.
Les syndicats se trouvaient déjà sous-financés avant la crise du Covid
Enfin, si la crise du coronavirus ne pouvait être prévue, les syndicats auraient plus facilement répondu aux demandes des citoyens tombés au chômage temporaire s’ils avaient eu plus de personnel. Mais pour ça, "nous sommes dépendants du financement par les autorités publiques de la mission de service aux membres", rappelle la CSC. En effet, ce ne sont pas les cotisations des affiliés qui servent à rémunérer les employés chargés du paiement des allocations de chômage. C’est l’Etat belge qui les subventionne, puisqu’il s’agit d’un service à la population "gratuit" comme la CAPAC.
"Depuis des années, les syndicats estiment que ce financement est trop limité. Donc la question de l’enveloppe se pose. Les dossiers sont plus complexes qu’avant et ils demandent une formation spécifique. La gestion des paiements des allocations de chômage prend un peu plus de temps qu’avant", regrette la CSC.
Thierry Bodson y va d’ailleurs d’un coup de gueule à l’adresse du gouvernement Michel sur ce point. "On tire la sonnette d’alarme depuis 2015. Nos frais d’administration sont calculés comme en 1991. Mais la façon de gérer l’administratif n’est plus en phase. En 1991, on avait beaucoup de prépensionnés, et maintenant quasi plus. Et il y a beaucoup moins de personnes au chômage complet qu’avant. Aujourd’hui, ils font plus d’aller-retours sur le marché de l’emploi. Ces deux situations engendrent plus d’administratif. On avait dit au gouvernement Michel qu’on allait avoir un problème, mais il a voulu faire mal aux syndicats. Aujourd’hui, ce n’est pas nous qui avons mal, mais ceux qui se retrouvent au chômage" et que les organismes de paiement ont du mal à servir correctement. Une critique déjà entendue du côté des hôpitaux également en manque de personnel et donc de moyens …
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