Depuis le mois de mars dernier, 20% maximum du personnel de la Commission Européenne peut travailler au bureau. Cette nouvelle méthode de travail présente des bénéfices et la Commission européenne profite de cette situation pour se réorganiser et pérenniser le télétravail, même quand la crise sanitaire sera derrière nous.
Cette décision impacte négativement l'activité des commerçants du quartier européen. Les employés de la Commission sont en effet leurs principaux clients, et leurs commerces tournent au ralenti depuis qu'ils ont déserté les environs. C'est le cas de la chaîne d'alimentation Exki, qui possède 5 enseignes dans le quartier. "Ce qui nous pose réellement un problème, aujourd'hui, c'est l'aspect humain", réagit Frédéric Rouvez, le patron de la chaîne. "Au-delà de l'aspect financier qui, je ne vous le cache pas, est désastreux. Globalement, nous payons 500.000 euros de loyer par mois. Avec seulement 20% du chiffre d'affaires, ce qui ne suffit pas à couvrir les loyers."
D'habitude à cette heure-ci, ça grouillait de monde
Frédéric Rouvez ne reconnaît plus le quartier. Sur les 5 magasins qu'il possède dans les alentours, seul un est ouvert. "Honnêtement, d'habitude à cette heure-ci, ça grouillait de monde partout. Aujourd'hui, il est vide. Les trottoirs sont vides, il n'y a presque pas de circulation. C'est un quartier désert."
"On l'a appris cette semaine"
"Il y a un peu plus de deux ans, avec mon associé, on a voulu se lancer dans l'Horeca", raconte Valentin Closset. Il est l'un des patrons du Fat Boy's, un pub dans le quartier européen. "On était très content, au début, quand on a racheté le bar en octobre 2019. Et puis, il y a eu du boulot, et la crise est arrivée. Depuis, c'est beaucoup plus compliqué, on essaye de s'adapter et s'améliorer."
On a perdu entre 60 et 70% de notre chiffre d'affaires
Dans ce pub, les clients parlent le plus souvent anglais. Pour le patron, ces clients "en costume-cravate", travaillent pour la Commission européenne. Aujourd'hui, non seulement le bar est fermé, mais en plus, tout le quartier est au ralenti. "Sur toute l'année 2020, on a perdu entre 60 et 70% de notre chiffre d'affaires", précise Valentin. "On voulait améliorer notre offre sur le lunch du midi. C'est sûr que c'est difficile [la décision de poursuivre le télétravail à la Commission], on l'a appris cette semaine, et on doit réfléchir à la suite."
L'emplacement du pub de Valentin est pourtant un endroit stratégique, proche des institutions européennes, et qui, dans un contexte habituel, n'aurait pas posé de problème d'absence de clientèle. "On sait que ça amène énormément de personnes, et toutes ces personnes consomment ici, à Bruxelles."
Que prévoit le plan de réorganisation ?
L'Europe est le véritable moteur économique du quartier. Elle représente 20% de l'économie bruxelloise... et plus de 22% des emplois dans la capitale. La Commission, à elle seule, emploie plus de 21.000 collaborateurs (plus du double de la STIB, le principal employeur à Bruxelles). Alors, quand ces milliers d'employés sont en télétravail, c'est tout un quartier qui est à l'arrêt.
Au moins 40% des collaborateurs travailleront depuis chez eux, dès le printemps 2021. Ils devront en revanche travailler depuis Bruxelles. Il n'est pas question de travailler depuis leur domicile au Portugal, en Grèce ou en Allemagne. Ces collaborateurs ne viendront plus qu'en moyenne un jour par semaine en présentiel, le reste se fera depuis le domicile.
Avec moins de collaborateurs, il faut moins de bureaux: la Commission européenne se sépare de ses locaux périphériques (à Auderghem, à Evere, ...) et recentralise toutes ses activités à Schuman et à Madou. Cette réorganisation ne vaut que pour la Commission Européenne. Ni le Parlement Européen, ni le Conseil Européen n'ont décidé de pérenniser le télétravail pour le moment. Dès qu'il sera possible de faire revenir leurs collaborateurs en présentiel, ils le feront.
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