Le haut fourneau de Carsid à Marcinelle emploie environ 1.000 travailleurs, qui sont en chômage économique depuis 40 mois. Face à l'absence de repreneur, la direction a annoncé ce matin qu'elle ne relancerait pas le haut fourneau. Selon les syndicats, 3000 emplois sont concernés si on prend en compte les emplois indirects. Mais Agoria dément un impact aussi grand. Peu de postes seraient en danger hormis les 1000 travailleurs de Carsid.
L'arrêt définitif des activités de Carsid à Marcinelle, annoncé mercredi par Duferco, n'aura qu'un impact très limité sur les sous-traitants de l'industrie technologique, a indiqué Thierry Castagne, directeur général d'Agoria Wallonie. "Le haut fourneau étant à l'arrêt depuis novembre 2008, l'impact économique sera quasiment nul pour les sous-traitants", commente-t-il. "Certains auraient bien sûr espéré une reprise mais en trois ans, ils ont eu le temps de se retourner et le coût économique a déjà été encaissé", poursuit le responsable.
Pour le personnel de Carsid, le rôle des cellules de reconversion professionnelle sera déterminant et la fédération de l'industrie technologique restera mobilisée sur ce point, entre autres par le biais de ses centres de compétence. "On continue à avoir une pénurie de main d'œuvre qualifiée et il faut trouver des opportunités de reconversion pour ces gens", précise M. Castagne. Toutefois, le pourcentage de reconversion devrait rester assez faible. "Pour de nombreux ouvriers très spécialisés, les possibilités sont plus limitées."
En outre, la procédure de reclassement peut être freinée pour des raisons culturelles. "La sidérurgie possède un environnement très particulier et la culture, syndicale notamment, les horaires ou la flexibilité peuvent différer fortement d'une PME, par exemple", avertit le responsable.
Le patron de Carsid parle d'une défaite
L'échec à retrouver un repreneur et l'intention de Duferco d'arrêter définitivement ses activités sur le site sidérurgique Carsid à Marcinelle (Charleroi), qui emploie 1.004 personnes, est une "défaite", a reconnu le patron de Duferco Belgium, Antonio Gozzi, promettant néanmoins que le groupe allait "réagir".
"Même s'il y a du soleil dehors, ce n'est pas une belle journée pour Duferco et les travailleurs de Carsid", a déclaré d'entrée M. Gozzi, au cours d'une conférence de presse. "J'ai pris mon bâton de pèlerin, j'ai fait le tour du monde pour retrouver un repreneur pour Carsid mais ces efforts n'ont pas apporté de solution", a-t-il reconnu. "Sans avoir un espoir, une hypothèse de solution de crise, traîner, perdre du temps aurait été criminel". "Franchement, pour un sidérurgiste, fermer un haut-fourneau est une des plus grandes tristesses dans une vie professionnelle", a-t-il encore dit.
Parmi les éléments qui ont joué en défaveur de la phase à chaud carolo, M. Gozzi a évoqué un "changement de paradigme industriel" depuis 2008 qui, à la faveur d'une forte hausse des prix des matières premières, défavorise les hauts-fourneaux ne disposant de minerais à proximité. L'état de l'économie européenne a également joué en défaveur de Carsid. "L'économie européenne est perçue ailleurs dans le monde comme la moins porteuse", a indiqué le patron de Duferco Belgium. M. Gozzi a aussi souligné les contraintes environnementales européennes. "Il est de plus en plus difficile en Europe de maintenir près du centre d'une ville moderne des usines comme une cokerie ou une agglomération".
Reconnaissant qu'une fermeture de Carsid est "une défaite", M. Gozzi a promis que le groupe Duferco allait "réagir".
> LES PISTES POUR L'AVENIR DES TRAVAILLEURS ET DE L'USINE
LES FAITS
Jour sombre pour la sidérurgie carolo. Le haut fourneau de Carsid, c'est bel et bien terminé. A l'arrêt depuis novembre 2008, privé de son aval depuis la reprise au printemps 2011 par le groupe russe NLMK des sites de Clabecq et La Louvière, le haut-fourneau de Carsid, à Marcinelle (Charleroi), filiale de Duferco Belgique, ne sera pas relancé. L'annonce de la cessation des activités a été faite mercredi par la direction du groupe Duferco, lors d'un conseil d'entreprise.
Le groupe italo-suisse s'était donné jusqu'à la fin juin 2012 pour trouver une solution pour la phase à chaud carolorégienne mais devant l'absence de repreneur et dans un contexte de crise économique, il a donc fini par jeter l'éponge. C'est la diminution du prix des quotas de CO2 vendus par le groupe qui a précipité l'annonce de la fermeture du site, selon un délégué CSC. Les sommes récoltées par ce biais ne permettaient en effet plus de financer le complément salarial versé par la direction aux travailleurs en chômage économique.
Carsid avait en effet introduit une demande de quotas de CO2 (droit à polluer) à titre gratuit pour la période 2013-2020 à l'AWAC (Agence wallonne de l'Air et du Climat). Ces quotas gratuits peuvent être revendus et donc rapporter de l'argent. Pour la période 2008-2012, Carsid a reçu une allocation de près de 15 millions de quotas, soit près de 3 millions par an, alors que le site était à l'arrêt depuis 2008, a-t-on appris auprès du ministre wallon de l'Environnement, Philippe Henry. "Il est de notoriété publique que ces quotas ont été utilisés pour payer les compléments de chômage des travailleurs durant cette période", reconnaît le ministre Henry. L'allocation de quotas CO2 à titre gratuit à Carsid pour les périodes 2008-2012 et 2013-2020 n'a pas d'impact sur le budget wallon, précise le ministre.
Le patron de Duferco Belgium, Antonio Gozzi, a lui-même déclaré mercredi lors d'une conférence de presse que toutes les mesures d'accompagnement des travailleurs ont été mises en place (soit plus de trois millions d'euros de complément au chômage) par la vente de paquets de quotas de CO2 dont disposait Duferco pour ses activités.
Automne 2008, le début de la fin
Lorsque tombe, à l'automne 2008, la décision de mettre le personnel de Carsid en chômage économique, c'est une phase à chaud comprenant non seulement un haut-fourneau d'une capacité annuelle de 2 millions de tonnes de brames, totalement remis à neuf en 2007, mais aussi une aciérie, une agglomération et une centrale électrique qui sont mis à l'arrêt. Le site carolo fait alors partie de Steel Invest & Finance (SIF), une co-entreprise créée en 2006 et détenue à parts égales par l'italo-suisse Duferco et le groupe russe Novolipetsk Steel (NLMK). Cette décision lourde de conséquences sur le plan social intervient alors que la demande mondiale d'acier plonge, de même que les prix, sous l'effet de la plus importante crise économique de l'après-seconde Guerre Mondiale.
2009, 2010 … toujours pas de relance
Très vite, la mise en chômage économique des travailleurs de Carsid est prolongée jusqu'à la fin du premier trimestre 2009, avant d'être à nouveau prorogée. En janvier 2010, la direction de Carsid annonce que la production ne reprendra pas avant la fin du deuxième trimestre 2010. Raisons invoquées: le prix de vente trop bas et le niveau toujours trop faible de la demande d'acier sur les marchés de l'automobile et de la construction. Fin mai 2010, l'échéance est à nouveau reportée, cette fois à la fin octobre.
Les usines de Clabecq et La Louvière alimentées par les Russes… qui les rachètent début 2011
Pendant ce temps, l'approvisionnement en brames des sites de Clabecq (spécialisé dans les plaques) et de La Louvière (transformation de produits plats et produits longs) est assuré par les haut-fourneaux russes de NLMK. NLMK reprendra bientôt, au printemps 2011, pour 600 millions de dollars, les parts de Duferco dans SIF. Le groupe russe met ainsi la main en Belgique sur les activités "produits plats" de La Louvière, sur le site de Clabecq ainsi que sur plusieurs centres de distribution.
A la recherche d'entreprises à qui fournir les produits du haut fourneau
Quant à Duferco, il conserve la filière "produits longs" de La Louvière ainsi que Carsid, toujours à l'arrêt et désormais coupé de son aval. Lors de l'officialisation du divorce à l'amiable avec NLMK, le patron de Duferco Belgium, Antonio Gozzi, annonce qu'il se lance "avec son bâton de pèlerin" à la recherche d'une solution industrielle susceptible d'offrir un aval à Carsid. Il se dit prêt à un partenariat, voire même à céder les installations carolorégiennes pour un euro symbolique. Il faut dire qu'en cas d'abandon définitif des activités, la facture de dépollution pourrait s'avérer salée. Les ouvriers, eux, se montrent de plus en plus pessimistes.
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Un an de faux espoirs… pour rien
A l'automne 2011, le ministre wallon de l'Economie, Jean-Claude Marcourt, laisse entendre que trois candidats repreneurs se sont montrés intéressés. Il s'agirait de groupes italien, ukrainien et thaïlandais. Quelques jours plus tard, fin octobre, Antonio Gozzi confirme être en dialogue avec "trois industriels qui, pour des raisons différentes, pourraient être intéressés" par Carsid. Il tait leur nom par souci de discrétion. Le patron de Duferco Belgium déclare par contre qu'il se donne jusqu'au premier semestre 2012 pour trouver une solution. Et M. Gozzi d'énumérer les atouts dont jouit, selon lui, Carsid: localisation au cœur de l'Europe, grand professionnalisme et savoir-faire technique des travailleurs. Il évoque même le prix de revient de la brame d'acier produite à Carsid et qui, bien que plus élevé que pour un haut-fourneau maritime, est "plus compétitif" que celui du haut-fourneau d'ArcelorMittal à Liège, dont l'arrêt vient d'être annoncé. Afin d'attirer les investisseurs, Antonio Gozzi se dit encore prêt à investir dans la réfection, en exploitant les meilleures technologies disponibles, de la cokerie alimentant Carsid et qui a été fermée en janvier 2008.
La dernière marque d'intérêt pour Carsid a, semble-t-il, été exprimée par une société chinoise, qui s'était renseignée en début d'année 2012. Sans que cela ne débouche sur une reprise du dernier haut-fourneau carolo.
"Dramatique"
Les travailleurs espéraient que le patron de Duferco viendrait ce matin avec une solution positive pour Carsid, voire avec une solution intermédiaire. C'est l'annonce inverse qui s'est donc produite. "Même s'il nous annonçait qu'on aura un four électrique, dans la conjoncture actuelle ce serait compréhensible. Ça nous permettrait d'occuper notre personnel et de régler la pyramide d'âge. Donc ce serait une solution intelligente, moins coûteuse et qui permettrait de garder une activité à Charleroi", avait déclaré Antonio Mula, président CSC de la délégation syndicale, ce matin. Ce que tout le monde craignait chez Carsid est donc arrivé: le plan B, le plan social. "Ce serait dramatique si on arrivait à une fermeture. On est encore 1.000 employés ici, et avec les emplois indirects, cela en fait 3.000", déclarait-il avant l'annonce de la fermeture définitive.
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