Parmi les mesures prises par le gouvernement dans le tax shift, il y en a une qui avait particulièrement retenu l'attention des citoyens: l'augmentation des accises sur le diesel, en faveur d'une diminution des taxes sur l'essence. Ce transfert vers un produit au détriment d'un autre, qui doit se faire progressivement en trois ans, a pour objectif de "pousser" les automobilistes à opter pour des véhicules à essence, moins polluants.
Les premiers effets de cette mesure devaient se faire ressentir dès 2016, avant de les intensifier en 2017 et 2018. Or, à la pompe, le prix du diesel reste nettement inférieur à celui de l'essence. Presque 20 cents au litre. Bref, une évolution des prix qui va complètement à contresens des mesures annoncées. "La mesure de rapprochement des accises sur l'essence et des accises sur le diesel va se faire sur trois ans", tempère Olivier Neirynck, porte-parole de la Fédération Belge des Négociants en combustibles et carburants. "Depuis le 1er novembre, les accises sur l'essence ont diminué et les accises sur le diesel ont augmenté. On va donc tendre à rapprocher ces deux taux, mais sur trois ans. C'est une façon de tenter d'influencer les automobilistes à opter pour une motorisation à l'essence, mais sans les y contraindre dans l'immédiat", a-t-il ajouté.
Objectif: même taux d'accises
La progressivité des mesures adoptées par le gouvernement fédéral explique donc en partie l'écart conséquent que l'on peut encore observer entre le prix du diesel et celui de l'essence. Le taux d'accises sur le carburant diesel sera au total augmenté de 96,29€ les 1.000 litres. Comme indiqué plus haut, cette augmentation se fait en trois étapes: "26,09€ les 1.000 litres depuis le 1er Novembre 2015, 27,40€ les 1.000 litres en 2017 et encore 42.80€ les 1.000 litres en 2018", précise Francis Adyns, porte-parole du SPF (Service Public Fédéral) Finances.
Après la mise en oeuvre de ces augmentations, il subsistera encore une différence entre les accises perçues sur l'essence et le diesel de 90,09 € les 1.000 litres. Viendra alors la deuxième étape, qui veillera à "gommer" cette différence d'accises sur l'essence et le diesel, en baissant artificiellement les taxes sur l'essence, de grosso modo 68,5€ les 1.000 litres, et en augmentant celles sur le diesel de plus ou moins 21,5 euros les 1.000 litres.
"Aucune voiture ne roule au pétrole brut"
Mais se limiter à cela n'a aucun sens. Il y a une autre donnée qui s'avère primordiale pour comprendre pourquoi le diesel reste meilleur marché. "À la pompe, on ne paie pas 100% d'accises. On paie également des produits. Et ces produits sont côtés en Bourse sur les marchés. Et il faut savoir que les fluctuations sont assez différentes d'un produit à l'autre", précise encore Olivier Neirynck.
Oui, vous avez bien lu: même si le diesel et l'essence sont issus d'une matière commune, le pétrole, parfois le prix de l'essence augmente, tandis que le prix du diesel diminue. Ou du moins, l'un diminue plus que l'autre, et vice versa. De quoi ne plus rien comprendre !
Pourtant, les valeurs du diesel et de l'essence sont directement liées à celles du baril de pétrole. C'est exact, mais dans un premier temps seulement. Après transformation, les cotations deviennent indépendantes. "Aucune voiture ne roule avec du pétrole brut. Ce produit part en raffinerie, et le diesel et l'essence raffinés deviennent des produits totalement différents et qui sont côtés différemment dans les échanges boursiers", ajoute Olivier Neirynck.
L'importance de l'offre et de la demande
Dès ce moment, ce sont essentiellement les quantités produites qui influencent les prix. On en arrive au fameux principe de l'offre et la demande.
Ou pour résumer, plus on consomme de diesel en Europe, plus il sera cher. A l'inverse, moins la demande est importante, plus les producteurs auront des difficultés à écouler leurs stocks, et les prix baissent.
De façon générale, la demande en essence explose plutôt en été, une période où le prix a donc tendance à augmenter.
Pour le diesel, c'est le contraire. Et pour cause: il s'agit du même type de produit que le mazout de chauffage, et beaucoup de personnes se chauffent encore avec cette énergie. Il est donc logique que le produit soit plus consommé en hiver.
Mais les marchés ne sont pas si simples et les "règles générales" ne s'observent pas nécessairement. C'est le cas cette année, qui fait exception... à cause de la météo. En effet, il ne fait pas spécialement froid. L'hiver est globalement doux. On ne consomme donc pas beaucoup de mazout, ou en tout cas moins que prévu. L'offre est optimale, car les producteurs avaient prévu des stocks importants, mais la demande reste faible. Les prix sont donc à la baisse.
"Alors que pour l'essence, la consommation est grosso modo en adéquation avec les stocks prévus", précise Olivier Neirynck. Contrairement au diesel, la valeur boursière de ce carburant ne subit donc pas l'effet d'une demande "peu importante".
Encore "quelques beaux jours" pour le diesel
A l'heure actuelle, le diesel profite donc encore de quelques "beaux jours", malgré la hausse des accises qui atteignent 60% (TVA comprise) du montant payé à la pompe. Des accises qui ont augmenté, mais qui restent inférieures aux accises sur l'essence, qui s'élèvent quant à elles à 70% (TVA comprise) du prix à la pompe.
Au fur et à mesure, la balance devrait s'équilibrer. Les taxes sur le diesel vont progressivement augmenter jusqu'en 2018. Parallèlement à cela, les accises sur l'essence vont diminuer. Mais attention: imaginer que le diesel se vendra au prix de l'essence est, encore une fois, erroné. "Arriver au même prix ça me paraît compliqué, car sur les marchés boursiers, il y a une différence de près de 200 euros entre le diesel et l'essence au mètre cube. Je ne pense pas qu'une différence aussi importante sera comblée par une augmentation des accises sur le Diesel. Par contre, un litre de diesel devrait à l'avenir rapporter autant d'argent à l'Etat qu'un litre d'essence", prévient Olivier Neirynck.
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