Dans sa chronique consacrée à l’économie et à la consommation ce matin, Bruno Wattenbergh a fait une analogie entre la stratégie de la guerre et la gestion des ressources humaines.
Peut-on comparer la stratégie d’une armée avec celle d’une entreprise ? La question est plutôt délicate. On parle de polémologie, qui vient du grec ancien polemos, "guerre", et logos, "étude". Il s'agit plutôt de la science de la guerre et de la paix. Nombre d’écoles de commerce au cours du 20e siècle ont utilisé des manuels de stratégie militaire pour enseigner la stratégie d’entreprise. Le premier livre de stratégie militaire qui ait été écrit est "L’Art de la Guerre", par Sun Tzu en 544 avant Jésus Christ. Nombre de managers l’ont lu et de nombreux auteurs l’ont adapté au monde de l’entreprise.
N’est-ce pas un peu brutal de comparer la confrontation entre des armées et celle entre des entreprises ?
À première vue oui. Mais Sun Tzu, il y a 25 siècles, expliquait déjà l'idée que l’objectif de la guerre est de contraindre l’ennemi à abandonner la lutte, y compris sans combat, grâce à la ruse, l'espionnage, une grande mobilité et l'adaptation à la stratégie de l'adversaire. Tous ces moyens doivent ainsi être employés afin de s'assurer une victoire au moindre coût (humain, matériel).
Pourquoi en parler aujourd’hui ?
Parce que l’armée ukrainienne a déclaré avoir tué ces derniers jours un général russe. En fait, à ce jour, les Ukrainiens auraient déjà tué 17 hauts commandants russes, en ce y compris une dizaine de généraux. Chiffres non confirmés par l’armée russe. Mais il est établi un nombre de très hauts gradés russes tués qui dépasse significativement ceux tués lors de la 2e Guerre Mondiale.
Pourquoi ces chiffres anormalement élevés pour des hauts gradés et quel rapport avec l’entreprise et le management ?
Le management, la gestion humaine à l’ancienne de l’armée russe. Il n’y a pas de confiance dans les troupes sur le terrain, la hiérarchie est donc verticale. Les soldats de grade moyen ne peuvent pas prendre d’initiative, ce qui force les hauts gradés à se reprocher de la ligne de front pour s’assurer que la stratégie décidée est bien appliquée. Il n’y a pas beaucoup de délégation de responsabilité.
Quand cela se passe bien, c’est parfait. Quand quelque chose ne se passe pas comme prévu, toute la machine se grippe. Et les généraux russes doivent prendre des décisions qui, souvent, seraient dévolues à des soldats américains ou européens peu gradés.
Et c’est presque exactement ce qui se passe dans le monde de l’entreprise. Dans les entreprises efficaces, la stratégie est expliquée à tout le monde. Ensuite, la tactique est décidée ensemble avec ce que l’on appelle le middle management, c'est-à-dire les cadres. Et on détermine aussi les délégations et le niveau de liberté de décider et d’agir seul, rapidement. Les équipes sur le terrain ont une autonomie, ce qui confère à l’entreprise agilité et rapidité.
L’armée russe à l’ancienne, comme les entreprises à l’ancienne, prennent des risques et finissent un jour ou l’autre par en payer le prix.
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