Depuis le premier janvier 2014, la Flandre a changé complètement la façon de taxer la mise en circulation d'une voiture, se basant uniquement sur le rejet de CO2. Selon un de nos lecteurs, les différences sont désormais flagrantes entre les Régions. Nous avons enquêté.
Rachid a contacté la rédaction de RTLinfo.be, via la page Alertez-nous, car il ne comprend pas qu'il y ait de telles différences de taxe de mise en circulation en Belgique. "Prenons l’exemple d’une Audi A8 3.0 TDI dont la mise en circulation coûte 4.957 euros à un Wallon contre… 316 euros à un Flamand. Soit 16 fois plus ! C'est honteux et inacceptable que dans un si petit pays, il y ait au niveau des taxations des différences aussi énormes", nous a-t-il expliqué.
Comment les régions calculent-elles les taxes de mise en circulation ?
La fiscalité des véhicules est une des nombreuses compétences qui a été transférée récemment du fédéral vers le régional.
En Wallonie, lorsque vous immatriculez un véhicule, c'est… compliqué. Il y a d'abord un tableau croisé entre l'âge de la voiture et sa puissance (chevaux fiscaux ou kilowatts), et ensuite un éco-malus exponentiel pour les moteurs rejetant plus de 145 grammes de CO2 par kilomètre (voir les détails dans ce PDF).
Pour faire simple: plus la voiture est puissante, récente et productrice de CO2, plus sa taxe de mise en circulation sera élevée. Petite anecdote: le contrepoids de l'éco-malus, l'éco-bonus qui encourageait les acheteurs de voitures peu polluantes, a été abandonné au début de l'année.
"La taxe de mise en circulation est issue directement du modèle fédéral. Il n'y a eu que de petits changements, et uniquement sur la forme, pour l'intégrer dans le code de procédure wallon et donc l'appliquer au niveau wallon", nous a expliqué Nicolas Yernaux, porte-parole de la Région wallonne.
En Région bruxelloise, il n'y a pas eu de transfert: le fédéral (le Service Public Fédéral Finances pour être exact) a gardé la compétence pour appliquer et percevoir cette taxe, et on retrouve les mêmes montants qu'en Wallonie. Mais il n'y a pas d'éco-malus (voir les détails dans ce PDF).
La Flandre pense plus à l'environnement
En Flandre, un grand changement écologique est en cours. Depuis le premier janvier 2014, la Région ne prend plus en compte que le rejet de CO2 pour calculer la taxe de mise en circulation d'un véhicule particulier. Et ça change tout.
Un exemple sera plus parlant: la Mercedes E 300 BlueTEC Hybrid équipée d'une double motorisation essence et électrique (2143 cm³, 107 grammes de CO2 par km, 53.000€ hors options), coûte moins cher à la mise en circulation qu'une Dacia Duster (1598 cm³, 165 grammes de CO2 par km, 11.990€ dans la version de base). Un fameux incitant pour ceux qui veulent rouler "vert" tout en se faisant plaisir...
Quant à savoir si la Région wallonne va imiter ce modèle à l'avenir, c'est difficile de le savoir. "On ne peut pas prédire l'avenir, c'est lié à une volonté politique", a poursuivi M. Yernaux.
Petite citadine: peu de différences entre les Régions
Voilà pour la théorie. Soyons désormais concrets: comment les différences entre les Régions se reflètent-elles dans la réalité ?
Nous avons établi deux cas de figure pour voir où les taxes étaient les moins élevées: une petite citadine essence (Peugeot 208, 1199 cm³, essence, 60 kW, 4.5 L/100, 104 gr CO2, norme Euro 5) et une grosse berline diesel (BMW 535d xDrive, 2993 cm³, diesel, 230 kW, 5,6 L/100, 147 gr CO2, norme Euro 6). La moyenne devrait se situer au milieu…
La TMC (taxe de mise en circulation) de la Peugeot s'élève à 61,50€ en Wallonie. C'est le prix plancher qui concerne tous les véhicules à la puissance inférieure à 8 CV (ou 70 kW). Vu qu'elle rejette moins de 145 grammes de CO2 par kilomètre, il n'y a pas d'éco-malus.
Idem à Bruxelles: 61,50€.
En Flandre, en revanche, vu les faibles rejets de CO2, la taxe sera de 54,41€, selon cet outil de calcul mis à disposition par le Belastingportaal Vlanderen.
Grosse berline: la Flandre est nettement moins chère
Pour notre BMW 535d, par contre, ça va coûter nettement plus cher. Et les différences sont importantes entre le nord et le sud du pays. En Wallonie, on crève rapidement le plafond (plus de 155 kW). Au 4.957€ de base, s'ajoute à la TMC l'éco-malus le plus bas (100€). Résultat: 5.057€…
A Bruxelles, cela vous coutera "seulement" 4.957€.
En Flandre, l'outil de calcul donne une TMC de 278,43€ ! Et ce grâce aux faibles émissions de CO2, unique critère en Flandre.
Voitures très puissantes: mieux vaut habiter Bruxelles
Sans aucun doute, c'est en Flandre qu'il est le plus intéressant d'immatriculer la plupart des voitures neuves. Sauf dans un cas: les voitures très puissantes.
Une Ferrari FF flambant neuve est très taxée en Flandre à cause de ses 360 gr de CO2 par km: 10.439€ au nord du pays, contre 7.457€ en Wallonie (dont 2.500€ d'éco-malus), et 4.957€ à Bruxelles (qui n'a pas d'éco-malus).
Nous avons pris également le cas d'un SUV d'occasion, une Porsche Cayenne de 2004 (4511 cm³, essence, 250 kW, 14,9 L/100, 361 gr CO2, norme Euro 4). L'immatriculer en Flandre coutera 4.730,93€, contre 2.995,70 € (495,7 + 2.500 d'éco-malus) en Wallonie, et donc 495,7€ à Bruxelles.
C'est donc en Région bruxelloise qu'il est le plus intéressant d'immatriculer des voitures sportives ou puissantes, car la dégressivité avec l'âge est importante, et qu'il n'y a pas d'éco-malus.
Faire immatriculer sa voiture par un ami en Flandre: une fausse-bonne idée
Cette grande disparité entre les Régions au niveau de la taxation de certains véhicules révolte Rachid. Au point qu'il donne un (très mauvais) conseil: "J'invite tous les Wallons qui ont des amis ou des connaissances en Flandre à immatriculer leur véhicule à leur nom", nous a-t-il confié.
C'est une fausse bonne idée, évidemment. Premièrement, si votre "ami" flamand est propriétaire du véhicule, il en est également responsable aux yeux de la loi. Infraction au code de la route, excès de vitesse, délit de fuite: c'est lui qui devra prouver qu'il ne conduisait pas sa voiture en cas de problème.
De plus, même si en théorie on peut posséder un nombre illimité de véhicules, il n'en va pas de même pour les assurances. La règle générale qui prévaut auprès des assureurs est qu'il faut être propriétaire du véhicule pour l'assurer. Il est cependant possible, pour un proche (souvent les enfants, ou la famille) de prendre une assurance à son nom. C'est l'assureur qui donnera son accord.
Si votre "ami" propriétaire du véhicule prend l'assurance à son nom, il risque des ennuis en cas d'accident. "On peut prêter sa voiture à tout le monde pour autant que ce soit occasionnel", nous a confirmé François de Clippele, porte-parole d'Assuralia. "L'assureur vigilant pose des questions à la signature du contrat, et si le conducteur est impliqué dans un accident, l'assureur tentera de prouver qu'il ne s'agissait pas d'une conduite occasionnelle".
Vous l'avez compris: faire immatriculer son véhicule par un "ami" en Flandre et rouler avec n'est pas formellement illégal, mais fortement déconseillé.
Mathieu Tamigniau (Twitter: @mathieu_tam)
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