La justice s'est prononcée ce jeudi sur le sort d'un policier accusé d'un tir mortel sur une fillette kurde de deux ans, lors d'une course-poursuite avec une camionnette de migrants en 2018, un drame qui a suscité des critiques contre la politique migratoire de la Belgique.
La quatrième chambre correctionnelle de la cour d'appel du Hainaut a rendu son arrêt, jeudi, dans la cadre de l'affaire Mawda. Le policier, auteur du tir mortel, est condamné à une peine de dix mois de prison, avec sursis, et à une amende de 400 euros. La culpabilité est confirmée mais la peine est réduite d'un an à dix mois de prison avec sursis.
Les parents de Mawda étaient tous les 2 présentes même si assister à la lecture de cet arrêt représentaient pour eux une épreuve supplémentaire. Ils redoutaient l’acquittement du policier. "On est satisfait d'avoir entendu qu'on ne peut pas être acquitté dans des circonstances pareilles ni demander une suspension du prononcé", souligne Me Selma Benkhelifa, avocate des parents.
Pour le policier, ce verdict constitue un échec et une déception d'après son avocat. À travers cet arrêt, la cour d'appel veut faire passer un message. "J'ai dit à mon client en sortant 'En fait, cette peine, ne la prenez pas pour vous. Ce n'est pas vous qui êtes condamné à 10 mois. Formellement, c'est ce qui est écrit. Mais en fait, c'est un message à l'ensemble des policiers. On ne sort jamais son arme sauf dans des cas tout à fait exceptionnels. C'est le message qui doit être communiqué", estime Me Laurent Kennes, avocat du policier.
Rappel des faits
Le 17 mai 2018, la petite fille kurde a perdu la vie lors d'une course-poursuite entre la police et une camionnette transportant une vingtaine de migrants, dont ses parents. Alors que la camionnette, venant de Namur, arrivait à hauteur de Mons, sur l'E42, le policier montois a sorti son arme de service et a tiré un coup de feu en direction du pneu avant gauche de la camionnette en vue de provoquer une crevaison lente. Le coup de feu est parti lors d'une collision entre les deux véhicules, ce qui a changé la trajectoire de la balle. Le projectile a alors mortellement touché une petite fille âgée de deux ans.
Condamné à un an avec sursis en première instance
Le policier avait été condamné en première instance à un an de prison avec sursis et une amende de 400 euros pour homicide involontaire par défaut de prévoyance et/ou de précaution. L'intéressé a fait appel et son avocat avait plaidé l'acquittement total, alors que les parties civiles avaient demandé à la cour de requalifier la prévention en "coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner".
Pour la cour, cette demande de requalification n'est pas adéquate vu le caractère involontaire du tir. Globalement, la cour a suivi le jugement prononcé par le tribunal de première instance, estimant que le policier avait commis une faute en chambrant son arme et en mettant son doigt sur la détente dans un contexte extrêmement tendu, ajoutant qu'un policier, prudent et raisonnable, n'aurait pas agi de la même façon dans un cas similaire. C'est ce qu'avait d'ailleurs déclaré l'avocat général dans son réquisitoire. Aucun des autres policiers n'avait agi de la sorte, sauf le collègue du prévenu qui a exhibé son arme de service, afin d'inciter le fuyard à ralentir, mais il n'avait pas chambré son arme et n'avait pas incité son collègue à tirer dans le pneu de la camionnette.
La cour a pris en compte la gravité des faits
La cour a rappelé dans son arrêt que l'usage d'une arme à feu, dans le cadre de la loi sur la fonction de police, est réservée à des cas extrêmes. Dans le cas d'espèce, le prévenu a soutenu qu'il avait agi en fonction d'une formation reçue huit ans avant les faits.
La cour considère que le fait de tirer dans un véhicule en mouvement, depuis un autre véhicule en mouvement à vitesse rapide, était un exercice hasardeux. Le policier n'ignorait pas que la camionnette puisse faire un autre écart sur sa gauche. Ce fut le cas, car le tir s'est produit lors d'une manœuvre similaire, avec heurt entre les deux véhicules. Le prévenu a commis une erreur en n'envisageant pas d'autres conséquences possibles.
Enfin, dans son arrêt, la cour a pris en compte la gravité des faits, le trouble social causé, la souffrance endurée par la famille de la défunte, mais aussi l'absence d'antécédent judiciaire dans le chef du policier, son parcours professionnel irréprochable, les conséquences sur sa vie mais aussi le fait qu'il fut le seul pointé du doigt dans le cadre de reproches adressés par les parties civiles à l'Etat belge, lequel est responsable des faits commis par son agent.
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