Le phénomène prend de l'ampleur en Belgique: des proxénètes qui parviennent à manipuler des mineurs pour les livrer à la prostitution. Depuis cinq ans, près de 145 dossiers ont été ouverts auprès de la fondation Child Focus. Parfois, le profil des victimes et des auteurs peut être très surprenant.
C’est sur internet principalement que les jeunes victimes sont repérées. Elles ont parfois entre 12 et 13 ans. Elles manquent d’estime d’elles-mêmes. Elles aspirent à une vie meilleure ou différente… Il n’en faut pas plus pour qu’elles deviennent une proie des proxénètes qui ciblent les adolescentes.
"Ce sont des gens qui sont passés maître dans la manipulation, dans la détection de failles de certaines jeunes filles. Ils s'infiltrent dans ces failles, qui peuvent être d'ailleurs de différentes natures et de différents degrés", explique Miguel Torres Garcia, directeur des opérations de Child Focus.
La séduction, avant le chantage et la pression
Les adolescentes de ces réseaux peuvent venir des pays de l’Europe de l’est, elles peuvent aussi avoir eu un parcours compliqué et être passées par l’aide à la jeunesse.
Au départ, les proxénètes sont généralement jeunes, beaux et vont leur faire croire à l’amour. Mais après la séduction, vient le chantage. "Ça peut être: 'Tiens tu sais j'ai des dettes, ce serait bien si tu pouvais m'aider, tes charmes peuvent peut-être y contribuer'", indique Miguel Torres Garcia.
Ils demandent alors des photos nues et, fait surprenant, la fille accepte…
Un profil de victime interpelle particulièrement les policiers et Child Focus. Dans toutes les enquêtes récentes, ils retrouvent des jeunes filles issues de familles aisées, habitants les quartiers chics de Bruxelles et du Brabant wallon, comme le souligne un policier dans le rapport de Child Focus: "Les proxénètes d’adolescents se montrent attentionnés, mais une fois que le contact est établi, les choses s’accélèrent. Ils demandent alors des photos nues et, fait surprenant, la fille accepte… (…) Ce type de dossier connait véritablement une explosion au sein de la section des mœurs".
Au départ, les adolescentes ne se rendent pas compte qu’elles sont victimes de manipulateurs. "Souvent, elles n'en ont pas conscience. Surtout au début quand c'est encore l'amour fou. Ou quand elles sont sous l'emprise de ce beau garçon. Mais rapidement, je pense qu'une fois que ce garçon commence à être plus violent, ou de mettre plus de pression psychologique, elles commencent à réaliser qu'il y a un problème", précise Sarah De Hovre, directrice de PAG ASA, aide aux victimes de la traite des êtres humains.
Jusqu'à huit clients par jour
Au début, les proxénètes sont très affables. Ils ont souvent entre 20 et 30 ans. Ils peuvent appartenir à des à des réseaux plus ou moins flottants. Ils gèrent les petites annonces, les rendez-vous, les réservations d’hôtels et les clients. Certaines en auront jusqu’à huit par jour. L’objectif de ces proxénètes est de faire de l’argent. Beaucoup d’argent: plusieurs milliers d’euros par semaines.
Ce sont des enquêtes particulièrement pointues
Ces réseaux sont très organisés. Ce qui complique le travail des enquêteurs. "C'est très compliqué d'avoir des plaintes directes. Donc c'est plutôt via des enquêtes relatives à des disparitions, signalées par des parents de certaines jeunes filles, qu'on remonte le fil et qu'on parvient à déterminer que ces personnes étaient embrigadées dans des réseaux de distribution. Et donc effectivement ce sont des enquêtes particulièrement pointues", explique Denis Goeman, porte-parole du parquet de Bruxelles.
Les proxénètes de mineurs sont coupables de traite des êtres humains. Ils peuvent être condamnés à plus de 10 ans de prison.
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