Le président tribunal correctionnel de Charleroi lira mercredi 5 février le long jugement concernant la trentaine de prévenus poursuivis en tant que membres d'une organisation criminelle présumée, principalement active dans la culture de cannabis. Ce procès d’ampleur a largement été perturbé par la disparition puis le retour d’une partie des écoutes policières. Après deux semaines d’audiences que faut-il retenir ?
Le 29 octobre nous vous annoncions la disparition au greffe de Charleroi de plusieurs DVD contenant des écoutes policières dans le cadre d’un dossier de trafic de stupéfiants. Très rapidement le Parquet de Charleroi confirmait l’information et précisait qu’une enquête était en cours depuis plusieurs semaines.
Lors de la première audience du procès, le 18 novembre, l’avocat général Demoulin annonçait que les écoutes étaient à nouveau disponibles et qu’elles avaient été déposées une semaine auparavant au greffe. Mais cet ajout dépassait le délai fixé pour amener des éléments au dossier.
Plusieurs questions se posent alors:
Comment les écoutes ont-elles réapparu ?
Les écoutes sont stockées par la police dans des disques durs. Lorsque la demande est faite, elles sont déposées au greffe afin d’être consultées par les avocats. Mais mystérieusement des écoutes réalisées lors de parloirs en prison n’étaient plus disponibles. Une fois l’affaire devenue médiatique, il est probable que les policiers ont été priés de retrouver très rapidement les enregistrements manquants et de les réinjecter dans le dossier. Mais trop tard. De nombreux avocats estiment ne pas avoir eu le temps de les consulter, ce qui cause, selon eux, un problème au niveau du droit de la défense. "La défense en a tiré un argument en terme de recevabilité des poursuites et de respect des droits de la défense. Il faut donc espérer que cela ait un impact majeur", déclare Fabian Lauvaux, avocat de plusieurs prévenus.
Cet incroyable dysfonctionnement va-t-il provoquer l’annulation des poursuites ?
"Cela peut avoir une influence mais ça dépend du contexte. Leur disparition et réapparition peut n'avoir que des conséquences marginales. Surtout si leur contenu n'apporte finalement rien", modère Frank Discepoli, avocat et assistant en droit et procédure pénal à l’ULB.
L’avocat Jean-Philippe Mayence a fait écouter certains extraits des écoutes disparues lors de l’audience. Ce qui a été entendu publiquement ne correspondait pas au résumé qui avait été retranscrit dans le dossier par les policiers. Une question avait par exemple été transformée en affirmation. Cela a provoqué la colère du président du tribunal qui n’a pas hésité à invectiver les enquêteurs présents dans la salle en précisant que ce genre de transformation des propos n’était pas admissible dans le cadre d’une enquête. Ambiance.
RTL INFO a contacté l’un des prévenus dans ce dossier. Il fustige les méthodes policières utilisées lors des investigations : "La liste exacte des irrégularités serait à faire. L'addition de celles-ci fait apparaître une volonté d'orienter l'enquête à tout prix", estime-t-il.
Ces incidents ont en tout cas éclipsé partiellement le fond du débat et la description sévère faite par le Parquet qui parle d’une organisation criminelle présumée extrêmement bien organisée et aux profits juteux. Le ministère public a d’ailleurs demandé des peines qui vont jusqu’à 15 ans de prison.
Vos commentaires