Pour la première fois, le policier dont le tir avait causé la mort de la petite Mawda s'est exprimé publiquement, au tribunal. Il dit avoir voulu simplement "ralentir" le véhicule. La fillette avait été tuée, il y a 2 ans, lors d'une course-poursuite entre la police et un véhicule transportant des migrants. 3 hommes sont aujourd'hui jugés dans ce dossier, dont ce policier, poursuivi pour homicide involontaire.
Le policier, auteur du tir qui a tué la petite Mawda lors de la course-poursuite qui s'est déroulée sur l'autoroute E42, la nuit du 16 au 17 mai 2018, a été interrogé par le tribunal correctionnel du Hainaut division de Mons, lundi après-midi. "Avant d'être policier, je suis un être humain. La mort de cette petite fille m'a effondré. J'aurai toujours cette image", a-t-il déclaré. C'est la première fois que le policier s'exprime publiquement depuis le drame.
Le policier a déclaré devant le tribunal qu'il n'avait pas entendu le dispatcheur de la police dire qu'il fallait faire attention car il y avait des migrants dans la camionnette. Il ajoute que les feux et la sirène de son véhicule étaient actionnés. "Je n'ai pas reçu l'information qu'il y avait un enfant. Si je l'avais su, jamais je n'aurais sorti mon arme", a-t-il déclaré. "C'était un nouveau véhicule et la radio ne se trouvait pas devant moi. Mon collègue a mis sa radio sur son gilet pare-balles".
Lors d'une audition, il a déclaré qu'il faisait nuit au moment de l'intervention et qu'il faisait sombre à certains endroits sur l'autoroute. "Les éclairages étaient éteints, seuls les accès et les parkings de l'autoroute étaient allumés". Celui qui est accusé d'homicide involontaire a déclaré qu'il voulait viser le pneu avant gauche de la camionnette. "A l'académie, on nous déconseillait de faire une crevaison lente. Ce n'est pas interdit et je n'avais pas d'autre solution. Je n'avais pas connaissance d'une note déconseillant cette procédure, j'avais juste les notes de ma formation, en 2008".
Je voulais juste ralentir ce véhicule, en crevant son pneu
Selon son collègue, une note de 2014 indiquait qu'il était déconseillé de tirer dans un véhicule en mouvement. Ce point aurait été enseigné lors de la formation pour entrer à la police des autoroutes mais le prévenu ne se souvient pas d'avoir pris connaissance de cette note. Il pensait que son tir avait été inopérant. "Au moment du tir, j'ai été déséquilibré et j'ai entendu un claquement. J'ai tiré à une seule reprise, par accident". Une fois arrivé sur le parking autoroutier de Maisières, son arme a été prise par un autre policier qui a également procédé à un alcotest, lequel s'est révélé négatif. Le 18 mai, le policier a été auditionné par le comité P. Il a déclaré que, parmi les informations reçues, on lui a indiqué qu'un enfant avait été montré par la fenêtre. "Ce sont des informations que j'ai reçues après le drame", a-t-il répondu à la question posée par l'avocat général, Ingrid Godart. Il ajoute que la camionnette a essayé plusieurs fois de foncer dans le véhicule dans lequel il se trouvait. "Je voulais juste ralentir ce véhicule, en crevant son pneu, car il avait une conduite dangereuse. J'ai eu cette idée-là car il y avait danger pour nous et pour les autres".
L'avocate des parents de Mawda charge la police
Lundi, devant le tribunal correctionnel du Hainaut division de Mons, Me Ben Khelifa a qualifié le début de l'affaire de "mensonge collectif dans le but de cacher que la petite fille fut victime d'un tir mortel tiré par un policier". L'avocate des parents de Mawda explique ainsi que le premier médecin légiste désigné par le juge d'instruction a commis une erreur, excluant, par téléphone, une blessure par balle sans même se rendre auprès du corps de la victime.
Le magistrat chargé de l'instruction n'a pas requis les services du comité P dans le dossier, avant que le procureur du roi ne donne des informations erronées à la presse. "Après avoir menti sur le tir, on a inventé l'idée folle de l'enfant bélier", maugrée l'avocate. "Le 18 mai, le parquet a fait état d'un échange de tirs entre les policiers et les migrants, ce qui est faux", selon Me Ben Khelifa. Le 31 mai, lors du débriefing de la police, il est indiqué dans un procès-verbal que les policiers ont fait pression sur les policiers chargés de mener l'enquête. "Après, la parole des parents fut constamment remise en doute bien qu'ils ne se sont jamais contredits alors qu'ils ont été auditionnés dans des cellules séparées. Ils n'ont pas eu le loisir de faire un débriefing pour accorder leurs violons, alors qu'on les accusait de s'être servi de Mawda comme bouclier humain".
Selon l'avocate, ce n'est pas Mawda qui a été exhibée à la fenêtre de la camionnette mais une autre petite fille du même âge. "Ils ont toujours dit que Mawda n'a jamais quitté les bras de sa maman, laquelle était adossée au siège du conducteur". Elle ajoute qu'il est impossible que le policier n'ait pas vu l'enfant. "Ce débriefing du 31 mai explique l'état d'esprit de la police. Tous autour de la table étaient d'avis que la course-poursuite avait été bien gérée. Ils ont trouvé que la gestion de l'opération a été faite de sang-froid et ils l'ont qualifiée d'excellente alors qu'elle a été catastrophique", martèle l'avocate des parents de Mawda.
Les parents de Mawda estiment que leur fille a été tuée de manière volontaire
Comme elles l'avaient annoncé, les avocates des parents de Mawda ont plaidé la requalification de l'homicide involontaire retenue contre le policier en homicide volontaire en insistant sur le dol éventuel (manoeuvre frauduleuse destinée à tromper). Du coup, c'est la compétence du tribunal correctionnel qui est remis en cause.
Pour Me Loïca Lambert, autre avocate des parents de Mawda, ce n'est pas l'entrave à la circulation qui a provoqué la mort de la victime, la nuit du 16 au 17 mai 2018. Une demande de requalification en meurtre a été plaidée comme cela avait été annoncée par les parties civiles, lesquelles remettent du coup la compétence du tribunal en cause puisqu'un homicide volontaire est jugé aux assises. Pour rappel, cette demande avait été faite lors de la procédure devant la chambre du conseil mais cette dernière avait retenu le caractère involontaire de l'homicide à charge du policier, auteur présumé du tir qui a tué Mawda lors de la course-poursuite qui s'est déroulée sur l'autoroute E42, la nuit du 16 au 17 mai 2018. L'avocate a plaidé la théorie du dol éventuel, en insistant sur le fait que le policier a pris le risque de tuer quelqu'un en usant de son arme de service. "Ce dossier montre clairement que le coup de feu a été tiré volontairement vers cette camionnette, que le coup de feu a tué Mawda et que le policier a accepté l'éventualité de tuer autrui".
Un tir "par crispation ou par réflexe" est plausible d'après l'expert en balistique
Après le médecin légiste, le tribunal correctionnel de Mons avait auditionné lundi l'expert en balistique désigné par le juge d'instruction dans le cadre de l'enquête sur la mort de la petite Mawda, tuée d'une balle lors de la course-poursuite qui s'est déroulée entre un véhicule de police et une camionnette transportant des migrants sur l'autoroute E42, la nuit du 16 au 17 mai 2018. Selon l'expert, Mawda se trouvait bien à l'avant du véhicule comme l'a déclaré plus tôt le médecin légiste. Il a aussi déclaré que la thèse d'un coup de feu "par crispation ou par réflexe" était plausible. L'expert est incapable de dire si le tir est volontaire ou pas.
Plus tôt, lundi, le médecin légiste avait expliqué devant le tribunal que le coup de feu avait traversé la tête de la petite fille et qu'il avait détruit les deux vitres latérales de la camionnette. Selon le médecin, la petite fille se trouvait à l'avant du véhicule et non à l'arrière, en raison des éléments organiques retrouvés sur le tableau de bord. André Chabotier, expert en balistique au sein de l'école royale militaire, a aussi estimé que la présence la plus vraisemblable de Mawda dans la camionnette était à l'avant. "Lors des constatations effectuées sur le véhicule, on n'a pas retrouvé d'impact balistique dans la partie avant, ni dans la partie arrière du véhicule. Les deux vitres latérales avant étaient brisées. Des projections de sang ont été retrouvées sur le tableau de bord, au centre de l'habitacle avant ainsi que des matières organiques sur la porte avant droite. Un second examen complet du véhicule a été fait pour retrouver un impact mais sans succès", a-t-il déclaré devant le tribunal, lundi midi. Les véhicules de police qui suivaient la camionnette ont déclaré avoir vu une projection de vitre de la portière avant droite de la camionnette. L'autopsie révèle par ailleurs des blessures périphériques qui peuvent être causés par l'explosion de la vitre latérale avant gauche.
Des trajectoires possibles définies
Plusieurs trajectoires possibles ont été définies lors de l'enquête, de la gauche vers la droite. Selon M. Chabotier, la trajectoire la plus probable est presque perpendiculaire par rapport à l'axe longitudinal de la camionnette. Selon l'expert, si l'enfant se trouvait à l'arrière du véhicule, juste derrière le siège avant, la balle aurait dû se loger dans la carrosserie et aurait pu faire d'autres victimes. Or, ce n'est pas le cas. Le policier poursuivi pour l'homicide involontaire de la petite fille a déclaré que le coup était parti accidentellement quand la camionnette a heurté le véhicule de police, ce qui a provoqué un déport vers la gauche de ce véhicule de police. L'expert estime que le tir a pu être effectué par crispation ou par réflexe. "Je ne peux pas l'affirmer mais c'est plausible", a-t-il déclaré.
L'expert a examiné l'arme du policier poursuivi et il a constaté qu'aucun réglage particulier n'avait été effectué sur cette arme. "Un coup de feu accidentel parait difficile avec ce genre d'arme car il faut faire déplacer la détente sur une distance de 8,4 mm et une force de 28 Newtons". Cependant, compte tenu de tous les éléments examinés dans son rapport, il estime que le tir a pu être effectué par crispation ou par réflexe car le policier avait le bras tendu hors du véhicule. Il a pu tenir son arme plus fermement que d'habitude. Enfin, l'expert a expliqué que le type de balle utilisée par les forces de l'ordre est souvent un projectile à tête creuse qui ne se fragmente généralement pas mais qui "se champignonne" et freine dans la cible.
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