C’est un procès hors norme qui s’ouvre ce lundi à Bruxelles dans les anciens bâtiments de l’Otan. Un lieu qui offre une large capacité afin d’accueillir l’ensemble des acteurs de ce procès d’ampleur concernant une organisation criminelle active dans le vol et le trafic de voitures au niveau international.
Les anciens bâtiments de l'Otan accueillent un procès hors norme à partir de lundi. Dans le cadre des audiences qui commencent, 79 prévenus vont comparaître devant le Tribunal correctionnel de Bruxelles. Il y a 503 victimes. Des parties civiles victimes d’une escroquerie lors de la vente de leurs véhicules via Internet.
Une arnaque bien rodée
C’est une affaire qui a nécessité d’importants moyens en terme d'observations, d'instructions ou de perquisitions. Le dossier est composé de 150 cartons, l’enquête a été portée à bout de bras par l’incontournable et implacable procureur fédéral Julien Moinil.
L’homme s’est impliqué avec profondeur et précision dans les investigations qui ont débuté en octobre 2018 pour se terminer en mars 2020. Il n’a pas hésité à pointer du doigt la responsabilité de plusieurs policiers qui, par leur complicité, ont permis au système mis en place par l’organisation criminelle de fonctionner et d’apporter des profits financiers conséquents aux suspects.
D’après l’enquête, cette structure, issue principalement des gens dits du "voyage", avait besoin d'utiliser de nombreuses personnes intermédiaires et notamment des policiers pour avoir accès à certaines informations et documents. Il est apparu lors d’écoutes téléphoniques que certains membres de l’organisation bénéficiaient de l’aide d'agents tant locaux que fédéraux.
Le but était de fournir des informations sur les notices ouvertes, les plaintes déposées, les futurs contrôles policiers, l’obtention de certificats d’immatriculation volés, l’obtention de numéro de châssis détournés ultérieurement, faux PV ou certificats.
Au fur et à mesure des recherches un modus operandi bien précis a été établi par les enquêteurs:
- Le fraudeur approche le vendeur suite à une annonce placée sur des sites web spécialisés dans la vente de voitures d’occasion.
- Il paye ensuite une partie du prix demandé en cash et promet de payer le solde restant par virement.
- Au moment de la rencontre "physique", le vendeur ne reçoit en cash qu’une partie de la somme convenue car l’acheteur fait disparaître une partie de l’argent via une manipulation.
- Le prétendu virement est souvent "confirmé" par un faux message via l’application WhatsApp qui montre une image d’un virement soi-disant effectué. Il apparait ensuite que le virement n’a jamais eu lieu.
- Afin de garantir sa "bonne foi" au vendeur, le fraudeur explique qu’il ne va conserver qu’une seule clé et la moitié des documents du véhicule. La clé de réserve et l’autre moitié des documents restent entre les mains du vendeur.
- Le vendeur se rend compte par la suite qu’il ne dispose pas de l’intégralité de la somme convenue en cash et qu’aucun virement n’a crédité son compte. Mais l’acheteur est déjà parti avec la voiture.
- Les enquêteurs notent également que des faux documents d’identité sont montrés au vendeur pour établir la facture de vente.
Plusieurs arrondissements du pays concernés
79 suspects. C’est donc autant d’avocats qui ont préparé leurs arguments en vue de ce méga-procès qui va s’étaler sur 43 audiences. Parmi eux, le Bruxellois Yannick De Vlaemynck, qui défend quatre prévenus. Il compte contester certaines charges qui pèsent contre ses clients: "Nous sommes dans le cadre d’un gigantesque dossier avec des centaines d’éléments à analyser. Mais vu l’ampleur des investigations, force est de constater que concernant certains suspects, les éléments sont relativement légers. C’est le cas pour les personnes que je représente et nous comptons le faire savoir avec force devant le Tribunal" explique t-il.
Outre la complicité de policiers ou d’une employée de la DIV, un courtier en assurances est également poursuivi.
Selon l’accusation, vu le nombre de véhicules, il devait se rendre compte de l’arnaque mais il nie les faits comme l’explique son avocat Eddy Kiaku: "Nous avons bien conscience du sérieux de cette enquête mais mon client conteste avec force sa culpabilité. Son métier est d’assurer des véhicules et c’est ce qu’il a fait pour certains des inculpés et leurs sociétés. Nous allons très clairement demander son acquittement car il n’a commis aucune infraction et les documents qui lui étaient fournis, dans le cadre des assurances, n’étaient pas falsifiés".
Des faits identiques se sont produits dans de nombreux arrondissements judiciaires belges. Thomas Puccini du barreau de Charleroi défend deux prévenus dans le dossier qui commence lundi. Il estime que dans ce type d'affaire gigantesque, il est parfois difficile d’établir la responsabilité des uns et des autres: "Le rôle du Tribunal va être d’arriver à faire la distinction entre les différentes responsabilités. Nous attendons également que les preuves soient analysées avec précision. Mes clients sont en aveux de certains faits mais ils n’ont pas l’intention de porter le chapeau pour des infractions qu’ils n’ont pas commises."
À Charleroi, deux policiers complices ont déjà été jugés et condamnés pour avoir fourni des informations ou des documents à l’organisation. L’un d’entre eux vient d’être condamné en appel à une peine de 4 ans de prison avec sursis pour ce qui excède la détention préventive. Il a été obligé de démissionner de la police.
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