Le prince Laurent a adressé, la semaine dernière, une lettre au Premier ministre Charles Michel dans laquelle il réclame que le gouvernement procède au dégel de fonds libyens qui font l'objet de sanctions internationales, rapportent mercredi la RTBF et le Vif l'Express, qui ont pu se procurer une copie de la missive.
C'est la première fois qu'un membre de la famille royale met en demeure un Premier ministre ainsi que tout son gouvernement, relèvent les deux médias. Le frère du Roi estime que le Premier ministre doit intervenir en sa faveur pour que son ex-ASBL, la GSDT, récupère l'argent qu'elle avait investi en Libye, en 2008.
Une bataille juridique avec l'État libyen
Le prince est au coeur d'une bataille juridique avec l'État libyen à qui il reproche d'avoir cassé un contrat pour un projet environnemental qu'il voulait développer. La justice belge a, par deux fois déjà, donné raison au prince Laurent mais les Libyens vont de recours en recours pour éviter le paiement de la somme, qui s'élève aujourd'hui à près de 50 millions d'euros. La lettre, datée du 24 janvier dernier, concerne en fait la non-réaction du gouvernement belge face aux demandes répétées des avocats du prince pour que la Belgique l'aide dans la récupération de cet argent.
"Une fois de plus, vous ne me laissez donc pas d'autres choix"
Dans sa lettre, le frère du roi Philippe explique à Charles Michel qu'il ne souhaite "plus prendre son mal en patience" et avertit: "Une fois de plus, vous ne me laissez donc pas d'autres choix que d'exercer pleinement les droits de justiciable qui sont aussi les miens, et par conséquent d'inviter le gouvernement, et pour autant que besoin le mettre en demeure, de déployer les mêmes efforts en vue d'obtenir des responsables libyens, l'exécution de l'arrêt rendu par la Cour d'appel en faveur de l'ASBL en 2014, et d'en rendre compte."
"La loi est la même pour tout le monde", répond Charles Michel
"La loi est la même pour tout le monde et ce sont les tribunaux qui l'appliquent", a fait remarquer mercredi le Premier ministre, Charles Michel, en réponse à un courrier du prince Laurent concernant l'exécution d'une décision judiciaire.
Dans cette lettre, le frère du Roi se dit victime de "discrimination" et vise en particulier le ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders.
Le prince essaie, en vain, depuis plusieurs années d'obtenir l'exécution d'un arrêt rendu en sa faveur par la Cour d'appel de Bruxelles en 2014 dans un dossier qui l'oppose à l'Etat libyen. Il voudrait plus particulièrement être payé sur des fonds libyens gelés en Belgique à la suite de sanctions internationales mais l'Etat belge refuse de donner suite à sa demande. Or, en 2012, la Belgique a autorisé un dégel des intérêts de ces fonds. Une décision qui lui a valu d'être rappelée à l'ordre au mois de septembre dernier par les Nations-Unies.
"Au regard de la façon dont laquelle la Belgique gère les fonds gelés dont elle a la garde, il me paraît donc confirmé que mon association GSDT fait l'objet d'un traitement qui s'écarte totalement de la norme", accuse Laurent. Le prince demande dès lors au gouvernement d'intervenir dans l'exécution de la décision judiciaire rendue en sa faveur et de "déployer les mêmes efforts en vue d'obtenir des responsables libyens l'exécution de l'arrêt de la Cour d'appel".
"Appliquer les résolutions des Nations-Unies"
"L'Etat belge doit appliquer les résolutions des Nations-Unies et la réglementation directement applicable en la matière", répond le Premier ministre avant de rappeler que les avocats du prince ont été informés de cette situation entre la fin 2015 et le début 2016. Depuis lors, cette situation n'a pas évolué. Le Premier ministre cite un avis juridique du SPF Affaires étrangères, selon lequel les décisions judiciaires rendues après le gel des fonds en 2011 ne peuvent être exécutées sur ces fonds. Or, l'arrêt dont se prévaut le prince remonte à 2014. Quant aux avis de professeurs cités par le prince, M. Michel relève qu'ils "restent en défaut de (..) fournir une base juridique suffisante" autorisant ce dégel. Un contact a en outre été pris avec la Commission européenne, qui confirme la position de l'administration belge. "En conséquence, le Premier ministre tient à rappeler le principe de la séparation des pouvoirs et le principe de l'Etat de droit. La loi est la même pour tout le monde. Ce sont les cours et tribunaux qui appliquent la loi", conclut-il.
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