L'ex-ministre de l'Intérieur Jan Jambon, le commissaire général de la police fédérale Marc De Mesmaeker, et sa prédécesseure Catherine De Bolle, n'étaient pas au courant des circonstances du décès d'un citoyen slovaque, Jozef Chovanec, en février 2018 après un passage en cellule à l'aéroport de Charleroi, ont-ils assuré mardi aux députés des commissions Intérieur et Justice de la Chambre. Des questions continuent toutefois de se poser. Comment se fait-il qu'aussi bien le ministre que la hiérarchie policière n'aient pas été mis au courant des faits qui aujourd'hui font scandale? Comment se fait-il qu'ils n'ont pas cherché à en savoir plus? Comment se fait-il qu'aucune procédure disciplinaire n'ait été ouverte? Pourquoi le parquet n'a-t-il pas averti la hiérarchie policière de ce qui se trouvait sur les images de l'intervention policière pour maîtriser M. Chovanec? Aux yeux de nombreux parlementaires, plusieurs "clignotants" étaient allumés et auraient dû inciter le ministre et la direction de la police à demander des informations. Les intervenants ont rappelé qu'une enquête judiciaire pour coups et blessures avait été ouverte dès le transfert de M. Chovanec vers un hôpital où il perdra la vie trois jours plus tard, qui se transformera en instruction judiciaire. Dès ce moment, l'affaire était aux mains de la justice.
Je pars du principe que ce genre de rapport est correct
Le parquet de Charleroi avait toutefois communiqué le 28 février à la presse l'ouverture d'une enquête, notamment pour s'assurer que la procédure avait été respectée. Et à deux reprises, l'ambassadeur de Slovaquie a demandé à être reçu au cabinet de M. Jambon - une fois par le ministre lui-même -, et il a eu un entretien en juillet avec un directeur des Affaires étrangères, dont le cabinet de l'Intérieur a été mis au courant. Lors du premier entretien, l'ambassadeur a été informé de l'ouverture d'une instruction, ce qui l'a satisfait, selon M. Jambon. Lors du deuxième entretien, il a demandé si de nouvelles informations étaient disponibles. "Pour le reste, c'était un entretien amical", a ajouté l'ex-ministre fédéral. En l'absence de faits particuliers portés à sa connaissance, la loi ne permet pas au ministre de l'Intérieur d'ouvrir une procédure disciplinaire, a-t-il ajouté. Or, le rapport que son cabinet a demandé le 26 février à la police ne contenait aucun des faits qui aujourd'hui font scandale à la suite de la diffusion de la vidéo de l'intervention policière. Et M. Jambon ne voit pas de raison de douter a priori de la fiabilité de ce rapport. "Je pars du principe que ce genre de rapport est correct", a-t-il souligné.
"Je peux regarder la famille Chovanec dans les yeux"
L'autorité disciplinaire appartient en premier lieu à la direction dont relèvent les agents concernés, en l'occurrence la Direction générale de la police administrative, a fait remarquer de son côté Mme De Bolle. Le temps qu'une enquête interne soit menée, le patron de cette direction, André Desenfants, a fait un pas de côté. "Si j'avais vu ces images, j'aurais agi immédiatement", a affirmé l'actuelle directrice générale d'Europol. Son successeur dirigeait à l'époque le Secrétariat administratif et technique (SAT) assurant la liaison entre le cabinet de l'Intérieur et la police. Il n'a rien su de plus que la relation des faits dans le rapport lacunaire du 26 février. Il a toutefois attiré l'attention du cabinet après la diffusion du communiqué de presse, susceptible selon lui de mener à des "questions" parlementaires. M. De Mesmaeker estime n'avoir commis aucune faute. "En tant qu'ancien directeur du SAT, commissaire général et Marc De Mesmaeker, je peux regarder la famille Chovanec dans les yeux", a-t-il dit, avant de "tendre la main" à la famille Chovanec. Il souhaite les rencontrer, même s'il sait que ce sera un moment difficile. La révélation des faits a mené à l'ouverture d'une enquête interne à la police.
Elle sera menée avec diligence, en toute transparence et de façon impartiale, a assuré le commissaire général qui n'a pas exclu d'autres mesures d'ordre quand les résultats seront connus. La police aéronautique a été plusieurs fois pointée du doigt. A-t-elle caché des faits à sa hiérarchie? Si les procédures avaient été suivies, dès l'intervention qui a précédé l'hospitalisation de M. Chovanec, une alerte aurait dû être envoyée qui aurait mobilisé de nombreux intervenants et permis de faire remonter les informations. Le directeur de la police aéronautique, Danny Eslt, a fait l'objet d'une mesure d'ordre et a été muté à une fonction administrative. Un nouveau directeur a été désigné temporairement ainsi qu'un manager de crise, qui est un des conseillers de M. De Mesmaeker. Les commissions de l'Intérieur et de la Justice poursuivront leurs travaux sur ce dossier dans les semaines qui viennent.
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