Depuis le désaccord sur le Pacte migratoire de l'ONU, la N-VA a quitté le gouvernement fédéral, et l'équipe de Charles Michel se retrouve donc minoritaire en nombre de députés au Parlement. Des débats ont eu lieu ce mercredi à la Chambre. Le PS a ensuite déposé une motion d'ordre signée par cinq autres partis. Fait exceptionnel: la N-VA a soutenu le texte lors du vote. Cette motion a comme conséquence que Charles Michel devrait présenter un projet de gouvernement au Parlement. Le PS voulait aussi forcer un vote de confiance, mais les ministres affirment que le Parlement ne peut pas les y obliger.
C'est le coup de théâtre de la soirée de mercredi: Charles Michel jouait la viabilité de son gouvernement minoritaire. Un gouvernement sans majorité au Parlement, la situation existe dans 13 autres pays européens, et le Premier ministre belge comptait bien les prendre en exemple. Lors des débats à la Chambre, où les divers chefs de groupe ont exprimé leurs positions (voir plus bas dans cette page), Charles Michel s'est également exprimé (retrouvez son intervention dans cet article).
Mais le discours de Charles Michel n'aura pas suffi à convaincre les députés. Vers 17h30, le PS a déposé une motion d'ordre. Après une réunion des chefs de groupe, le texte a été jugé recevable. Dans la foulée, la N-VA a annoncé qu'elle soutenait le texte. Vers 19h30, le texte a été voté: la motion a réuni une majorité des votes. Conséquence: Charles Michel devra présenter un projet gouvernemental d'ici mardi.
Avec la motion, les députés voulaient aussi imposer un vote de confiance. C'est vers cela qu'on pensait se diriger. Mais notre journaliste Loïc Parmentier a recueilli les avis des ministres vers 20h après le vote du texte. D'après eux, le Parlement ne peut pas imposer un vote de confiance, seul le gouvernement peut l'organiser. "Par contre, les députés peuvent très bien déposer une motion de méfiance. S'ils le veulent, qu'ils le fassent", c'est en substance la déclaration officieuse de l'équipe ministérielle.
Pour l'instant, la présentation du projet de gouvernement reste la prochaine étape d'ici mardi... Mais en six jours, beaucoup de choses pourraient se passer dans le monde politique belge...
Une motion d'ordre déposée par le PS
Revenons un peu en arrière dans la journée de ce mercredi. Vers 17h30, les débats ont été suspendus. "Le Parti socialiste vient de déposer une motion d'ordre. C'est un texte qui demande au Premier ministre de venir à la Chambre avant mardi prochain pour y faire une déclaration de politique gouvernementale, suivi d'un vote de confiance", explique notre journaliste sur place, Loïc Parmentier, accompagné de Pascal Noriega.
Au bas de la feuille figurent plusieurs signatures de soutien:
- Ahmed Laaouej (PS)
- Georges Gilkinet (Ecolo)
- Kristof Calvo (Groen)
- Catherine Fonck (cdH)
- Olivier Maingain (DéFI)
- Meryame Kitir (sp.a, socialistes flamands)
Les chefs de groupe des différents partis représentés au Parlement se sont réunis pour discuter de l'opportunité du texte. Les explications de notre journaliste pendant l'interruption de séance:
Peu après, vers 18h40, les chefs de groupe ont quitté la salle de réunion. "La motion d’ordre a été reconnue recevable par la chambre. Le débat commence sur cette motion. Il sera suivi d’un vote", a précisé notre reporter.
Ensemble, les partis signataires représentent 59 députés sur 150, soit 39% de la Chambre. Ce n'est pas assez pour faire passer la motion... mais le chef de groupe N-VA avait justement réclamé une déclaration gouvernementale peu après le départ de son parti du gouvernement fédéral. Et vers 19h, la N-VA a finalement annoncé qu'elle soutenait le texte.
Voici ce qu'indique la motion déposée:
"Après avoir entendu le Premier ministre expliquer la situation politique dans laquelle se trouve notre pays aujourd'hui, nous sommes convaincu que les règles démocratiques et constitutionnelles n'ont pas été respectées! Cette situation anti-constitutionnelle dans laquelle s'est plongée le gouvernement Michel et les explications du Premier ministre n'ont pas apaisée du tout plonge notre pays dans un véritable chaos! (sic)", indique le document déposé par Ahmed Laaouej, chef de groupe PS. "Le Premier ministre n'a pas présenté de feuille de route pour les semaines à venir. Le Premier ministre Charles Michel a perdu sa coalition et sa majorité samedi! 52 députés, à peine 1/3 de ce parlement, soutient un gouvernement dont le principal objectif est de rester en place! Et nous ne voulons pas que cette crise gouvernementale contamine le Parlement et se propage jusque ici! (sic)".
"Le Parlement est le coeur de la démocratie. Une de ses fonctions les plus importantes est de contrôler le gouvernement. Aujourd'hui, cette fonction de contrôle prend tout son sens. Le Parlement doit rappeler à l'ordre ce gouvernement Le parlement doit rappeler les coutumes, les règles et prescrits légaux, qu'ils viennent de la Constitution, des lois ou de règlement de la Chambre pour ne citer que ces sources", précise la motion.
"Par cette motion d'ordre, la Chambre souhaite exiger le respect non seulement de l'institution parlementaire, mais aussi des règles démocratiques et constitutionnelles de la Belgique et propose que le gouvernement vienne présenter son nouveau programme et chercher la confiance du Parlement au plus tard ce mardi 18 décembre", conclut le document.
En séance plénière, le PS demande un gouvernement en affaires courantes jusqu'aux élections de mai
Plus tôt dans l'après-midi, en séance plénière, le chef de groupe du PS, Ahmed Laaouej, a pris la parole peu avant 15H pour demander à Charles Michel de placer son gouvernement en affaires courantes (c'est-à-dire exercer le pouvoir avec des compétences limitées).
Voici une partie de son intervention retranscrite:
"On pourrait comprendre que vous ne veniez pas cherche la confiance, comment vous faire confiance? Nous entendons encore, et ils résonnent toujours dans cette enceinte, vos faux engagements: jamais avec la N-VA, jamais de saut d'index, pas touche à l'âge légal de la retraite, pas d'augmentation de la TVA sur l'électricité. Vous comprendre que rien ne justifie aujourd'hui qu'on abandonne une élémentaire prudence quant à la portée de vos déclarations ou de vos démarches. Et de la prudence à la méfiance, il n'y a qu'un pas. Qu'avez-vous négocié avec la N-VA pour qu'elle soutienne votre budget? Pour qu'elle soutienne vos politiques de droite? Pour qu'elle n'oblige pas ce gouvernement à tomber? Je pose la question à cette assemblée: qu'a obtenu la N-VA en échange de laisser monsieur Michel faire croire qu'il est le Premier ministre en exercice? Je pense que la réponse est simple: sans doute une liste d'articles de la constitution à réviser.
Si vous n'êtes pas capable d'arrêter votre théâtre, si vous n'êtes pas apte à vous libérer de l'emprise de la N-VA, si vous n'avez pas le courage d'assurer une politique de relance sociale, alors soyez cohérent: mettez-vous en affaires courantes. Solution dont personne ne se réjouira, mais c'est certainement la seule façon d'arrêter votre politique nocive pour la population. Nous préférons un gouvernement en affaires courantes jusqu'aux prochaines élections, que la poursuite de votre politique de droite. Un gouvernement en affaires courantes, c'est respecter la constitution, respecter le jeu démocratique. Les affaires courantes, c'est très certainement moins chaotique que les déchirures sociales que vous avez imposées depuis quatre ans à la population".
Le MR contre-attaque en séance plénière: les libéraux ne veulent pas reproduire "le spectacle que le PS a donné pendant 500 jours en bloquant notre pays"
David Clarinval, le chef de groupe du MR, est intervenu juste après Ahmed Laaouej. Il a évoqué le long blocage qu'a subi le pays durant plus de 500 jours avant la formation du gouvernement Di Rupo.
Voici une partie de son intervention retranscrite:
"Nous pensons au MR que la confiance se manifeste surtout à travers le soutien de réformes concrètes. Comme le budget, les réformes engagées en matière de justice, les réformes en matières économiques et sociales. La confiance doit donc être ancrée dans la réalité des mesures concrètes. Car la question qui se pose est la suivante: est-ce que nous souhaitons, en tant qu'élus représentants des citoyens de cette nation, un blocage institutionnel et décisionnel. Une longue période de crise. Quand j'étends monsieur Laaouej (NDLR: député PS, voir ci-dessus) parler de spectacle, je ne peux m'empêcher de sourire en me rappelant le spectacle que le PS a donné pendant 500 jours en négociant avec la N-VA et en bloquant de manière institutionnelle notre pays.
Ce n'est pas cela que nous cherchons. Les enjeux actuels sont beaucoup plus importants que les jeux politiques. Alors qu'il reste de nombreux dossiers sur la table, de nombreux défis à relever, nous ne souhaitons pas apporter comme réponse à nos concitoyens une crise institutionnelle, où plus aucune décision significative ne pourrait être prise, et qui laisserait le sentiment, à juste titre, d'un fossé encore plus grand avec le monde politique.
Les prochaines élections en mai prochain redéfiniront peut-être le paysage politique. Mais il est de la responsabilité de tout le Parlement aujourd'hui, tous partis confondus, de veiller à ne pas paralyser le pays. Qu'il s'agisse du budget, du pouvoir d'achat, de la sécurité… les préoccupations quotidiennes des Belges ne peuvent être négligées ou mises au second rang de nos priorités. Elles doivent au contraire trouver des réponses. Nous nous précisément engagés dans ce but il y a quatre ans. Des résultats sont déjà engrangés, et nous comptons bien poursuivre nos efforts en ce sens".
PTB: "Ce serait vraiment de la manipulation d'opinion publique"
Revenons encore un peu plus tôt dans la journée. Nos reporters Loïc Parmentier et Pascal Noriega interrogent Raoul Hedebouw, député PTB (extrême gauche), juste avant qu'il n'entre dans l'hémicycle, vers 14h45: "La première chose, c'est que le Premier ministre doit venir demander un vote de confiance. Il ne manquerait plus que ça. Il y a un parti qui part du gouvernement, c'est évident qu'il faut redemander un vote de confiance. Donc j'espère bien qu'il va venir le demander, de manière à ce que le PTB puisse voter contre. Je crois que c'est ça qui va se passer dans les jours à venir. Si maintenant monsieur Michel veut passer en force, il aura la mobilisation sociale le vendredi, et il y a aura mardi prochain des dépôts de votes de méfiance, évidemment. Parce qu'on ne va pas laisser passer ça. Je crois qu'il est vraiment clair et net qu'on ne va pas laisser passer un gouvernement qui a changé et qui ne redemanderait pas la confiance. Ce serait vraiment de la manipulation d'opinion publique".
Le cdH a présenté ses propositions à Charles Michel
Catherine Fonck, la cheffe de groupe cdH à la Chambre, a pu présenter au Premier ministre les priorités des humanistes durant leur rencontre plus tôt dans la journée: une série de propositions en matière de climat, énergie, mobilité, santé et pensions. "Ces propositions ont été écoutées par le Premier ministre. Maintenant, c’est son choix : est-ce que le Premier veut maintenir un programme en étant téléguidé par la N-VA depuis le parlement ? Ou au contraire est-ce qu’il veut surtout restaurer la confiance pour l’ensemble des Belges et avancer avec des propositions concrètes et positives qui permettent d’être socialement plus juste ?", a indiqué Catherine Fonck, au micro de Loïc Parmentier.
Après la séance plénière à la Chambre vers 14h15, Charles Michel rencontrera donc Olivier Maingain, le président de Défi.
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