Un témoin nous a interpellés: de l'essence E85 est proposée à moitié prix en France. Un tarif possible parce que l'État français a supprimé les taxes sur ce carburant. Le lobby qui soutient ce type d'essence composée à 85% de bioéthanol vantes ses mérites. Les agriculteurs, eux, semblent séduits. En revanche, les ONG environnementales dénoncent des effets indirects très négatifs. Mais qu'en pensent les partis politiques? Voici leurs positions sur le bioéthanol.
Vous vous demandez peut-être ce qu'est le bioéthanol. N'hésitez pas à consulter notre article via le lien disponible en bas de cette page.
Mais pour faire simple, c'est un carburant produit chez nous à partir de céréales ou de betteraves. Le lobby du bioéthanol affirme qu'il pollue moins. Les agriculteurs le voient comme un débouché intéressant. Par contre, les associations de protection de l'environnement pointent du doigt la face cachée de ce carburant: si les céréales belges et européennes sont de plus en plus utilisées pour ce secteur, il faudra importer des matières premières venues d'ailleurs. Et la culture de ces produits à l'étranger a souvent un impact très négatif sur l'environnement: déforestation, animaux en danger et population locales chassées.
Il y a donc du pour et du contre. Libre à vous de vous faire votre propre opinion.
Nous avons tenu à faire réagir les partis politiques sur ce sujet. Faut-il soutenir ce secteur? Faut-il aller jusqu'à supprimer les taxes sur ce genre de carburant, comme le demande l'association qui soutient le bioéthanol ?
La plupart des partis nous ont répondu. Voici les commentaires d'Ecolo, du cdH, de DéFI, du MR, du PTB et du PS.
Ecolo pointe les limites de cette filière
Changer le carburant sans modifier notre consommation et nos moyens de déplacements nous conduit dans tous les cas dans une impasse selon Ecolo.
Interdire les subventions et autres régimes préférentiels qui favorisent la production de carburants aux dépens des cultures vivrières
Concernant les agro-carburants, dont le bioéthanol fait partie, les écologistes pointent depuis longtemps les limites de ces nouvelles filières. En effet, l'absence de balises environnementales adaptées a des impacts négatifs sur l’intensification des cultures, la destruction des forêts, des zones humides et des milieux naturels et sur les populations qui en vivent. De plus, le remplacement des cultures vivrières par des cultures énergétiques contribue en partie la hausse du prix des denrées alimentaires. Ces effets négatifs sont d’autant plus importants que l’on continue à consommer comme avant.
De très nombreuses mesures de mobilité et d’aménagement du territoire ont un rapport coût-efficacité plus favorable que les agro-carburants dans la lutte contre le réchauffement du climat.
Pour les agro-carburants, Ecolo propose notamment:
- de faire adopter des critères de durabilité pour chaque type de carburant ;
- d’imposer l’intégration de réels critères de durabilité, y compris ceux repris dans la directive sur les énergies renouvelables, tant au niveau de la production que de l’importation des agro-carburants et des matières premières intervenant dans leur production (des mécanismes d'évaluation et de contrôle de ces critères devront être mis en place) ;
- de soutenir un moratoire sur les futurs projets de production et d’importation d’agrocarburants qui ne sont pas encore autorisés et qui ne respectent pas les critères de durabilité précisés ci-dessus. Ce moratoire pourrait être levé à trois conditions :
- une certification environnementale et sociale de la biomasse énergétique qui garantit la priorité aux cultures alimentaires dans le pays d’origine, les droits des populations autochtones et qui préserve la biodiversité et l’environnement ;
- une réduction effective des émissions de gaz à effet de serre calculée sur le cycle de vie d’au moins 60%;
- l’imposition de normes contraignantes pour la consommation des voitures (objectif : 3litres ou 30 kWh aux 100Km pour 2020).
- de refuser la commercialisation des agro-carburants pour lesquels il n’est pas possible de vérifier la validité de la certification ;
- d’interdire les subventions et autres régimes préférentiels qui favorisent la production de carburants aux dépens des cultures vivrières (c'est-à-dire les cultures destinées à la subsistance de ceux qui les produisent) ;
- de soutenir plus fermement la production de carburants renouvelables au départ de déchets, à l'image de ce qui se fait à Lille où les bus roulent avec le biogaz produit par les déchets organiques, et renforcer la recherche en faveur des agro-carburants produits au départ de sous-produits agricoles et de déchets et au départ de plantes non concurrentes ou complémentaires à la production alimentaire qui ont un haut rendement énergétique et des avantages environnementaux reconnus ;
- de prendre au niveau des Régions, les mesures pour garantir un bilan environnemental positif aux agro-carburants produits en Belgique. L’utilisation d’OGM pour les cultures énergétiques doit par ailleurs être proscrite pour éviter tout risque de contamination environnementale.
CDH: "Quelque chose de choquant"
Dans l’idée de produire des aliments pour en faire des carburants, il y a quelque chose de choquant. Nous privilégions l’optique de l’énergie renouvelable ou produite à partir de déchets alimentaires (marc de café, etc.), mais évidemment couplée à la diminution des besoins en mobilité.
Ainsi, le cdH prône d’autres modes d’organisation du travail (38h/4aj, plus de télétravail…) et la mobilité partagée (transports en commun, co-voiturage encouragé notamment via le RECO, des bandes de circulation dédiée aux navetteurs…).
DéFI: contre les biocarburants
DéFI est défavorable aux biocarburants, quelle que soit la génération de ces biocarburants.
Nous refusons de soutenir cette filière car nous considérons qu'il convient d'orienter les moyens financiers vers d'autres options technologiques
Ces biocarburants ont une empreinte environnementale défavorable et le risque de dépendance des agriculteurs est bien réelle, ce qui contrevient à la dynamique de diversification que nous prônons, en opposition à la pratique des monocultures.
Les biocarburants de nouvelle génération, notamment à partir d'algues, présentent une empreinte écologique nettement plus favorable. Néanmoins, nous refusons de soutenir cette filière car nous considérons qu'il convient d'orienter les moyens financiers vers d'autres options technologiques et d'autres modes de mobilité. Le soutien aux carburants carbonés "classiques" (essence, diesel) doit se réduire au profit d'investissement visant d'autres types d'énergie et de carburants (gaz de synthèse, électricité...).
MR: des études pour évaluer les impacts et adapter les politiques liées aux agro-carburants
Le MR tient à s’inscrire, sur base d’une réflexion scientifique et évolutive, dans la stratégie européenne en matière de biocarburants. Notre position n’est donc pas figée "pour ou contre" mais devra tenir compte des progrès technologiques et du développement des autres modes alternatifs aux carburants fossiles.
La concurrence avec les cultures alimentaires soulève une question éthique
L’Union Européenne prévoit, pour chaque Etat membre, un pourcentage minimum (14%) de biocarburants dans le secteur du transport pour 2030. Cet objectif a été repris en Belgique dans le Plan National Energie-Climat.
Tous les 2 ans, en Belgique, une étude sera réalisée afin d’évaluer:
- la faisabilité technique;
- la disponibilité de la ressource, l’intégrité environnementale et les potentiels conflits d’usage;
- la disponibilité des carburants avancés sur le marché européen ; le coût généré pour le consommateur.
Ce sont ces études qui permettront d’évaluer au fur et à mesure l’opportunité ou non de progresser davantage. Si cela est nécessaire, nous souhaitons que le taux d’incorporation soit revu sur base de ces résultats.
Un plan d’action devrait être envisagé afin, par exemple entre autres alternatives, d’engager les flottes publiques et privées à contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Sur le bioéthanol en particulier:
Les biocarburants offrent l’avantage de ne pas augmenter les émissions de CO2, théoriquement, et ils permettent aussi de réduire notre dépendance énergétique.
A contrario, la culture et la transformation de ces matières premières végétales entraînent des impacts sur l’environnement et l’agriculture classique dont nous devons tenir compte :
- émission de CO2 pour la culture, la transformation, le transport,
- perte de biodiversité par le recours à de nouvelles zones de culture,
- émissions de polluants par ces mêmes opérations,
- utilisation d’engrais
- etc.
La concurrence avec les cultures alimentaires soulève une question éthique et peut contribuer à une hausse des prix des produits agricoles.
Les biocarburants sont ainsi à la fois une solution et un problème environnemental. Nous considérons que la production doit respecter certaines conditions (impact minimum sur l’environnement, la durabilité, le choix des zones de production, un processus de production efficace, …). Sans ces éléments, l’impact pourrait être contre-productif.
PTB: contre le bioéthanol
Nous sommes d’accord avec le point de vue des associations protectrices de l’environnement. Nous trouvons que la Belgique doit s’opposer au niveau de l’Union européenne à la généralisation des biocarburants (biodiesel et bioéthanol) pour le transport.
Cette interprétation de la directive européenne a complètement déstabilisé l'agriculture mondiale
La directive européenne qui impose que 10 % des carburants doivent être ‘renouvelables’ est le plus souvent réalisé en mélangeant du biodiesel avec du diesel fossile et du bioéthanol avec l’essence.
Cette interprétation de la directive européenne a complètement déstabilisé l'agriculture mondiale. Avec de graves conséquences sociales telles que l'augmentation des prix de l'alimentation quotidienne de millions de personnes. Avec de graves conséquences écologiques telles que la déforestation et l'érosion des terres.
Il existe d’ailleurs de bien meilleures alternatives pour rendre nos transports plus écologiques, sans les conséquences néfastes pour l'homme et la nature. Nous développons notamment la technologie de l’hydrogène comme chaînon important de la production d’énergie renouvelable. Cela permettrait d'atteindre beaucoup plus rapidement les objectifs européens en matière d'écologisation des secteurs de la mobilité et des transports et de manière beaucoup plus approfondie, sans les inconvénients pour l'agriculture et le climat et sans l'injustice sociale dans les pays du Sud.
Finalement, nous nous opposons donc clairement à une réduction des taxes sur le bioéthanol.
PS: pas de nouveaux avantages fiscaux pour le bioéthanol
Il s’agit d’une solution utile, si leur bilan environnemental global est positif. Leur usage ne peut pas non plus fragiliser la sécurité alimentaire ni porter atteinte aux travailleurs et aux petits exploitants agricoles – en Belgique comme à l’étranger. C’est pourquoi, le PS veut renforcer les critères de durabilité des biocarburants (bioéthanol ou d’autres). C’est-à-dire renforcer les critères environnementaux et sociaux que doivent respecter les biocarburants, tout au long de leur cycle de vie depuis leur fabrication jusqu’à leur combustion en moteur, pour pouvoir être utilisés.
Le bioéthanol bénéficie déjà d’une fiscalité avantageuse
Le PS n’est pas demandeur de réduire encore la fiscalité sur le bioéthanol, sachant qu’il bénéficie déjà d’une fiscalité avantageuse.
Spécifiquement en matière de voitures, le PS encourage l’achat et l’utilisation de véhicules petits et peu polluants. Cela nécessite de réformer la fiscalité automobile. Les voitures électriques ou CNG sont aussi à favoriser, tout en les rendant accessibles à tous et en vérifiant régulièrement que ces divers véhicules offrent de réels gains environnementaux sur l’ensemble de leur cycle de vie.
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