Ce lundi, le rapport du Comité R sur l'affaire Jürgen Conings a été présenté à la Chambre. Le Comité R, c'est l'organe qui contrôle les services de renseignement, notamment militaire. Et il n'est pas tendre envers l'armée. Il parle "d'erreurs graves" et de "dysfonctionnements" qui ont permis au soldat de dérober des armes. La ministre de la Défense promet une réforme en profondeur d'ici la fin de l'année.
Un plan d'actions visant à revoir le fonctionnement du Service Général du renseignement et de la Sécurité (SGRS) sera prêt pour la fin de l'année, a annoncé ce lundi la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder. Il visera dans un premier temps à établir les priorités pour 2022 avant la mise au point d'un plan pluriannuel l'an prochain. Pour plusieurs députés, c'est toutefois la question de la survie même d'un service de renseignement militaire qui doit être posée.
Un service déjà épinglé dans le passé
La ministre a livré devant la commission de la Défense de la Chambre quelques-unes des conclusions du rapport du Comité R sur l'affaire Jürgen Conings. L'organe de contrôle des services de renseignement, dans la lignée d'un rapport de l'Inspection militaire, a produit un rapport très sévère sur les dysfonctionnements qui ont émaillé le suivi du militaire d'extrême-droite radicalisé et qui illustrent un problème structurel profond au sein de ce service déjà épinglé dans le passé: flux d'informations défaillant, non traitement d'informations, non communication à la hiérarchie, absence à des réunions importantes, rotation de personnel trop importante, structure trop complexe, perte d'expertise, informatisation défaillante, utilisation lacunaire de la banque de données de l'Organe de Coordination et d'Analyse de la Menace (OCAM), pas de priorité accordée à l'extrême droite, etc.
"Il y a du pain sur la planche", selon la ministre
Les plans d'actions devront y remédier. Ils devront aussi assurer une meilleure collaboration avec les autres services en charge de la sécurité, à commencer par une collaboration "lisible" entre la Sûreté de l'État, en charge du renseignement civil et qui bénéficiera d'une sérieuse revalorisation dans les années à venir, et le SGRS. "Il y a du pain sur la planche", a souligné la ministre qui entend "examiner toutes pistes, y compris s'il devait être conclu que les missions légales du SGRS ou les interprétations qui en sont faites ne sont plus adaptées".
Une réponse devra aussi être apportée au manque de personnel. Combinée à l'absence de priorités, cette carence mène à ce qu'"on essaie de tout faire sans les moyens nécessaires", selon Mme Dedonder. Et face à la rotation trop importante de personnel au sein du SGRS, la ministre veut développer une carrière du renseignement au sein de l'armée. L'octroi et le retrait d'habilitations de sécurité est également évoqué. Là encore, la ministre veut revoir la politique mise en œuvre et étendre les contrôles au personnel civil. Elle a par ailleurs confirmé qu'actuellement, 10 personnes à la Défense étaient concernées par un refus d'octroi ou un retrait d'habilitation.
"Je suis choqué de voir dans quel état se trouve le SGRS"
"Je suis choqué de voir dans quel état se trouve le SGRS", a souligné Christophe Lacroix (PS). "Je n'ai jamais vu un rapport aussi accablant sur un service de l'État", a résumé le député Denis Ducarme (MR) qui s'est dit étonné de voir encore les dirigeants du SGRS en place après un tel audit. Aux yeux du libéral francophone, la survie du SGRS est clairement posée. "Si la refonte des services de renseignement militaire n'est pas menée à bien, nécessairement, nous mettrons fin au service de renseignement militaire dans ce pays", a-t-il affirmé.
Même constat dans l'opposition. "Face à un rapport aussi accablant, c'est une question qu'il faut se poser", estime Georges Dallemagne (cdH). "Je demande qu'un débat soit mené. Je vois de moins en moins la plus-value de l'existence de deux services de renseignement."
La question de la montée de l'extrême droite est aussi posée. Le PTB s'en est inquiété. Un passage du rapport interpelle particulièrement le député Nabil Boukili: il est fait référence, sous forme d'interrogation, d'un "affaiblissement accepté de la démocratie".
Le Chef de la Défense n'est pas favorable à une fusion
De son côté, le Chef de la Défense (CHOD), Michel Hofman, ne soutient pas l'idée d'une fusion du Service Général du Renseignement et de la Sécurité (SGRS - renseignement militaire) avec la Sûreté de l'État (renseignement civil), a-t-il indiqué ce lundi devant la commission de la Défense de la Chambre.
Aux yeux de l'amiral Hofman, un service de renseignement militaire présente une plus-value, ne fût-ce que pour les opérations à l'étranger où ce service joue un rôle clé pour les soldats déployés. Pour ce qui est du contre-espionnage, par contre, il serait possible de "faire la part" des choses entre ce que réalisent la Sûreté de l'Etat, l'OCAM et le SGRS, estime-t-il. "Une fusion affaiblirait la position du renseignement en Belgique par rapport à d'autres pays. Tous les pays ont des services de renseignement différents. Je ne suis pas sûr que les services militaires extérieurs seraient friands de partager des informations avec des services dont ils ne sont pas sûrs", a-t-il ajouté.
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