Le ministre de la Justice Koen Geens (CD&V) a choisi de ne pas présenter sa démission après la tuerie de Liège, commise par un homme en congé pénitentiaire. Il entend poursuivre sa tâche afin d'améliorer le fonctionnement judiciaire, a-t-il indiqué jeudi à la Chambre au cours d'un échange de vues avec les députés.
Le ministre CD&V a soigneusement réfléchi à la question durant "deux nuits". La tâche accomplie et celle qui reste à accomplir l'ont convaincu de poursuivre sa mission. "La justice fait mieux qu'avant", a-t-il affirmé. "Persévérer pour mieux faire, c'est ma vraie volonté, ensemble, avec le gouvernement".
Koen Geens donne des détails sur l'autorisation du congé pénitentiaire du tueur
Le ministre a fourni des précisions sur la façon dont le tueur, Benjamin Herman, avait reçu le congé au cours duquel il a semé la mort. La décision a été prise au mois de mars. Le rapport de l'assistant de justice était favorable. Il reposait notamment sur l'investissement de la mère et des deux sœurs pour encadrer et soutenir leur parent durant son séjour hors de prison. Pendant 19 mois, l'intéressé n'avait plus bénéficié de congé en raison d'un vol avec effraction commis lors d'une sortie précédente.
La grande majorité des congés, indispensables pour préparer la réinsertion des prisonniers, se basse bien, a précisé M. Geens. Des récidives n'ont lieu à cette occasion que dans 2 à 3% des cas.
Deux services ont décidé de ne pas inscrire le tueur dans la base de données
Le nom de Benjamin Herman était apparu dans un rapport de la Sûreté de l'État à propos d'individus radicalisés, mais il n'était mentionné qu'indirectement parce qu'il avait fréquenté l'un d'eux. Tant l'OCAM - l'Organe de coordination pour l'analyse de la menace - que le service de lutte contre l'extrémisme dans les prisons (Selex) ont toutefois pris la peine de se concerter pour savoir s'il n'y avait pas lieu de l'inscrire dans la banque de données des personnes radicalisées dangereuses, et n'ont pas jugé bon de le faire.
Il serait faux, selon M. Geens, d'accabler un prétendu mauvais fonctionnement des services belges. Dans d'autres pays, notamment après les tueries de New York et de Manchester, ce genre de cas s'est présenté: l'auteur était mentionné indirectement dans un rapport mais n'avait pas été inscrit dans une banque de données de terroristes potentiels.
Beaucoup de questions restent aujourd'hui sans réponse
Les explications n'ont pas convaincu tout le monde, non seulement dans l'opposition mais aussi dans la majorité. "Beaucoup de questions restent aujourd'hui sans réponse", a résumé Michel de Lamotte (cdH). Carina Van Cauter (Open Vld) a exprimé clairement son insatisfaction à l'égard de la réponse fournie. A ses yeux, il y a un problème dans la politique d'exécution des peines et d'octroi des congés. En 2012, en raison des récidives, le tribunal d'application des peines a refusé la libération provisoire de Benjamin Herman. Comment un assistant de justice peut-il dès lors aller à l'encontre de la décision d'un tribunal?, s'est demandée la députée.
Le MR a appelé au calme. "Le temps n'est pas à la polémique mais au questionnement, et je suis toujours dans ce questionnement. Je comprends qu'aujourd'hui, des réponses ne puissent être données", a souligné Philippe Pivin.
Dans le même esprit, le Premier ministre Charles Michel a appelé à dépasser les clivages pour améliorer encore la sécurité dans le pays. "Je lance un appel à l'unité pour agir et rendre notre pays plus fort et plus solide. C'est le plus bel hommage que l'on puisse rendre aux victimes de cette barbarie", a-t-il dit.
Le PS est prêt à y répondre favorablement. "Mais j'espère que vous changerez de paradigme", a précisé Laurette Onkelinx en évoquant les restrictions budgétaires dans le domaine pénitentiaire.
Un reproche qui est venu également chez les écologistes: "vous êtes seul à devoir assumer des économies budgétaires décidées par l'ensemble du gouvernement et les gouvernements précédents", a ajouté Muriel Gerkens à M. Geens.
Idem au PTB: Raoul Hedebouw a rappelé les doléances exprimées lors des grèves dans les prisons en 2016. "A l'époque, les agents pénitentiaires nous ont tous dit: nous avons besoin de plus de moyens, nous fabriquons des bombes humaines".
DéFI, par la voix d'Olivier Maingain, s'est adressé directement au Premier ministre: "Je vous demande de faire taire dans la majorité les voix discordantes et d'assumer le rôle fédérateur qui doit être le vôtre".
Plusieurs groupes ont réclamé la réunion de la commission de suivi de la commission d'enquête sur les attentats terroristes ainsi que la saisine du comité R afin de faire le point sur les rapports qui mentionnaient Benjamin Herman et leur transmission.
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