Sept nouveaux pays ont suspendus temporairement l'utilisation du vaccin AstraZeneca au nom du "principe de précaution". La France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Luxembourg, l'Irlande et les Pays-Bas viennent s'ajouter aux 5 pays européens (Danemark, Norvège, Islande, Bulgarie et Italie) ayant déjà mis cette mesure en place. En Belgique, le Conseil supérieur de la Santé a encore confirmé ce lundi sa position qui est de poursuivre la vaccination avec le vaccin AstraZeneca.
Une douzaine de pays, dont l'Allemagne, la France et l'Italie, ont suspendu par précaution l'utilisation du vaccin AstraZeneca contre le Covid-19, après le signalement d'effets secondaires "possibles" mais sans lien avéré à ce stade.
Le groupe pharmaceutique anglo-suédois affirme qu'il n'y a "aucune preuve de risque aggravé" de caillot sanguin entraîné par son vaccin, tandis que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de continuer la vaccination avec ce sérum, avant une réunion de ses experts mardi.
Suspension après des caillots sanguins
Le Danemark a été le premier pays à suspendre l'utilisation du vaccin AstraZeneca, le 11 mars, "après des rapports de cas graves de formation de caillots sanguins" chez des personnes vaccinées.
La Norvège lui a emboîté le pas le même jour. Le pays a rapporté lundi le décès d'une soignante de moins de 50 ans qui a succombé des suites d'une hémorragie cérébrale. Elle avait été hospitalisée jeudi, une semaine environ après avoir reçu le vaccin AstraZeneca, sans qu'un lien de causalité puisse être établi à ce stade.
Une autre soignante d'une trentaine d'années était déjà morte vendredi en Norvège, dix jours après avoir reçu le même vaccin.
L'Islande a pris la même décision.
Dans le sillage des pays nordiques
La Bulgarie a annoncé le 12 mars la suspension "par précaution" des injections, au lendemain des décisions prises par les trois pays nordiques, tandis qu'une enquête est en cours après le décès d'une femme vaccinée.
Toutefois, selon le ministre de la Santé, "aucun lien n'a été établi" à ce stade avec la vaccination survenue la veille de cette femme, qui souffrait de surpoids et avait subi plusieurs pontages coronariens.
Dimanche, ce sont l'Irlande et les Pays-Bas qui ont également suspendu l'utilisation du vaccin, toujours par précaution, après les cas de caillots sanguins rapportés au Danemark et en Norvège.
L'Allemagne, la France, l'Italie, la Slovénie et l'Espagne ont à leur tour décidé lundi de suspendre l'utilisation de ce vaccin, à titre préventif.
Cette décision de suspension intervient "après de nouvelles informations concernant des thromboses de veines cérébrales en lien avec la vaccination en Allemagne et en Europe", a précisé un porte-parole du ministère allemand de la Santé.
"Par précaution", Paris et Rome ont pris la même mesure, dans l'attente d'un avis de l'autorité européenne du médicament (EMA) qui doit se réunir jeudi.
Campagne de vaccination retardée
La Thaïlande et la République démocratique du Congo (RDC) ont retardé le démarrage de leurs campagnes de vaccination avec ce vaccin, qui étaient prévues respectivement vendredi et ce lundi.
L'Indonésie a également décidé lundi de reporter par prudence le lancement de sa campagne de vaccination avec AstraZeneca.
Suspensions de lots
L'Autriche a annoncé dès le 8 mars suspendre l'utilisation d'un lot de vaccins AstraZeneca (ABV5300) après qu'une infirmière de 49 ans est décédée de "graves problèmes de coagulation sanguine", quelques jours après avoir été vaccinée.
Cinq autres pays européens - l'Estonie, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg et le Portugal - ont également suspendu l'utilisation des vaccins de ce lot d'un million de doses, qui a été envoyé dans 17 pays européens.
L'Italie avait interdit jeudi par précaution l'utilisation d'un autre lot, ABV2856, en raison de craintes liées à la formation de caillots de sang. La Roumanie a également suspendu ce lot.
La région italienne du Piémont (nord-ouest de l'Italie) avait suspendu dimanche le vaccin AstraZeneca après la mort d'un enseignant, puis avait repris les injections, en excluant toutefois par précaution le lot ABV5811
Réunion extraordinaire de l'Agence européenne des médicaments jeudi
L'Agence européenne des médicaments, l'EMA, a réitéré lundi son avis que les bénéfices du vaccin AstraZeneca contre le coronavirus continuent de peser plus lourd dans la balance que les risques d'effets secondaires.
L'Agence continue d'examiner les cas connus d'"incidents thromboemboliques" parmi les personnes vaccinées avec ce produit, indique-t-elle. Son comité d'évaluation du risque poursuivra mardi ce travail et conclura lors d'une réunion extraordinaire convoquée jeudi, annonce l'EMA. L'apparition de caillots sanguins chez certaines personnes ayant reçu le vaccin AstraZeneca a poussé différents Etats à suspendre la vaccination avec ce produit sur leur sol, dès la semaine dernière. D'autres Etats, comme la France, ont fait de même lundi, "par précaution".
La Belgique maintient sa position
Ce lundi, le Conseil supérieur de la santé (CSS) a maintenu lundi sa décision de poursuivre la vaccination contre le Covid-19 avec le vaccin AstraZeneca en Belgique. Le CSS reste aligné sur la position de l'Agence européenne des médicaments (EMA).
Le CSS s'était réuni en urgence en raison d'une demande du ministre Frank Vandenbroucke et du président de la taskforce vaccination, Dirk Ramaekers. La question portrait sur la poursuite ou la suspension provisoire des injections du vaccin AstraZeneca en Belgique. Le délai était fixé avant 13h00 lundi, explique le média public. Les experts consultés estiment "qu'il n'y a pas de preuve d'une incidence augmentée de phénomène thromboembolique lié à l'administration du vaccin d'AstraZeneca" et "que le bénéfice de son emploi dépasse les risques éventuels".
Les experts du CSS s'alignent donc sur la position de l'EMA, en faveur de la poursuite de la campagne, tout en précisant qu'ils suivraient l'agence européenne si elle devait changer d'avis. Le CSS insiste également pour "mettre tout en œuvre pour éclaircir les doutes qui ont poussé certaines autorités à suspendre provisoirement l'administration de ce vaccin."
De nombreux Belges se demandent s'il sera finalement possible d'établir, ou à contrario d'exclure, un lien de causalité entre les deux.
"Le but des examens, c'est de trouver s'il y a une cause connue parmi les multiples causes connues. On va arriver comme ça jusqu'au bout des choses. Soit on en trouve une, soit on n'en trouve pas. Si on n'en trouve pas, on se trouvera effectivement devant l'inconnue. Et dans l'inconnu, il y aura la potentialité que le vaccin ait joué un rôle", indique Yves Van Laethem.
Charlotte Martin, infectiologue et cheffe de clinique au CHU Saint-Pierre, était présente sur le plateau de 'C'est pas tous les jours dimanche' et a tenu des propos rassurants. "Une de mes patientes a fait une thrombose de l'œil, il y a quelques années, avant que l'on parle de Covid et du vaccin AstraZeneca. Elle était jeune patiente également. Ce sont malheureusement des choses qui arrivent", confie-t-elle.
L'infectiologue a ensuite insisté sur la sécurité du vaccin AstraZeneca en s'appuyant sur des statistiques. En Europe, plus de 5 millions de personnes ont reçu une dose de la firme. Près de 30 cas suspects ont été signalés. "Parce qu'il y a des thromboses de façon générale dans une population, on s'attendait à 150 cas. Il y en a donc eu beaucoup moins. C'est le signal que ce vaccin n'a pas de lien avec les thromboses. Mais il y a un effet-loupe, qui est logique. Quand on signale quelque chose de ce type, après chaque événement de ce type va être signalé et être mis en Une de la presse. Et ça fait beaucoup de dégâts", lâche-t-elle.
Si plusieurs pays ou régions ont décidé de suspendre en tout ou en partie la vaccination avec le vaccin AstraZeneca par précaution, la Belgique maintient sa position et continue l'utilisation du vaccin.
"La gestion du principe de précaution a été simplement différente. Nous avons estimé ici en Belgique sur base des données qu'on avait que rien ne faisait penser que ce vaccin posait un problème aigu et que ce vaccin devait être suspendu pendant un certain temps. On a donc estimé qu'on pouvait continuer. D'autres pays ont préféré attendre des résultats complémentaires", explique Yves Van Laethem.
Ces pays ou régions sont-ils trop prudents? "Je pense que sur les données dont on dispose pour l'instant ils sont trop prudents effectivement", répond le porte-parole interfédéral de lutte contre le coronavirus.
L'OMS a déclaré qu'il n'y avait "pas de raison de ne pas utiliser" le vaccin AstraZeneca, l'Agence européenne estime un lien de causalité "probable" dans certains cas et souhaite ajouter à la liste des effets secondaires des allergies graves
Sollicité dimanche, le groupe pharmaceutique a répondu qu'une "analyse de nos données de sécurité sur plus de 17 millions de doses de vaccin administrées n'a montré aucune preuve d'un risque accru" en matière de caillots sanguins. "En fait, les chiffres sur ce type (de problème médical) sont beaucoup plus faibles chez ceux qui sont vaccinés comparé à ce qui serait attendu dans la population dans son ensemble", a-t-il ajouté.
L'OMS a quant à elle déclaré vendredi qu'il n'y avait "pas de raison de ne pas utiliser" ce vaccin et qu'aucun lien de cause à effet sur la formation de caillots sanguins n'avait pour l'instant été trouvé.
L'Agence européenne des médicaments (AEM) a toutefois estimé qu'un lien de causalité était "probable" dans au moins certains des "41 rapports d'anaphylaxie possible observés parmi environ 5 millions de vaccinations au Royaume-Uni". Elle fait valoir que des allergies sévères devraient être ajoutées à la liste des effets secondaires possibles du vaccin mais que celui-ci reste sûr.
Ces nouvelles déconvenues pour le vaccin AstraZeneca s'ajoutent aux problèmes de production et de livraison. Vendredi, le laboratoire a annoncé une nouvelle baisse des livraisons dans l'Union européenne, où le vaccin a été autorisé fin janvier. Invoquant des "restrictions d'exportation" pour les vaccins fabriqués hors UE, il a annoncé ne pouvoir livrer que 100 millions de doses durant les six mois achevés en juin, dont 70 millions seulement sur les 180 millions initialement prévus au deuxième trimestre. En janvier, le groupe avait déjà réduit ses objectifs du premier trimestre incriminant un problème de "rendement" dans son usine belge.
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