Raoul Hedebouw était l'invité de Pascal Vrebos ce dimanche sur RTL TVI. Le président du Parti du Travail de Belgique a notamment été interrogé sur la crise énergétique qui frappe de plein fouets les particuliers et les entreprises. Le président du PTB veut fixer les prix de l'électricité et dénonce un conflit d'intérêts des cabinets ministériels vis-à-vis d'Engie.
Pascal Vrebos: Parlons d'Engie. Vous êtes au pouvoir, vous faites quoi avec Engie? Vous prenez d'abord ses bénéfices? Vous discutez avec elle? Pour l'instant, rien ne bouge.
Raoul Hedebouw: J'active l'article 20 de la loi aujourd'hui sur l'énergie en Belgique, qui permet de fixer les prix. Aujourd'hui, Engie a un prix de production pour son mégawatt/heure d'électricité de 25 à 30 euros. Il nous le vend, nous les travailleurs, à du 250 euros le mégawatt/heure. C'est un hold up sur les portefeuilles des gens. Donc moi je prends une loi qui impose à Engie un prix de vente, on va dire à 50 euros du mégawatt/heure. Avec une petite marge. Moi je ne dis pas qu'ils ne peuvent pas avoir de marge. C'est la première mesure que je prends.
Pascal Vrebos: Et pour les fameuses centrales (nucléaires)?
Raoul Hedebouw: Mon option à moi, c'est qu'on arrête d'être dépendant complètement d'Engie. Parce qu'ils sont là "nucléaire", "pas nucléaire", etc. Qui décide de ça en Belgique?
Pascal Vrebos: Le gouvernement est le maillon faible, comme disait votre ami Georges-Louis Bouchez? (NDLR: président du MR, membre du gouvernement fédéral et régional wallon).
Raoul Hedebouw: Il a tout à fait raison. La différence, c'est que c'est lui le gouvernement. Donc il est en train de dire à tous les travailleurs qui on voté MR: "Moi je ne sais rien faire, je suis le maillon faible". Et il a raison. Pourquoi? Parce que le MR, mais tous les autres partis, ont négocié de se retrouver à genoux devant Engie. Parce qu'Engie décide.
Pascal Vrebos: Comment vous expliquez ça?
Raoul Hedebouw: Parce qu'en Belgique, c'est une tradition qu'on a donné tout ce pouvoir aux multinationales, notamment Engie. Dans les cabinets ministériels des ministères de l'Environnement, que ce soit Tinne Van der Straeten (NDLR: ministre fédérale de l'Énergie, parti Groen-Ecolo), que ce soit madame Marghem (NDLR: ancienne ministre de l'Énergie, parti MR), vous avez les représentants d'Engie qui sont là. Des gens qui étaient chez Engie, qui ont été travailler, et c'est le lobby en Belgique.
Pascal Vrebos: Vous voulez dire quoi?
Raoul Hedebouw: Je dis qu'en Belgique, il y a sur certaines compétences importantes, une fusion entre le personnel politique et le capital.
Pascal Vrebos: Conflit d'intérêt?
Raoul Hedebouw: Tout à fait!
Pascal Vrebos: C'est quand même grave ce que vous dites. Magouille, c'est ce que vous insinuez?
Raoul Hedebouw: Mais ce n'est même pas des magouilles. Le système est structuré comme ça. Aujourd'hui, il y a un tel monopole, la connaissance du marché énergétique dans une ou deux multinationales. Vous savez, il y a sept multinationales qui maitrisent l'ensemble du marché européen de l'électricité. Sept, pas huit. Il y a eu 300 fusions ces dernières années qui ont fait que les petits se sont fait manger par les grands. Lampiris a été racheté par Luminus, etc. Ce pouvoir économique est aussi un pouvoir politique. C'est celui que je dénonce. C'est pour ça que je dis aux travailleurs: osez faire changer la peur de camp en se mobilisant.
Pascal Vrebos: Vous conseilleriez quoi au gouvernement dans les semaines qui viennent?
Raoul Hedebouw: Un, blocage des prix, ça me paraît très clair. Menacer Engie, évidemment, menacer d'expropriation à un moment donné. Il faut pouvoir mettre en place un rapport de force. Vous savez, après la deuxième Guerre mondiale, si on avait laissé faire toutes ces multinationales, on serait encore aujourd'hui dans les années 50 au niveau des productions. Donc je pense qu'il faut effectivement menacer Engie. Et si Engie ne veut pas, on reprend le contrôle public du secteur. Les Français ont leur contrôle public du secteur. Pourquoi la Belgique ne devrait pas l'avoir? On a nationalisé des entreprises dans les années 70 et 80. Et j'entends que de plus en plus de gens sont d'accord avec le PTB là-dessus. On était tous seuls il y a dix ans à le dire. Le paradigme est en train de changer.
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