Rudi Vervoort (PS) était l'invité de Pascal Vrebos ce dimanche sur RTL TVI. Le ministre-président de la région de Bruxelles-Capitale a notamment été interrogé sur le dossier Uber.
Pour rappel, la cour d'appel de Bruxelles a constaté l'irrégularité de la plateforme Uber X, utilisée par les chauffeurs Uber. La cour s'est basée sur la dernière ordonnance régionale de 1995 régentant les taxis et LVC (location de voiture avec chauffeur).
Suite à cette décision judiciaire, le parlement bruxellois a donné vendredi son feu vert à la proposition d'ordonnance transitoire. Elle a permis à de nombreux chauffeurs LVC mis devant le fait accompli de la fermeture de la plateforme Uber de reprendre le travail samedi.
Pascal Vrebos: Vous habitez près de RTL donc vous êtes sûrement venu à pied. Mais si vous n'étiez pas venu à pied, vous auriez choisi un taxi classique ou Uber?
Rudi Vervoort: Je dois vous avouer que je ne prends jamais le taxi. Mais à choisir, j'aurais pris un taxi classique.
Pascal Vrebos: Pourquoi?
Rudi Vervoort: Parce que ça correspond à un modèle économique auquel je souscris. La question n'est pas de choisir entre les chauffeurs d'Uber et les chauffeurs de taxi. La question, c'est de choisir un système, où d'une part vous avez une multinationale qui dirige depuis les États-Unis un modèle économique qui fonctionne à perte, et qui est là uniquement pour casser les prix pour être en situation de monopole, et puis le moment venu de pouvoir faire hausser les prix. Il y a l'apparence de la modernité, c'est vrai, mais en fait ce sont les vieilles recettes libérales classiques, où finalement ce sont les travailleurs qui sont perdants.
Pascal Vrebos: Ce fameux dossier Uber, c'est vraiment un boulet que l'exécutif régional traine depuis plus de dix ans. Des promesses de réformes systématiquement renvoyées aux calendes grecques. Pourquoi cette procrastination alors que la régulation de la coexistence entre taxis classiques et les plateformes numériques, c'est quand même essentiel pour une grande ville. Pourquoi ces lenteurs?
Rudi Vervoort: Peut-être un petit flashback. Uber arrive en 2014-2015. À ce moment-là, il déboule de manière assez brutale avec un modèle où tout le monde peut devenir chauffeur. Il n'y a même pas de condition, rien, c'est vraiment la loi de la jungle. Il y a une série de décisions de contestations. Ils sont interdits, ils transforment en Uber X. Et puis, nous nous trouvons face à une situation où tout se judiciarise. Au moment où on compose la nouvelle majorité après les élections de 2019, on convient d'un accord.
Pascal Vrebos: Mais vous auriez pu le faire avant, ou le faire tout de suite! Vous avez attendu d'être contraint par la justice.
Rudi Vervoort: Pas du tout, la justice est venue après. On a travaillé depuis la formation du nouveau gouvernement à la mise en œuvre de cette réforme. Il y a un projet d'ordonnance, de loi, qui existe. Il faut aussi considérer, ça peut paraître anecdotique, qu'on a eu une année blanche avec le covid. Toute une série de dossiers n'ont pas évolué pendant ce temps-là. Ce sont des dossiers très techniques qui nécessitent des réunions politiques, mais aussi juridiques. On est arrivé avec un dossier et on a eu en janvier un arrêt de la cour d'appel qui a effectivement considéré que le système Uber était un système illégal. Donc à ce moment-là on a rappelé quelles étaient nos priorités. On a travaillé sur un projet, il a été déposé au gouvernement à la rentrée, et on est là maintenant avec une deuxième décision dont nous n'avions absolument pas connaissance. Il faut savoir qu'Uber sait depuis 2018 que l'arrêt de la cour d'appel qu'on a eu le 23 novembre allait tomber. Ils n'ont jamais rien dit et ils ont continué à alimenter la pompe.
Pascal Vrebos: Alors je ne comprends pas. Comment se fait-il que le ministre de la Santé, qui est dans votre gouvernement, monsieur Maron, vous tacle et dit "ce qui se passe avec le sparadrap, c'est l'irresponsabilité du PS". Il va même plus loin et parle d'un "désaveu de Vervoort".
Rudi Vervoort: Peut-être rappeler ceci… Au moment où l'arrêt tombe, le mercredi, on tombe des nues. Puis le gouvernement se réunit le jeudi et on convient d'essayer de trouver une solution provisoire. Et puis, il y a une espèce d'hystérisation qui se fait. Il fallait trouver la solution dans les 24 heures. Or, vous ne réglez pas en 24 heures tout un processus qui a amené de nombreuses décisions. Et puis arrive un texte. Nous recevons ce texte le vendredi. Ce qui est merveilleux, c'est que ce texte a été rédigé par Uber. Tout le monde le sait, croyez-moi, c'est par Uber.
Pascal Vrebos: Donc Ecolo donne son accord pour un texte d'Uber?
Rudi Vervoort: Je pense qu'Ecolo n'a pas signé le projet.
Pascal Vrebos: Mais pourquoi il vous attaque alors? Je n'y comprends plus rien.
Rudi Vervoort: Ça écoutez… Lui et moi, nous nous sommes expliqués sur cette question-là. J'ai très clairement dit que si on a des choses à se dire, on se les dit entre quatre yeux. Soit on le fait par l'intermédiaire d'un tier pour éviter que nos rapports à nous ne se dégrade. Ça je l'assume. Et puis nous disons que le texte qui est là ne convient pas et nous avons travaillé sur un autre texte qui ne légitime pas le système Uber, mais qui fait en sorte que ce sont les travailleurs qui trouvent une solution. C'est tout à fait différent. Il s'inscrit dans ce que sera la réforme, qui elle est déjà déposée au conseil d'Etat.
Pascal Vrebos: Cette réforme, elle sera efficiente quand?
Rudi Vervoort: L'objectif, c'est d'arriver dans les six mois, donc juin ou juillet. […]
Pascal Vrebos: Donc tout le monde est content maintenant?
Rudi Vervoort: Ça c'est moins sûr.
Pascal Vrebos: Parce que malgré tout, il y a des emplois qui vont être perdus. Et puis les taxis classiques, il y aura aussi beaucoup de changements.
Rudi Vervoort: L'idée, c'est de faire en sorte qu'il y ait un statut unique pour les chauffeurs, qu'ils soient de l'une ou l'autre plateforme. Pas qu'Uber, d'ailleurs ont imposera aux plateformes de la transparence. Je prends un exemple: Uber aujourd'hui n'a pas de siège d'exploitation en Belgique. Ils sont aux Pays-Bas. Donc on va imposer ça. On va imposer de la transparence. On va imposer aussi un tarif minimum. Parce qu'aujourd'hui, ils peuvent se permettre de faire n'importe quoi et donc de tailler des croupières au réseau classique, en disant "on peut casser les prix pendant les fêtes si on veut". Ça, ce serait interdit.
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