La ministre fédérale de l'Énergie, Tinne Van der Straeten, en a appelé mardi à la volonté politique de chacun au parlement pour imposer les surprofits réalisés par les producteurs d'électricité, maintenant qu'elle a déposé une proposition sur la table du gouvernement.
Vendredi, les ministres européens de l'Énergie se sont accordés sur un cadre qui permet de taxer ces surprofits. Ce week-end, la ministre Groen a transmis une proposition de contribution de crise qui met en oeuvre le règlement européen. Le point a été intégré dans les négociations budgétaires en cours. Sont visés les producteurs "inframarginaux" -dans ce cas, ceux qui n'utilisent pas du gaz dont le prix a flambé-, en particulier les installations nucléaires. La Commission de Régulation de l'Électricité et du Gaz (CREG) a été sollicitée pour trouver une formule incluant les centrales au gaz qui, selon ses calculs, bénéficient également de la hausse des prix, a expliqué Mme Van der Straeten en commission de la Chambre. La ministre veut taxer 100% des profits réalisés au-delà de 130 euros par MWh. Elle va plus loin que le plafond de 180 euros proposé par l'Europe. Le montant a été fixé sur la base d'un calcul réalisé par la CREG, qui a réalisé des comparaisons avec les années précédentes, et ne mettra pas en péril la capacité d'investissements des entreprises concernées, a assuré Mme Van der Straeten. La mesure s'appliquerait sur les surprofits réalisés encore cette année. Juridiquement, la formule tiendrait la route dès lors que la loi et les arrêtés d'exécution sont approuvés avant le 31 décembre.
"Techniquement, cela fonctionne. La base se trouve dans le règlement européen, qui nous permet d'aller plus loin en fonction des circonstances. Il s'agit maintenant de la volonté politique de corriger une situation injuste. Dans ce pays, il y a des grands gagnants, qui gagnent plus que ce qu'ils n'auraient jamais pensé gagner, et de grands perdants, les ménages et les entreprises confrontés à des factures qu'ils n'auraient jamais imaginées", a souligné la ministre. La formule retenue sera exposée aux députés la semaine prochaine à l'occasion du discours de politique générale du Premier ministre, Alexander De Croo. Elle est toujours en discussion entre les partenaires gouvernementaux, a indiqué ce dernier qui s'exprimait à l'Université de Gand dans le cadre d'une leçon inaugurale. "Il y aura un impôt solide, c'est sûr", a-t-il dit, en précisant qu'il ne s'agissait pas d'une opération à finalité budgétaire mais qui doit permettre de faire revenir l'argent perçu dans la société. Dans la majorité, la sortie de la ministre écologiste ce week-end n'a pas plus à tout le monde.
"Nous n'aimons pas les effets d'annonces, cela crée de fausses attentes", a regretté Leen Dierick (CD&V, parti du ministre des Finances, Vincent Van Peteghem). Les chrétiens-démocrates attendent un texte qui tienne la route juridiquement, comme le MR. "Je m'inquiète beaucoup du dispositif juridique", a dit Marie-Christine Marghem qui redoute notamment des cas de double imposition puisque les producteurs nucléaires sont déjà soumis à un impôt particulier.
Aux yeux du PS, les discussions sur cette taxe seront un moment de vérité politique. "Nous réclamons cette mesure depuis longtemps et nous sommes très heureux que cette mesure soit ambitieuse. Nous voulons que cette mesure soit mise en place le plus rapidement possible. On est à l'heure du jugement, les masques tomberont et on pourra juger des intentions réelles des uns et des autres", a observé Malik Ben Achour.
Le groupe énergétique Engie, premier concerné par la contribution de crise, a déjà exprimé son inquiétude, car la décision aura, selon lui, un impact sur sa capacité d'investissement, notamment dans la prolongation des réacteurs nucléaires de Doel 4 et Tihange 3 actuellement négociée avec le gouvernement. La question de la taxation des surprofits ne fait pas partie des négociations avec le groupe français, a affirmé la ministre, pas plus qu'une prolongation de plus de dix ans ou d'un nombre accru de réacteurs.
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