46% de la population belge est en situation de "vulnérabilité numérique", à en croire un rapport de la fondation Roi Baudouin. Les ménages les plus précaires sont évidemment les moins connectés.
Près d'un Belge sur deux était en situation de vulnérabilité numérique en 2021, ressort-il du nouveau baromètre de l'inclusion numérique, publié vendredi par la Fondation Roi Baudouin.
"Être dans une situation de vulnérabilité numérique, c'est être exposé à des risques d'exclusion, à des risques de ne pas pouvoir recourir à l'ensemble de ses droits, car on est, soit non-utilisateur du numérique soit, car on a des compétences numériques faibles", explique Laura Faure, chercheuse à l'UCLouvain.
"Le temps d'appropriation de ces technologies est beaucoup plus long et lent que le rythme de la digitalisation aujourd'hui. Ça nécessite vraiment d'avoir une réflexion", ajoute la chercheuse.
Le nombre d'individus ne disposant que de faibles compétences continue de progresser (39% en 2021 contre 32% en 2019), malgré une hausse globale de l'accès à Internet et de l'utilisation de services en ligne.
De façon globale, la vulnérabilité numérique a augmenté de 6% entre 2019, période d'avant pandémie, et 2021 pour atteindre 46%. Cette détérioration est liée, notamment, au fait que les compétences existantes en matière de numérique doivent être régulièrement actualisées. Par ailleurs, de nouvelles compétences mesurées en 2021 comme la "sécurité en ligne" contribuent à faire baisser le niveau. En effet, 30% des Belges n'ont aucune compétence en la matière et 28% n'ont que de faibles compétences. Un constat interpellant alors que les tentatives d'arnaques en ligne ont véritablement explosé avec la crise sanitaire.
Le degré de vulnérabilité des Belges augmente encore plus fortement dans les groupes de population disposant d'un niveau de diplôme plus bas (secondaire inférieur) ou de faibles revenus (moins de 1.400 euros). Entre 2019 et 2021, on constate une augmentation de 18% des compétences faibles chez les personnes peu diplômées (contre 9% chez les personnes avec un haut niveau de diplôme). Les femmes et les personnes de plus de 55 ans sont aussi plus touchées par ce phénomène.
Des disparités géographiques transparaissent également, la vulnérabilité numérique étant plus élevée en Wallonie (49%) qu'en Flandre (46%) ou à Bruxelles (39%). Les chercheurs notent toutefois que le pourcentage de personnes avec de faibles compétences numériques est en augmentation surtout en Flandre. "La numérisation rapide de services en Flandre a été suivie par une hausse de l'équipement et des usages numériques, mais pas pour autant par une hausse des compétences numériques", précise le rapport.
Les jeunes, souvent présentés comme la génération la plus à l'aise avec les nouvelles technologies, ne sont pas non plus égaux face à leur utilisation. En effet, 22% des jeunes peu diplômés ne se connectent à internet que via leur smartphone et 45% ont de faibles compétences numériques (contre respectivement 2% et 22% pour les jeunes ayant un diplôme de l'enseignement supérieur). Malgré cette hausse globale de la vulnérabilité, les auteurs du baromètre constatent une augmentation de l'utilisation de services en ligne (e-banking, e-administration, e-commerce,...) et soulignent que plus de 9 ménages belges sur 10 disposent d'une connexion internet à domicile.
Toutefois, derrière ces chiffres encourageants se cachent à nouveau d'importantes disparités, ainsi que des conditions d'accès aux technologies souvent peu optimales. 17 % des internautes ne disposent par exemple que d'un smartphone pour se connecter à internet. Si 68% des internautes possèdent désormais un ordinateur portable, soit une augmentation de 15% par rapport à 2019, ce sont surtout les utilisateurs les plus aisés financièrement (+15% depuis 2019) qui ont acquis ce type d'outil pendant la crise sanitaire, contre une hausse de 4% seulement chez les ménages à faibles revenus.
L'utilisation d'Internet et l'accès à un ordinateur portable sont plus élevés en Flandre (respectivement 94% et 71%) et à Bruxelles (93% et 70%) qu'en Wallonie (90% et 63%).
La Fondation et les chercheurs de l'UCLouvain et de la VUB, à l'origine du baromètre, appellent à une prise de conscience sociétale et insistent sur la nécessité de continuer à offrir des alternatives de qualité aux nouvelles technologies (guichets, lignes téléphoniques). "La crise sanitaire a provoqué une mise en oeuvre un peu précipitée de services en ligne qui n'étaient pas forcément 'mûrs'", souligne Périne Brotcorne, chercheuse et assistante à l'UCLouvain. "Il est peut-être temps également d'engager une réflexion globale sur le type de société que l'on veut."
"Il est urgent que la société prenne conscience de l'ampleur de la situation et de ses conséquences. Plus le temps passe, plus l'écart se creuse", déplore quant à lui Quentin Martens, coordinateur programme à la Fondation.
Les chiffres du baromètre sont basés sur de nouvelles analyses de données issues de l'enquête sur l'utilisation des technologies de l'information et de la communication par les ménages et individus âgés de 16 à 74 ans, réalisée en 2019 et 2021 par Statbel.
"Plus le temps passe, plus l'écart se creuse": près d'un Belge sur deux est en situation de vulnérabilité numérique
Belga avec Florent vanden bergh et Jules Rasumny, publié le 02 septembre 2022 à 14h07
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