35.000 femmes sont confrontées à l'excision dans notre pays. Ces mutilations génitales sont répandues dans une trentaine de pays à travers le monde. En Egypte, au Mali, au Soudan ou encore en Guinée, près de 9 femmes sur 10, sont excisées. Chez nous, cette pratique est illégale, mais reste une réalité. Notre équipe a rencontré deux jeunes femmes mutilées qui se battent aujourd'hui pour faire cesser ce qu'elles considèrent comme des actes barbares.
Diariou et Mariama sont originaires de Guinée. Pour l’une, c’était il y 20 ans. Pour l’autre il y a 30 ans. Ce jour où par tradition, on leur a coupé une partie des organes génitaux. Elles avaient à peine 6 ans.
Diario est la présidente du GAMS, le Groupe d'Action contre les Mutilations Sexuelles. Elle se souvient : " Je me rappelle que j'étais allongée, tenue par deux femmes. Chacune avait une jambe et mes mains. J'ai senti qu'on me coupait. Je me suis évanouie, mais avant, j'ai crié. Là, une des femmes m'a dit de ne pas faire peur à ma petite sœur qui attend dans la salle. Quand je me suis réveillée de ce traumatisme, elle m'a dit 'maintenant tu connais le secret de la femme".
De l'ombre à la lumière
Mariama, elle, avait hâte: enfin pouvoir devenir une jeune fille "respectable". Cette coordinatrice du GAMS raconte: "La pression sociétale est telle que si tu n'es pas excisée, tu es considérée comme sale. Tu ne fais pas partie de la communauté. Lors d'un cours de biologie en 4ème secondaire, on parlait de la reproduction humaine. Le prof essayait de parler des conséquences de l'excision et là je recevais des gifles ! Je voyais certaines choses qu'il énumérait étaient des problèmes que je vivais. C'est comme si toute votre vie vous étiez aveugle et que ce jour-là vous recouvrez la vue."
On voit des femmes qui ont des syndromes post-traumatiques
Des années plus tard, certaines femmes font la démarche de franchir la porte d’un des deux centres belges spécialisés dans la prise en charge des mutilations sexuelles. Fabienne Richard, directrice du GAMS, fait savoir: "On voit des femmes qui ont des syndromes post-traumatiques, comme quelqu'un qui aurait vécu une guerre ou un tremblement de terre. Ce qui est très dure pour les femmes quand elles arrivent en Europe, on leur dit dans leur pays qu'elles sont complètes parce qu'elles sont excisées. Elles arrivent en Belgique et on leur dit, il vous manque quelque chose."
Des sanctions prévues
La rumeur voudrait que des exciseuses pratiquent illégalement en Belgique. Mais bien souvent, les familles profitent d’un séjour au pays pour faire exciser leur fille. Les vacances scolaires sont une période sensible. Sarah Schiltz, secrétaire d'État à l'égalité des genres : "Quand il y a des risques aigues de mutilation génitale féminine, on peut interdire le voyage des enfants. Même si elles sont pratiquées dans les pays d'origine pendant les congés scolaires, il peut quand même y avoir des poursuites. C'est important de le faire savoir aussi."
Blessées à jamais dans leur chair, Diariou et Mariama se sont reconstruites au fil des ans jusqu’à accepter leur féminité. "Il faut du temps, de la patience. Il faut aussi écouter son corps. Faire la paix. Réconforter la petite fille qui est en moi." Mariama poursuit : "C'est un combat qui a tellement de sens pour moi. L'effet thérapeutique, c'est ce combat-là."
Mariama a fui la Guinée pour éviter l’excision à ses 4 filles. Des milliers sont toujours menacées en Belgique où 35.000 femmes sont confrontées à l'excision dans notre pays.
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