Environ 500 personnes, selon la police de Bruxelles-Ixelles sur place, ont manifesté jeudi soir à 18h30 sur la place Fernand Cocq à Ixelles, devant la maison communale. Ce rassemblement avait pour but de mettre en lumière les agressions sexuelles récemment dénoncées dans plusieurs bars du quartier étudiant. Plus globalement, les collectifs et participants attendent "des vrais actes concrets pour les femmes, pour les victimes".
Plusieurs centaines de personnes, 500 selon la police de Bruxelles-Ixelles, se sont rassemblées ce jeudi sur la place communale à Ixelles. Tous et toutes étaient là pour une même cause : la lutte contre les violences et agressions sexuelles. "On en a marre, on a peur. Et là c’est plus le temps d‘avoir peur, c’est le temps d’agir. C’est pour ça qu’on est autant ce soir, c’est parce qu’on en a marre, c’est la colère qui prend le dessus", a déclaré à notre micro l'une des organisatrices, Manon Vidal.
Ce rassemblement, le deuxième en l'espace d'une semaine, fait suite aux nombreux témoignages sur les réseaux sociaux d'agressions sexuelles et de viols commis par un ou des employés de deux bars connus du quartier du cimetière d'Ixelles. D'après certains témoignages, un barman aurait drogué des jeunes femmes en versant une substance dans leur verre avant d'abuser d'elles. Une enquête a été ouverte au parquet de Bruxelles qui a confirmé que "plusieurs plaintes" avaient été déposées.
Le rassemblement s'est déroulé dans le calme sur la place Fernand Cocq devant la maison communale. Les participants voulaient "se faire entendre" du bourgmestre d'Ixelles et du monde politique en général, dit Manon. "On demande vraiment des actes de la part des politiques. On se met devant la maison communale d’Ixelles donc c’est directement au bourgmestre qu’on s’adresse mais aussi à l’ensemble de la classe politique. On veut des vrais moyens qui soient développés pour la lutte contre les violences sexuelles, c’est une priorité", a détaillé l'étudiante de 22 ans à notre micro.
Si elle a organisé ce rassemblement, c'est aussi parce que depuis ses 13 ans, Manon déclare faire face à ce genre de comportement abusif. Elle raconte que, dès l'adolescence, une amie à elle avait été droguée dans un bar. Des faits qui l'ont profondément choquée et, dit-elle, avec lesquels elle a dû se construire durant son adolescence. Elle ajoute que, plus tard, des amies ainsi que des membres de sa famille ont subi des comportements abusifs.
Manon s'est donc toujours sentie en "insécurité" lors de ses sorties nocturnes: "Il a pas fallu attendre tous ces témoignages pour que je me sente en insécurité. Ça fait 4 ans que je suis à l’université et j’entends vraiment tout le temps, tous les week-ends, toutes les semaines, que des filles se font agresser", déplore-t-elle. Elle demande avant tout plus d'actes et moins de paroles : "Les discours c’est très bien, mais maintenant, on attend des vrais actes concrets pour les femmes, pour les victimes, et que ça ne se reproduise plus".
"Un problème systémique"
Pendant 1h30, les collectifs ont enchaîné les prises de paroles à coup de grand discours face à la foule. "Réapproprions-nous l'espace public, que la peur change de camp", a clamé l'une des organisatrices. Les collectifs @balancetonbar, @feminismebxl, @lessousentendues (Instagram) et beaucoup d'autres étaient notamment présents. Des messages comme "quand je sors, je veux être libre, pas courageuse", "violées de mères en filles", "police complice", "ras-le-viol", "victime on te croit, violeur on te voit" et "je veux être bourrée et pas droguée" s'élevaient au-dessus de la foule.
© RTL INFO
Depuis le 10 octobre dernier, la parole se libère sur les réseaux sociaux et de nombreuses victimes témoignent de manière anonyme. A tel point qu'une page Instagram a été créée pour les recenser: @balancetonbar, une initiative de Maïté, 23 ans, qui depuis a reçu "une avalanche de témoignages". "J’ai réalisé qu’après toutes les révélations, c’était absolument pas des cas isolés, on parlait vraiment d’un problème systémique. Et il y a énormément de femmes qui tenaient à s’exprimer quant aux agressions qu’elles ont vécues et qu’elles ont subi dans d’autres endroits du monde de la nuit bruxellois. Il y a beaucoup d'agressions sexuelles et il y a une omerta, un silence par rapport à cela", a-t-elle expliqué à notre micro.
Dans ce mouvement, les victimes y trouvent un endroit où elles se sentent écoutées et soutenues. Un endroit où elles peuvent témoigner, parler, et surtout, ne pas être jugées ni culpabilisées, explique Maïté : "Dans mes messages, j'ai encore 200 témoignages que je dois poster, plus de 1.000 messages de soutien. Je pense que c’est comme ça qu’on se rend compte de l’ampleur du problème".
3 centres de prises en charge des victimes en Belgique : les collectifs demandent l'ouverture d'un autre centre à Ixelles
Parmi les demandes des collectifs et manifestants, il y a l'ouverture d'un nouveau Centre de Prise en charge des Violences Sexuelles (CPVS) à Bruxelles. Un aspect fondamental pour que les victimes aient un endroit où se recueillir, explique Manon : "On pense qu’il y a un réel besoin à Bruxelles et encore plus à Ixelles avec la communauté étudiante qui est particulièrement exposée aux violences sexuelles, c’est pour ça qu’on aimerait l’ouverture d’un autre CPVS à Ixelles. Il n’y en a qu’un seul au CHU Saint Pierre."
Concrètement, les CPVS proposent une prise en charge immédiate et centralisée des victimes 24h/24 et 7j/7. Le centre propose donc une aide médicale, mais aussi médico-légale ainsi qu’un soutien et un suivi psychologique pour les adultes et les enfants. Si elles le souhaitent, les victimes peuvent aussi directement déposer plainte au centre grâce à une équipe de policiers, formés à la prise en charge des victimes de violences sexuelles, sur place.
Actuellement, il n'y en a que 3 dans toute la Belgique : un à Bruxelles, un à Liège et un à Gand. Sarah Schlitz, secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres, prévoit d'en ouvrir 7 supplémentaires d’ici 2024 pour une meilleure prise en charge des victimes, a-t-elle annoncé sur Twitter. Mais aussi, pour des statistiques plus proches de la réalité : "Nous constatons une importante différence entre le nombre et la gravité des témoignages publiés ces derniers jours sur internet, les chiffres de la police, et les chiffres des Centres de Prise en Charge des Violences Sexuelles (CPVS). Ces écarts témoignent d'un chiffre noir relatif aux violences sexuelles dans notre pays", a déclaré Sarah Schlitz ce mercredi suite à une réunion d'urgence avec la ministre de l'Intérieur Annelies Verlinden et de la Justice Vincent Van Quickenborne à ce sujet.
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