Ce vendredi à 10h commence la commission spéciale Covid-19 au niveau fédéral. L’objectif des députés fédéraux est de revenir sur la crise sanitaire et de déceler les problèmes pour mieux y faire face dans le futur. Le cas des maisons de repos pose le plus de questions. Selon de nombreux témoignages, elles ont été abandonnées à leur triste sort, obligées de trouver elles-mêmes du matériel pour se montrer réactives alors que rien ne les avait préparées à gérer une telle crise. De plus, le refus de certains hôpitaux de prendre en charge des patients Covid venant des maisons de repos pose de graves questions.
Yves Coppieters est l’un des deux experts francophones de la commission spéciale de la chambre sur la gestion du covid19. L’expert, épidémiologiste, a transmis un rapport diffusé dans la presse hier. Ce rapport évoque notamment la gestion des maisons de repos. Avec ces questions : pourquoi les tests et leurs résultats sont-ils arrivés si tard ? Quelles anticipations dans les maisons de repos et autres institutions non hospitalières ? Y a-t-il eu des directives pour déconseiller d’hospitaliser les résidents et éviter d’encombrer les hôpitaux ?
Steve Doyen, directeur de la résidence Cristallin à Jette, se souvient : "Quand on a chaque fois appelé les hôpitaux en disant que c’était pour un cas de Covid, chaque fois on nous disait 'écoutez, elle sera bien mieux soignée dans votre maison de repos'". Pour Vincent Frédéric, secrétaire général de la fédération des maisons de repos (Femarbel), les refus des hôpitaux d’accueillir les malades du Covid venant de maisons de repos sont un fait : "C’est clair que les maisons de repos ont été sacrifiées et mises systématiquement en deuxième ligne."
"Le phénomène n’a pas été généralisé absolument dans tous les hôpitaux. Mais il y a bien eu des directives écrites, fédérales, disant qu’il fallait dans la mesure du possible déshospitaliser des patients de telle manière à maintenir des lits libres. Et il y a eu aussi des directives écrites de certaines tutelles aux maisons de repos disant qu’il fallait strictement limiter les hospitalisations. Il n’a jamais écrit qu’il était interdit d’hospitaliser mais dans ce contexte-là, il est vrai que je crains qu’un certain nombre d’hôpitaux aient fait du zèle. Il va d’ailleurs y avoir un procès intenté par une famille contre un hôpital dans un cadre de refus d’hospitalisation", détaille Yves Coppieters.
Impréparation totale dans l’aide aux maisons de repos
Autre constat : les maisons de repos ne savaient pas comment faire face à l’épidémie et ont dû se débrouiller. "Je crois que personne ne savait ce qu’il fallait faire, aussi bien dans les hautes sphères que nous en tant que gestionnaires des maisons de repos", explique Steve Doyen.
De plus, le matériel fourni par les autorités publiques est toujours arrivé avec retard. "Quand on nous a donné les tests, ça faisait une semaine que j’avais déjà reçu des tests d’un autre laboratoire privé. Quand on a reçu le matériel, j’avais déjà reçu le matériel d’une autre société. Donc tout arrivait une semaine trop tard chaque fois", ajoute le directeur de la résidence Cristallin.
Pour Vincent Frédéric, les maisons de repos n’ont rien à se reprocher : "Une fois qu’elles ont eu le matériel, elles ont repris très rapidement le contrôle de la situation. En fait elles ont constitué un maillon essentiel dans le fait que les maisons de repos n’ont pas été débordées."
Les autres problèmes soulevés par le rapport: Sciensano peu réactif et les conflits d’intérêts des experts
Le rapport Coppieters pointe aussi "un manque important dans l’évaluation des risques et de la riposte par les instances de surveillance (Sciensano) qui conseillent nos décideurs". L’expert regrette aussi des failles techniques combinées à de mauvaises décisions le tout dans un paysage institutionnel belge compliqué. Le confinement serait dû, selon le rapport, à un système de surveillance épidémiologique "peu réactif et non adaptatif" qui a conduit au lockdown par manque d’anticipation.
Autre point d’attention : les conflits d’intérêts. Certains experts sont en lien direct avec des firmes pharmaceutiques. D’autres sont chargés du suivi des contacts et en même temps gestionnaires de société privées de développement informatique.
Objectif : tirer des leçons
Finalement, Yves Coppieters appelle à profiter de cette opportunité pour repenser en profondeur le système de santé, son financement, son fonctionnement.
Les membres de la commission spéciale Covid-19 ne se sont pas fixé de calendrier, mais le but est de boucler les travaux avant l’été prochain. La commission spéciale n’a pas encore arrêté la liste des personnes qui seront entendues, ni le calendrier de ses auditions.
Par ailleurs, les parlements régionaux ont mis sur pied chacun leur propre commission spéciale sur la gestion de la crise, avec des agendas distincts.
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