Des milliers de Belges ayant voyagé au Maroc en février, pour y faire du tourisme ou rendre visite à leur famille, sont toujours coincés sur place. En cause: la décision de ce pays de fermer son espace aérien ainsi que plusieurs aéroports, afin de contrer la propagation du coronavirus. Cette situation plonge des milliers de familles belges dans le désarroi, avec des conséquences sociales, émotionnelles, professionnelles et financières parfois désastreuses.
Depuis plusieurs semaines, de dizaines de messages désespérés nous parviennent à la rédaction via le bouton orange Alertez-nous. Ils proviennent de Belges qui se retrouvent séparés de leurs proches, coincés au Maroc. En effet, il y a plusieurs semaines, le Maroc a décidé de fermer son espace aérien pour contrer la propagation du coronavirus, bloquant par la même occasion des milliers de touristes belges qui s'y étaient rendus en vacances en février, lors des congés de Carnaval par exemple.
"Vous êtes mon dernier recours, nous écrit Yvan. Ma maman est bloquée au Maroc depuis presque 2 mois avec ma petite sœur de 13 ans. Nous avons envoyé un e-mail avec certificat médical qui atteste que ma maman est malade et doit être rapatriée mais nous avons reçu ce matin une réponse qui déclare que ma mère n'est pas un cas urgent. Ma petite sœur doit reprendre les cours. Chaque jour, nous avons notre mère au téléphone en pleurs. Aidez-nous s'il vous plaît", supplie-t-il.
Meryem, elle, désespère de retrouver son époux qui n'a pas encore vu son fils né il y a trois semaines. "J'ai accouché toute seule, relate Meryem Aziz. Une de mes tantes était à mes côtés, mais ce n'est pas comparable à la présence du père de mon enfant". Privée de la présence de son époux, la jeune maman doit gérer seule son nouveau-né et un autre enfant en bas âge. "Mon bébé a besoin de vaccins, il faut s'organiser pour la nourriture, décrit-elle. Heureusement, j'ai un beau-frère qui m'apporte à manger, sinon, ce serait la galère pour moi".
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Des enfants séparés de leurs parents, des employeurs éloignés de leur entreprise, des citoyens ne pouvant plus payer leurs factures
De nombreux Belges coincés nous écrivent aussi directement du Maroc pour relater leur situation. Bloqué au nord du pays, Mouad attend depuis deux mois de retrouver ses enfants. "Ils sont tout seuls en Belgique, décrit ce père de famille inquiet. Ils sont livrés à eux-mêmes : le petit n'a que 12 ans. Ce sont encore des enfants, ils vivent sous mon toit. J'ai des factures à payer et un travail, ça fait 30 ans que je travaille dans une société. Je leur téléphone tous les jours. C'est vrai que c'est un cas de force majeure, mais tout de même, je voudrais récupérer mon travail, retrouver ma vie".
Karine, coincée depuis le 17 mars, est également très inquiète pour ses parents dont elle ne peut plus prendre soin: "Ma maman qui a 84 ans n'arrête pas de faire des malaises, mon papa risque chaque jour l'infarctus, mais qui s'en préoccupe? Je suis désemparée et ne sais vraiment plus à qui m'adresser pour pouvoir rentrer dans mon pays et prendre soin de mes parents qui ont vraiment besoin de moi".
Martin, autre touriste coincé au Maroc, ne sait pas comment il va pouvoir se débrouiller, lui qui est aux abonnés absents sur son lieu de travail. "J'ai reçu un refus de la part de l'ambassade pour le rapatriement vers la Belgique alors que je rentre dans l'une des 3 conditions demandées. J'ai envoyé l'attestation de mon travail et la photocopie de mon passeport qui périme prochainement, mais rien n'y fait. Pouvez-vous nous aider?", demande-t-il.
Youssef, qui habite Mons est dans le même cas de figure. "On vient de me refuser mon rapatriement en Belgique (…) ça va faire maintenant deux mois que je suis bloqué ici au Maroc sans revenu. Mes factures, mon loyer en Belgique, je ne sais plus les payer!", angoisse-t-il.
Ils seraient 6.000 à encore être coincés
Les rapatriements se passent en plusieurs phases depuis Casablanca, étant donné la fermeture des autres aéroports, précisent les Affaires étrangères. Des bus ont dès lors été spécialement affrétés pour permettre aux Belges se trouvant un peu partout dans le pays de rejoindre cette ville.
Selon les Affaires étrangères, ils seraient encore 6.000 à attendre d'être rapatriés. L'ambassade belge à Rabat a été contactée par environ 4.500 personnes, dont 3.400 Belges qui souhaitaient rentrer en Belgique. Pour entrer en considération de ce rapatriement à caractère humanitaire, il faut cependant être résident en Belgique et pouvoir démontrer ce caractère humanitaire, soit médical, soit social, rappelle le le ministre des Affaires étrangères et de la Défense Philippe Goffin (MR). Les autorités marocaines, qui ont fermé l'espace aérien il y a plus d'un mois et établi un couvre-feu, ont accepté ce rapatriement dans la mesure où ces conditions étaient respectées. Environ 1.500 Belges possédaient de telles preuves, qui ont été soumises aux autorités marocaines pour approbation. Quelque 1.200 compatriotes étaient par ailleurs déjà rentrés en provenance du Maroc au mois de mars. "C'est un dossier complexe qui demande à être traité avec calme et dans le respect mutuel", insistent les Affaires étrangères, soulignant que la diplomatie s'inscrit dans un cadre juridique et que la Belgique doit respecter les accords internationaux.
De nombreux citoyens se plaignent de cafouillages dans le traitement administratif de leur dossier
De son côté, la plate-forme "des belgo-marocains bloqués au Maroc" dénonce des manquements jugés graves dans le traitement des dossiers. "Plus de 1.000 mails négatifs ont été envoyés ce matin en dévoilant l'identité de plus de 1.000 personnes. C'est un signe d'amateurisme et une atteinte à la vie privée des gens que nous condamnons", estiment les responsables du collectif. Le collectif affirme également que des personnes rapatriées à Bruxelles, ce vendredi 1er mai ont reçu un mail négatif de rapatriement, alors qu'elles sont déjà en Belgique.
L'organisme indique avoir reçu des excuses du ministre Goffin samedi matin, expliquant qu'il s'agissait "d'une erreur humaine de manipulation des mails". Le collectif pointe aussi d'autres "cafouillages", comme des enfants restés bloqués au Maroc, alors que l'un des parents a été rapatrié. La plate-forme a réitéré sa demande d'un rapatriement généralisé pour la date du 10 mai 2020.
Le ministre Goffin dit "tout faire" pour rapatrier les compatriotes
Un premier vol de rapatriement de Belges a eu lieu vendredi après-midi depuis le Maroc, à bord duquel 264 compatriotes ont pu prendre place, selon le ministre Goffin. Un autre avion a quitté Casablanca samedi après-midi pour se poser à Brussels Airport en soirée. Trois autres vols sont encore prévus pour la semaine prochaine. Philippe Goffin assure qu'il travaille d'arrache-pied pour rapatrier tous ces compatriotes. Selon lui, les opérations de rapatriement les plus importantes sont celles en provenance du Maroc.
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