Franz-Olivier Giesbert, journaliste, romancier, fin connaisseur de la vie politique française, et Grosse tête de Laurent Ruquier sur Bel RTL, était l’invité du RTL INFO 13H d'Olivier Schoonejans. Il vient de publier un livre intitulé "Le Schmock". Celui-ci retrace l'ascension d'Hitler, vue par deux familles allemandes, une juive et une non juive.
La question de votre livre, c'est comment les Allemands ont-ils laissé faire Hitler? Peu d'Allemands ont cru qu'il allait aller aussi loin...
"Il y a un personnage central du livre qui dit : ‘de toute façon, il est trop bête pour arriver au pouvoir’ et puis après quand il est au pouvoir, il dit: ‘il ne va pas faire ce qu’il a annoncé’. A aucun moment, les nazis ne seront majoritaires quand ils arrivent au pouvoir. Ils n’ont que 31% des voix. Il y a une espèce de combine machiavélique de la droite à l’époque qui se dit : ‘tiens, on va aller mettre ces abrutis et ils vont se casser la gueule’. Le problème, c’est qu’ils ne savaient pas qui c’était, il ne savait pas qu’Hitler était comme un chef de gang et qu’il allait terroriser, qu’il allait tuer, qu’il allait faire peur et c’est comme ça qu’il a finalement pris le pouvoir avec l’incendie du Reichstag."
Un personnage de votre livre dit: "Les juifs pessimistes se sont enfuis et les optimistes se sont retrouvés dans des camps". Les juifs eux-mêmes n'y ont pas cru...
"Il y a plein de juifs qui se sont découverts juifs quand les nazis sont arrivés au pouvoir, pendant la montée du nazisme… Cette histoire, c’est celle de quelqu’un qui n’était pas au niveau, qui était un shmock. En yiddish, la langue juive de l’Europe de l’est, ça veut dire un imbécile, une ordure ou un pénis un peu ramolo. Eh ben le con est arrivé au pouvoir, parce que tout le monde était faible. J’ai essayé de raconter comment ça a pu arriver. Je crois que les romans peuvent répondre à des questions dont il est difficile de répondre dans un essai, parce qu’on y transmet des sensations et pas seulement des idées."
On fait évidemment un parallèle avec la montée de l’extrême droite en Europe. Est-ce que le phénomène est le même que dans les années 20, 30 et est-ce que l’extrême droite actuelle est aussi dangereuse que l’était Hitler à l’époque, selon vous?
"Non, j’ai commencé à écrire ce livre sans penser à l’actualité. C’est un roman, c’est un thriller, un suspense avec des personnages et des rebondissements. J’éviterais de confondre les populistes et les nazis, c’est trop sommaire. En même temps, je dirais qu’il y a quand même un terreau qui ressemble. Il y a beaucoup de haine, de ressentiment dans l’Europe aujourd’hui, il y a beaucoup de craintes, la peur du déclin de l’occident, la pauvreté, la misère, le ressentiment, la convoitise… Tous ces sentiments que vous avez après la guerre de 14-18 qui ont favorisé la montée du nazisme. Il manque la personne qui à un moment donné prend la tête de tout ça et le porte, comme l’a fait Hitler et cela peut venir à tout moment. Je dirais une chose : la bête se réveille. Il faut bien regarder du côté de la bête parce qu’elle est plus vivante qu’elle ne l’était il y a 30 ou 40 ans."
Et est-ce qu’on a plus d’armes aujourd’hui pour voir arriver la bête que dans les années 30, 40?
"Non, parce que quand la bête monte et on le voit sur les réseaux sociaux, cette espèce de marée qui monte… Comment voulez-vous contrôler ça ? C’est la bêtise. Quand la haine et la bêtise sont en marche, c’est difficile de les arrêter, mais il faut les arrêter. Ce n’est pas avec un roman qu’on tire la sonnette d’alarme. Quand on a lu le livre, on voit quand même des similitudes avec l’époque actuelle. Evidemment, il n’y a pas Hitler, il n’y a pas le parti nazi, mais il y a quand même un mauvais climat, il y a un sale temps. Mais je ne crie pas aux nazis pour un oui ou pour un non, je trouve que c’est une mauvaise façon de faire les choses et souvent c’est très contre-productif."
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