Des bureaux désertés, des couloirs dépeuplés et des barricades. Les administrations communales sont, elles aussi, perturbées par la crise du coronavirus. "Le contact par mail et par téléphone est privilégié mais beaucoup ne savent pas en faire usage. Je trouve scandaleux qu’aucune autre solution n’est proposée pour ces gens. Quand est-ce que les administrations vont-elles ouvrir ?", s'offusque une lectrice via le bouton orange Alertez-nous.
Le 12 mars dernier, la Belgique entre en "phase fédérale de crise". Suivant les décisions du Conseil National de Sécurité, les communes ont dû réduire leurs services. Tous les secteurs ont-ils été mis à l'arrêt comme l'affirme notre témoin? Pas vraiment.
Afin de comprendre les réalités du terrain, nous nous tournons vers la commune d'Ixelles. Avec ses 86.876 habitants (statistique datant de 2019 et centralisée par l'Institut Bruxellois de Statistique et d'Analyse), Ixelles se hisse parmi les 5 communes les plus peuplées de la région de Bruxelles. De l'équipement en matériel informatique à l'installation de plexiglas, retour sur une organisation quasi militaire.
La situation que nous décrivons ici correspond à celle qui a été mise en place durant la période du confinement. Depuis le déclenchement du déconfinement le 1 mai, la Commune retrouve progressivement ses habitudes de travail, soumises cependant à de strictes conditions sanitaires.
Assurer la continuité des services
Comme pour toutes les administrations communales, le défi est majeur pour Ixelles. D'une part, il a fallu assurer la protection du personnel et permettre la continuité des services d'autre part. Le Conseil National de Sécurité l'a affirmé: "Les administrations doivent continuer à fonctionner".
"Elles mettent en œuvre, dans la mesure du possible, le système de télétravail et les règles de distanciation sociale. Les administrations doivent informer la population des possibilités d’obtenir des documents et informations via des modes alternatifs", ont indiqué les autorités.
Résultat: à Ixelles, TOUS les services de la commune restent accessibles par mail ou par téléphone. Seules les procédures d'urbanisme qui nécessitent des comités de concertation ont été suspendues. Elles pourront reprendre à partir du 3 juin.
28% des agents en télétravail
Le télétravail a été mis en place pour 28% des agents à raison de 5 jours par semaine. Sur les 1.600 employés communaux, 450 d’entre eux ont pu œuvrer depuis leur domicile. Plusieurs dispositifs ont été mis en place pour permettre cette organisation:
- les lignes téléphoniques ont été déviées vers les fixes et portables des agents
- des ordinateurs ont été distribués à ceux qui n’en disposaient pas
- des visoconférences ont été organisées via différentes plateformes
Des agents constituent une cellule de crise
Mais le télétravail n’est pas possible pour tous. Concrètement, tous les employés qui exercent des missions dites non essentielles et dont le télétravail n'est pas possible ont bénéficié d’une dispense de service. Par "essentiels", nous entendons ici toutes les missions qui ne peuvent être postposées sans compromettre le bon déroulement de notre vie quotidienne. Cela vaut notamment pour les services population, la propreté et les services publics ainsi que tous les services en lien avec les écoles et crèches.
Ces travailleurs étaient donc invités à rester chez eux tout en se rendant disponibles si la commune avait besoin.
"Les agents du service Travaux Publics ont été mobilisés en renfort des gardiens de la paix dans les parcs et espaces verts de la Commune. D'autres agents constituent une réserve pour la cellule de crise", nous précise le cabinet du bourgmestre Christos Doulkeridis.
Cette cellule de crise a été mise en place au début du confinement. Elle regroupe des agents dont le rôle est d'assurer le suivi des demandes de la population liées à cette épidémie. Ils sont ensuite chargés les faire suivre aux services concernés. Cela concerne notamment des propositions de bénévolat ou des demande de courses. "Aucune demande n’est laissée sans suivi", nous assure-t-on.
Et sur le terrain?
La présence de certains employés au sein des bureaux communaux est néanmoins requise. Cela concerne notamment le service Population, Etat Civil ou Etrangers (voir toutes les missions qui y sont attribuées). Des aménagements ont dû être faits pour ces travailleurs en contact avec les habitants. Des plaques en plexiglas ont été installés sur les guichets et un marquage au sol a été instauré afin d'éviter que les personnes ne se croisent. Enfin, le port du masque pour ces employés était requis. De la même façon, des gels hydroalcooliques et des gants ont été mis à disposition pour ces derniers. Tous les habitants qui veulent se rendre à la Commune pour effectuer des démarches administratives doivent prendre un rendez-vous au préalable.
Les agents de la propreté et des espaces verts ont également dû s'adapter. Leurs horaires ont été modifiées et un service spécial de garde des parcs et espaces verts a été mis en place avec des agents de différents services de façon à augmenter la sécurité dans les lieux à risque, plus fréquentés. Pour la Commune, le but étant de "garder un espace public le plus entretenu possible dans ce contexte d’anxiété générale".
Les salaires ont été maintenus pour les agents communaux, tant pour ceux qui œuvraient dans les bureaux que pour ceux qui constituaient la "cellule de crise". "Il y a eu 4 cas de de chômage temporaire de personnes qui se sont retrouvés bloqués à l’étranger et qui ne pouvaient pas télétravailler", nous précise le cabinet du bourgmestre Christos Doulkeridis.
Depuis le 11 mai, date à laquelle la première phase du déconfinement a été enclenchée, les 450 employés communaux retrouvent progressivement leurs bureaux. Le télétravail est passé de 5 jours par semaine à 3 jours maximum. Ces conditions seront réévaluées le 3 juin. A l'heure actuelle, les habitants doivent continuer à prendre rendez-vous pour se rendre au sein de leur administration, et les démarches faites à distance restent recommandées.
Un nouveau mode de fonctionnement
Cette crise sanitaire inédite a contraint les autorités à repenser le mode de fonctionnement et de travail de nos administrations. 3 semaines après la mise en place de cette organisation sans précédent, la Commune d'Ixelles nous dresse un premier bilan.
Le télétravail a présenté quelques avantages. Exempté de tout déplacement, le personnel aurait engendré moins de stress, et les journées prestées auraient été "moins fatigantes pour l’organisme". Un gain de productivité aurait même été constaté dans le cadre de "gros dossiers". "Certaines personnes ont découvert et ont déjà exprimé le souhait de continuer le télétravail de manière régulière, d’autres personnes sont arrivées à la conclusion que le système ne leur convient pas", nous indique le cabinet du bourgmestre.
Le télétravail a permis de continuer à assurer les services à la population mais certains dossiers ont pris du retard. C'est notamment de ceux qui nécessitent l'implication de plusieurs services. "La coordination n'est pas toujours évidente", concède la porte-parole.
La Commune se dit prête à réfléchir au recours du télétravail à certaines conditions. "Toutes ces considérations ont été convaincantes pour une bonne partie du personnel et des responsables et devrait être développé à l’avenir dans la mesure où il est correctement encadré et organisé", nous confie le cabinet du bourgmestre.
Du côté des citoyens, il semblerait que le délai de traitement de certains dossiers, et en particulier l'accès aux documents administratifs, s'est fait plus rapidement. "Beaucoup de documents s’obtenaient en ligne ou par téléphone et nos citoyens ne devaient plus venir sur place (prendre congé ou attendre l’ouverture en soirée du jeudi). Le réflexe habituel de venir à la commune a pu être remplacé par une procédure à distance", précise la porte-parole.
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