Deux semaines après les écoliers, les quelque 220.000 étudiants de l'enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles vont reprendre à leur tour, la semaine prochaine, le chemin de leurs auditoires, dans un contexte toujours rythmé par la crise sanitaire.
Après une année académique 2020-2021 marquée par un enseignement organisé essentiellement à distance en raison des regains successifs de la pandémie, cette rentrée-ci se fera à 100% en présentiel dans toutes les universités et Hautes écoles mais avec le maintien de certaines mesures sanitaires. Ainsi, étudiants et personnels devront continuer à porter un masque buccal dans tous les espaces intérieurs. Les établissements doivent aussi particulièrement veiller à assurer une bonne aération des locaux afin d'y réduire les risques de contamination. Si tout le monde se réjouit de ce retour à la (presque) normale, une certaine inquiétude pointe toutefois dans de nombreux établissements.
La crise sanitaire a en effet isolé de nombreux étudiants, privés de cours, d'activités et de contacts sociaux. Tout cela a pesé sur l'équilibre psychologique de nombreux jeunes, même si cela n'a pas provoqué une vague d'échecs. "Beaucoup d'étudiants ont souffert l'année passée d'un enseignement organisé quasiment exclusivement à distance", pointe cet acteur de l'enseignement supérieur. "Certains étudiants qui ont commencé leurs études supérieures l'an dernier ne connaissent en réalité toujours par leur université ou leur Haute école. C'est donc la question du bien-être des étudiants qui est au centre de l'attention de cette rentrée. Certains auront sans doute besoin d'être accompagnés?". Il appartiendra donc aux services sociaux des différents établissements d'être à l'écoute pour apporter aide et conseils aux étudiants en difficultés et les diriger au besoin vers des services compétents. Ces services sociaux ont d'ailleurs reçu du gouvernement une rallonge de 10 millions d'euros pour faire face à ces besoins complémentaires liés à la crise sanitaire, rappelle-t-on au cabinet de la ministre Valérie Glatigny en charge de l'Enseignement supérieur en Fédération Wallonie-Bruxelles. Hormis cette nouvelle rentrée académique en mode Covid, l'année qui s'ouvre s'annonce particulièrement dense en matière de décisions pour le secteur. Le gouvernement a ainsi approuvé la semaine dernière en 3e lecture l'avant-projet de décret sur la réforme de la formation initiale des enseignants. Celle-ci va pour mémoire passer de 3 à 4 ans pour les instituteurs et les régents.
Après un ultime avis du Conseil d'Etat attendu sous peu, le texte devrait arriver très prochainement sur les bancs du Parlement de la Fédération. Valérie Glatigny veut voir cette réforme -attendue depuis 30 ans!- appliquée dès septembre 2022. Un autre texte qui devrait aussi être soumis cette année au Parlement est la réforme du décret Paysage. Adopté en 2013 sous l'impulsion de Jean-Claude Marcourt, ce décret a profondément réorganisé l'enseignement supérieur francophone, en supprimant notamment les traditionnelles années d'études au profit d'un système de crédits à engranger. Ces changements ont néanmoins entraîné une surcharge administrative pour les établissements, mais surtout un allongement important des études, et donc un coût. Pour la Fédération, mais aussi pour les familles. L'idée de la ministre Glatigny est donc de limiter le temps alloué aux étudiants pour réussir les 60 premiers crédits de leurs études. Ils disposeraient pour ce faire de deux ans maximum (trois ans s'ils se réorientent), et de 5 ans pour décrocher leur bachelier (6 ans en cas de réorientation). Cette perspective fait toutefois hurler la Fédération des étudiants francophones (FEF). "On sait que l'échec (et donc l'allongement des études, ndlr) touche principalement les étudiants issus de milieux plus défavorisés. Cette réforme aura donc pour effet de les exclure de l'enseignement supérieur, ce que nous ne pouvons accepter", fait valoir son président, Lucas van Molle. Avec la crise sanitaire (qui a privé pas mal de jeunes de leur job étudiant), la question de la précarité étudiante a pris un nouveau relief l'an dernier. Sous la pression de la FEF, la ministre Glatigny a apporté une série d'adaptations au régime d'allocations d'études qui s'appliqueront dès cette rentrée. Mais, comme annoncé déjà dans l'accord de majorité, une réforme plus en profondeur du système de bourses se profile, avec l'ambition d'élargir les conditions d'accès, mais aussi les montants alloués.
"La réflexion sera lancée en 2022", promet-on au cabinet Glatigny. Un autre vieux dossier -particulièrement sensible- devrait aussi revenir sur le devant de la scène politique dans les semaines à venir. C'est celui du contingentement médical. Quelque 1.100 étudiants viennent de réussir cette année l'examen d'entrée aux études de médecine en FWB, alors que le Fédéral ne leur réserve que? 505 numéros Inami en 2027 lorsque la plupart seront diplômés. Cette situation perdure depuis des années, ce qui agace particulièrement du côté flamand. Dans la presse la semaine dernière, le ministre fédéral de la Santé Frank Vandenbroucke indiquait d'ailleurs vouloir parvenir à un accord à l'amiable à ce sujet avec la FWB pour la Noël au plus tard. Sans quoi il reprendra la main en imposant un "système de responsabilité et de maîtrise purement fédéral (?) qui va limiter le nombre de gens qui pourront accéder à leur spécialisation après leur formation de base", a-t-il annoncé. D'un point de vue plus local, l'année académique qui s'ouvre sera aussi marquée par deux élections rectorales au printemps prochain. A l'UMons d'abord, où le recteur actuel Philippe Dubois devrait se représenter. Et à l'ULiège ensuite.
En 2018, l'élection de Pierre Wolper à la tête de l'université mosane était intervenue à l'issue d'un feuilleton de près de six mois. Il avait en effet fallu pas moins de quatre tours (!) de scrutin pour que celui-ci s'impose, et encore d'une très courte tête face à Eric Pirard. Enfin, l'Académie de recherche et d'enseignement supérieur (ARES), cet organe qui fédère tous les établissements supérieurs de Wallonie et de Bruxelles et assure une coordination globale entre eux, est toujours sans président depuis le départ de Jean-Pierre Hansen il y aura bientôt un an. Le MR a tenté maladroitement l'an dernier d'y imposer l'un des siens: l'ancien ministre et recteur de l'ULB Hervé Hasquin. Mais sa candidature avait été sèchement rejetée en décembre par une majorité au sein du conseil d'administration de l'ARES. Pour garantir une certaine continuité, c'est alors la présidente de la chambre des universités de l'ARES, à savoir Annemie Schaus, l'actuelle rectrice de l'ULB, qui a repris la présidence de l'institution, mais à titre intérimaire seulement, en attendant la désignation d'un nouveau président. Mais celui-ci se fait toujours attendre. Et aucune solution n'est en vue. Problème: Annemie Schaus va bientôt prendre la présidence tournante du conseil des recteurs francophones (CREF). Elle doit donc quitter la présidence ad intérim de l'ARES. Elle pourrait y être remplacée par Vincent Blondel, l'actuel recteur de l'UCLouvain, la plus grosse université de la FWB. Mais les Hautes écoles (ou les écoles supérieures des arts) pourraient fort bien réclamer la fonction dans un souci d'équilibre et/ou d'alternance. Depuis le tir de barrage essuyé par Hervé Hasquin en décembre dernier, Valérie Glatigny assure régulièrement toujours chercher l'oiseau rare pour présider aux destinées de l'ARES, mais sans résultat à ce stade. "La réflexion continue et les contacts se poursuivent", se borne-t-on à dire à son cabinet
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