Si la reconstruction sera lente après les inondations de ce mois-ci, elle doit aussi être repensée. Impossible d'imaginer de construire à l'identique. La donne a changé. On doit aujourd'hui compter avec le réchauffement climatique.
A Pepinster, la rivière a emporté plusieurs maisons ce mois-ci après les inondations. Elles avaient un point en commun: leur fondation était dans l'eau, même quand la Vesdre présentait un débit normal. Jacques Teller, professeur d'urbanisme à l'Université de Liège explique que "ça n'aura pas de sens de reconstruire à l'identique dans la mesure où ces vallées ont été massivement construites au cours de la deuxième moitié du 19ème et surtout la première moitié du 20ème siècle, une époque où le rapport à l'eau était complétement différent."
Ce sont à nouveau les plus vulnérables et les plus précarisés qui paieront
Aujourd'hui, avec le réchauffement climatique, la donne n'est plus du tout la même. François Gemenne, directeur de l'observatoire Hugo (ULiège) – membre du GIEC: "Si on reconstruit les choses à l'identique, nous sommes condamnés à vivre et revivre ce phénomène. Ce sont à nouveau les plus vulnérables et les plus précarisés qui paieront le plus lourd tribut."
Plus d'espace le long des cours d'eau
Pour Jacques Teller, spécialiste de l'impact de l'urbanisme sur les inondations, il faut rendre les rivière leur configuration d'autrefois. Un processus déjà bien avancé en Flandre ou aux Pays-Bas, où le faible relief multiplie les risques. "Laisser davantage de place pour les cours d'eau, pour prendre davantage de place à certain moment lors des crues. Et lorsque les cours d'eau ne sont pas en situation de crue, soit la majorité du temp fort heureusement, ils peuvent être utilisés pour des espaces verts, des espaces publics, récréatifs qui ont une valeur ajoutée pour l'ensemble des habitants."
Des espaces de plus en plus bétonnés
Ne pas reconstruire les maisons effondrées, c'est une chose. Mais que faut-il faire des maisons, et il y en a des centaines dans les vallées, qui ont été construites sur les berges? Il faudra peut-être regarder en face un mot qui fait peur: expropriation.
"On ne peut pas l'écarter maintenant", poursuit Jacques Teller. "Trop souvent, cela a été une option qui a été totalement écartée en matière d'aménagement du territoire en région wallonne."
Les inondations dans les vallées se gèrent aussi sur l'ensemble du territoire. De plus en plus bétonnées et de moins en moins naturelles, les terres absorbent de moins en moins d'eau. La Région Wallonne s'est fixée 2050 à tout nouvelle artificialisation du sol peut-être faudra-t-il aller plus vite pour faire face à la situation actuelle dans les vallées de l'Ourthe et de la Vesdre. Un chiffre de deux milliards d'euros a été avancé.
Une vision à long terme
François Gemenne apporte son point de vue: "C'est un chiffre qui est faible. C'est un début. Soyons clairs, ce ne sont pas des plans d'adaptation qu'on va pouvoir mettre en œuvre en l'espace de quelques semaines ou de quelques mois. Plus important que de consacrer une enveloppe budgétaire immédiate, c'est de pouvoir mobiliser des lignes budgétaires dans le futur qui permettent de travailler sur ces adaptations qui doivent être vues comme une trajectoire plutôt que comme un état."
Redessiner les lieux de vie, concevoir de nouvelles façons d'habiter face aux risques naturels. Le défi est énorme. L'expérience a montré que la participation active des populations concernées dans les prises décisions est incontournable.
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