L'éducation des enfants aux problématiques de l'environnement ne figure pas dans les programmes d'enseignement primaire. Mais qu'à cela ne tienne, de nombreux enseignants et écoles sensibilisent les enfants de leur propre initiative comme notre journaliste a pu le constater dans trois établissements.
Dans une lettre envoyée à 500 écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles lors de la rentrée, le mouvement Youth For Climate (YFC) a appelé les enseignants à informer et sensibiliser les élèves sur le climat. "Étant convaincu que l’éducation est un puissant levier de connaissances, YFC demande aux enseignants d’organiser un semestre d’informations et d’actions autour de l’urgence climatique entre septembre et décembre 2019", écrivaient dans un communiqué Adélaïde Charlier et Anuna De Wever, les deux porte-paroles belges du mouvement. Elles épinglaient deux dates essentielles sur la question du réchauffement climatique : le sommet des Nations Unies de la semaine passée et la COP 25 en décembre.
La situation aujourd'hui dans les écoles
L'écologie n'est actuellement pas enseignée comme une matière à part entière dans nos écoles. Cette thématique est toutefois abordée dans certains cours.
"L’écologie est reprise de manière transversale dans les différents cours de philosophie et de citoyenneté, de géographie et de sciences humaines. Il s’agit de l’éducation à l’environnement et au développement durable", assure Marion Beeckmans, conseillère à la cellule école et société du Ministère de l'Éducation. Elle donne quelques exemples concrets : "Le tri des déchets peut être développé dans un projet d'école. Certaines écoles développent des potagers scolaires, ce qui va permettre d’aborder avec les enfants les légumes et fruits de saisons par exemple. On peut aussi apprendre l’alphabet ou les nombres avec des éléments naturels. Les enseignants peuvent utiliser des textes dédiés à la protection des animaux ou de la flore pour apprendre l’orthographe, la grammaire en français."
Dans le Pacte pour un enseignement d'Excellence (2017), l'écologie n'est présente qu'en filigrane. Aucun article spécifique ne traite du sujet. Mais "une place particulière sera donnée à l’éducation à l’environnement et au développement durable", assure Marion Beeckmans.
Vérification dans 3 écoles primaires
Nous avons sondé la pénétration du thème de l'écologie dans l'enseignement de trois écoles.
À l'école communale de la Maillebotte à Nivelles, la directrice Agnès Vermeyen considère que l'écologie est déjà bien abordée en primaire. "En quelque sorte, cela figure déjà bien au programme de sciences car la matière à aborder dans ce cours en primaire concerne les êtres vivants, l'énergie, la matière, l'air, l'eau et le sol mais aussi l'homme et l'environnement, et l'histoire de la vie et des sciences. Le choix est ensuite laissé aux enseignants quant à la façon de les aborder, l'accent étant surtout mis sur le développement de compétences, explique-t-elle.
Bien qu'elle n'y soit pas spécialement invitée par le programme officiel, Maud Cocriamont aborde l'écologie dans ses cours de philosophie et citoyenneté. "Actuellement, l'écologie ne figure ni dans les socles de compétences, ni dans les savoirs incontournables, souligne-t-elle. Peut-être figurera-t-elle dans un programme par thème qui, selon les rumeurs circulant entre profs, serait en cours d'élaboration. Mais pour l'instant, il y a moyen de donner cours de philosophie et de citoyenneté sans même aborder le thème de l'écologie."
Madame Maud fait partie d'un petit groupe de professeurs de philosophie et citoyenneté qui élabore ensemble leur programme de cours. Et elle donne "une place de choix" aux questions écologiques dans son programme, tout comme d'autres thèmes qu'elle et ses collègues estiment "essentiels au développement de l'enfant."
Les loulous sont très sensibles à cette thématique, ils s'inquiètent beaucoup de l'avenir et manifestent une grande volonté de prendre soin de la planète
Cas concret : la COP 24 au cours de philosophie et citoyenneté
Voici de quelle manière Maud Cocriamont a, l'an dernier, abordé l'écologie avec des élèves de 5e et 6e primaire de l'école communale de la Maillebotte :
"Pour une discussion à visée philosophie/débat, j'ai proposé la COP24 et le réchauffement climatique. Les élèves ont dû élaborer des questions philosophiques et discuter : argumenter, étayer leurs arguments en faisant appel à des références scientifiques, illustrer par des exemples, etc. Le thème est au service à la fois des compétences et des savoirs à construire. Et par souci de neutralité, les enfants n'apprendront jamais que 'se soucier de l'écologie, c'est bien'. C'est eux qui mènent leurs propres réflexions et tirent leurs conclusions. Et je peux vous dire que les loulous sont très sensibles à cette thématique, ils s'inquiètent beaucoup de l'avenir et manifestent une grande volonté de prendre soin de la planète".
"Ne pas trop angoisser les enfants"
L'an dernier dans cet établissement scolaire, elle a également abordé d'autres questions de cette thématique : "Qu'est-ce que l'écologie, la consommation, le suremballage, la gestion des déchets, les énergies renouvelables, le réchauffement climatique, la gestion du matériel scolaire, la responsabilité vis-à-vis des animaux sauvages... Ces thèmes sont souvent 'rappelés' aux enfants", explique-t-elle.
Cette année, une réflexion sur le "greenwashing" sera menée, et elle compte s'appuyer sur le livre Terre, de Giancarlo Macri et Carolina Zanotti, "pour aborder en douceur le thème difficile et anxiogène de l'extinction des espèces, car un des soucis principaux avec ce thème est de ne pas trop angoisser les enfants."
Un poulailler, un potager et un vermicomposteur
À l'école communale d'Emines en région namuroise, une attention tout particulière est apportée au tri des déchets.
Différents projets ont été menés l'an dernier, selon l'âge des enfants, et cela a servi de base pour l'apprentissage de nombreuses notions d'écologie. "En maternelle, on a travaillé avec le poulailler qui a été construit l'an passé. Cela a permis de leur apprendre un tas de choses : de l'œuf au poussin, etc. On poursuit ce projet avec une extension aux primaires. Les enfants amènent leurs restes de tartines aux poules, cela rentre dans notre projet de tri des déchets", explique Christelle Goffaux, directrice faisant fonction de l'école communale d'Emines.
Un potager et un vermicomposteur (compost avec un apport de vers) ont également été créés dans cette petite école de village où la commune et les habitants contribuent à l'élaboration des projets. "Un fermier composteur venu à l'école pour former les 5e et 6e primaire. Il a amené des tonneaux avec des vers et a expliqué comment récupérer les déchets pour en faire du compost pour le potager, ajoute la directrice. Le potager, c'est une habitante de la commune qui va dans les écoles : 'madame potager', comme on l'appelle. Avec les 1e et 2e primaire, elle a cultivé le potager et ils ont cuisiné des soupes notamment. Elle a donné des cours et un ouvrier communal est venu nous prêter main forte."
Les élèves de 5 et 6e ont également eu la visite d'Adélaïde Charlier, du mouvement Youth for climate, et ancienne élève de cette école. Elle est venue leu parler des enjeux environnementaux, tout comme elle propose de le faire tout au long de cette année scolaire dans les écoles belges.
Tri et questionnement à Trazegnies
Dernier exemple d'école que nous avons contactées afin de savoir si l'écologie y était enseignée : l'école fondamentale libre de Trazegnies.
L'an dernier, avec tous les papiers ramassés dans la cour, une institutrice de 3e primaire et ses élèves ont réalisé un grand dessin représentatif du trajet des déchets vers l'océan et vers l'estomac de la baleine dans le cadre du cours de géographie", explique la directrice, Véronique Aerts.
Pour elle, l'écologie "fait partie intégrante de l'école : ça se retrouve dans les comportements, la cour de récré, les trajets… Pourquoi aller visiter le château de La Hulpe en excursion alors qu'on en a un à Trazegnies? On se questionne beaucoup avec les enfants, au cours de citoyenneté principalement. Des enseignants ont lancé des projets sur les comportements à adopter à petite échelle pour sauvegarder la planète, on fait le tri des déchets, c'est d'ailleurs dans le règlement de l'école."
Et puis, l'an dernier, cette école de Trazegnies a participé au projet "Ose le vert, recrée ta cour", qui propose d'aider les écoles à ramener nature et biodiversité dans les cours de récré. 130 écoles fondamentales pourront bénéficier de cette campagne durant l'année scolaire 2019-2020.
Transmission des enfants à leurs parents ?
Les enseignants doivent parfois faire face à une difficulté : les réticences de certains parents.
"Si on peut déjà sensibiliser les enfants à l'école, c'est déjà très bien, mais les parents s'en fichent parfois, constate Véronique Aerts. On fait notre possible mais il faut aussi agir en dehors de l'école. Quand vous avez un enfant de 8 ans qui vous dit : 'De toute façon, à la maison, on jette tout dans la même poubelle'… On va amener cet enfant à se poser des questions, à avoir l'esprit critique, mais on ne peut pas mettre à mal l'éducation des parents. Notre rôle est important parce qu'on doit leur donner un esprit critique par rapport à tout ça."
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