La mesure était inédite: à Herstal, la clinique André Renard avait décidé de fermer ses urgences jusqu’à lundi. Elle avait expliqué ce choix par la fatigue de son personnel et le manque de bras pour accueillir de nouveaux patients. Le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke a réagi sévèrement ce vendredi. L'hôpital a finalement décidé de faire marche-arrière. Les urgences rouvrent donc ce samedi.
Vous étiez nombreux, ce jeudi soir, à nous signaler avec beaucoup d'étonnement la fermeture du service des urgences d'un hôpital liégeois. "A l'hôpital André Renard de Herstal, les urgences se mettent au rouge par manque de personnel. C'est le début de la fin", s'insurgeait Domi, par exemple, via le bouton orange Alertez-nous.
Et c'est vrai: la direction médicale de la clinique avait pris la décision de fermer ses urgences jusqu'à lundi prochain, 13 décembre. Depuis lors, le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke, a mis en garde l'hôpital. "L'inspecteur d'hygiène du SPF Santé publique pourra établir un PV pour infraction à la loi", avait déclaré son cabinet.
L'hôpital rouvre les urgences
Face à la réaction du cabinet de la Santé, l'hôpital a décidé de faire marche-arrière. "La décision prise ce soir est une décision de rouvrir les urgences suite à l'injonction que nous avons eu de l'inspecteur d'hygiène provincial, qui relaie évidemment la position du ministre. Il nous impose de rouvrir les urgences demain (ndlr: samedi). Il nous menace de sanctions et d'emprisonnement à mon égard, à l'égard de la direction générale de l'hôpital, de la direction du nursing et du chef infirmier des urgences", nous a confié Thierry Lemineur, directeur médical, interrogé par Vincent Chevalier. "Ils sont passés, je dirais, des paroles à l'acte".
C'était un appel à l'aide et on nous répond par des menaces
Le directeur médical est-il étonné d'avoir été menacé, comme il l'affirme, d'emprisonnement? "Non. Non, comme je vous l'ai dit, quelque part on s'y attendait". Il déplore cependant un manque de compréhension. "C'était un appel à l'aide et on nous répond par des menaces". Thierry Lemineur souligne cependant que la fermeture durant un peu plus de 24H des urgences a permis de libérer des lits "et les patients qui se présenteront demain, nous pourrons les hospitaliser le cas échéant".
Les urgences seront rouvertes complètement dès ce samedi.
Un personnel épuisé
Le manque de personnel et la fatigue constituent les principaux motifs invoqués pour la fermeture des urgences. "Depuis plus de 2 ans, l'ensemble du personnel hospitalier réalise la plus grosse part de l'effort que la lutte contre la Covid-19 exige", a expliqué la clinique. "On a épuisé toutes les ressources qui nous permettent d'assumer nos missions d'hôpital général, on arrive au bout de ce qui est humainement possible de supporter".
"Le personnel nous dit être fatigué. La plupart du temps, il y a des maladies forcément, il y a des interventions. Depuis un certain temps, on nous demande de les rappeler que si vraiment nous n’avons pas d’autres solutions. Et, depuis un certain temps, on n’y parvient plus. On doit les rappeler", a regretté Monique Megido, directrice département infirmier.
La fermeture d’un service d’urgences était une première. Une permanence devait toutefois être assurée afin de traiter les situations extrêmes.
Un taux d'absentéisme en hausse constante
Sur les 800 employés au total de l’établissement, il manque 112 personnes, des médecins et des infirmières. Ce taux d’absentéisme est en constante augmentation, selon le directeur médical qui affirme qu’aujourd’hui la clinique n’est pas en mesure d’offrir des soins de qualité.
Une fermeture de 3 jours était prévue
Estimant que la situation devenait critique, la clinique avait ainsi pris la décision de "fermer les urgences ce jour à 14h00 jusqu'à ce lundi 13 décembre 8h00 afin de stopper l'afflux de nouveaux patients et de pouvoir offrir à ceux que nous avons pris en charge des soins de qualité". Dans ce même créneau horaire, l'activité chirurgicale devait également être réduite pour se limiter exclusivement aux interventions essentielles.
Ces mesures ont donc finalement été abandonnées ce vendredi soir.
Une revalorisation de la profession indispensable
"Nous sommes parfaitement conscients que cela ne va rien résoudre durablement", a encore indiqué l'hôpital, qui a pointé des mesures vexatoires à l'égard du personnel soignant: "Sans une revalorisation de la profession, la situation va s'aggraver dans les prochains mois, des mesures structurelles sont indispensables au plus vite", a assuré la direction qui en appelle au gouvernement.
"Nous souhaitons une revalorisation de la profession infirmière, nous voulons une révision des encadrements, nous voulons un respect de la profession infirmière et une réflexion qui soit menée par le politique concernant tous ces axes", énumère Thierry Lemineur, directeur médical.
Des PV dressés pour infraction
Le cabinet du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke, qui a dit déplorer cette situation a toutefois réagi fermement. "Chaque fois que l'hôpital va refuser de prendre en charge un patient transmis par le 112, l'inspecteur d'hygiène du SPF Santé publique pourra établir un PV pour infraction à la loi de 1964 sur l'aide médicale urgente et l'envoyer au parquet ainsi qu'à la clinique André Renard", a-t-il fait savoir.
Encore une fois, il répond aux difficultés par des sanctions
Le SETca a déploré la réaction du ministre Franck Vandenbrouck à la fermeture des urgences de la clinique André Renard, située à Herstal, a annoncé vendredi le syndicat. "Encore une fois, il répond aux difficultés par des sanctions, comme pour la vaccination obligatoire des soignants, plutôt que d'essayer de se tracasser et d'avoir un contact pour savoir ce qui craque", a dénoncé le Secrétaire Permanente SETCa Liège.
La clinique a reçu vendredi un PV lui demandant de rouvrir ses urgences, confirmant ainsi les craintes du SETCa suite à la réaction jeudi soir du ministre de la Santé Franck Vandenbrouck au sujet de la fermeture du service de l'établissement.
Du côté du SETCa, la réaction du ministre passe très mal: "J'ai l'impression qu'il ne se rend pas bien compte de ce que l'on vit et qu'il est déconnecté du terrain, le manque de bras est bien réel", a expliqué Sandra Delhaye. La situation que traverse la clinique est certes similaire à celle vécue dans d'autres structures "mais avec 14% d'absentéisme, on a bon essayé de remplacer le personnel, ce sont toujours les mêmes que l'on appelle puis ceux-là s'épuisent et tombent malades à leur tour", embraye la représentante syndicale, "le manque d'effectifs crée un véritable cercle vicieux : la crise Covid épuise depuis deux ans encore plus les travailleuses et travailleurs qui étaient déjà dans un système au bord du gouffre".
Cette année, la clinique avait déjà été contrainte de fermer ses urgences lors d'un piratage informatique.
En début de semaine, lors de la manifestation des soignants, nous étions au CHU de Liège :
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