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La pandémie du coronavirus mal gérée? "Il y a un tiers des chiffres de la surmortalité qui est dû au confinement", estime cette cheffe de clinique

 
CORONAVIRUS
 

Invitée du RTLINFO 13H, Mélanie Deschamps, cheffe de clinique adjointe aux soins intensifs cardio-vasculaires
aux Cliniques universitaires Saint-Luc, évoque une carte blanche soumise par une soixantaine de personnalités scientifiques et économiques sur la gestion de la crise du coronavirus et le confinement.

Olivier Schoonejans: Dans cette carte blanche que vous adressez ce matin. Vous dites: "Il faut éviter les erreurs du passé quand on parle de l'avenir". De quelles erreurs commises parlez-vous? Quelles sont selon vous les erreurs principales qui ont été commises?

Mélanie Deschamps: Pour commencer, ce que nous demandons, c'est la mise sur pied de groupes de travail élargie et multidisciplinaire. Ce que je voulais éviter de faire c'est d'avoir la prétention de vous dire exactement
quelles sont les erreurs qui ont été commises parce que justement ce qu'on ne veut plus c'est que les choses reposent sur l'avis personnel de quelques experts isolés. A notre sens, il y a des erreurs qui ont été commises parce qu'il y a beaucoup de décisions qui ont été prises, qui n'avaient pas de fondement scientifique d'une part et
surtout qui ont eu des effets collatéraux vraiment énormes sur tous les autres secteurs de la société. Il y a beaucoup d'experts et de non experts qu'on a vus jusqu'ici, qui ont donné leur avis. Beaucoup d'entre nous pensent que finalement, ces dégâts collatéraux ont dépassé les bénéfices attendus du confinement.

Olivier Schoonejans: Parlons-en des dégâts collatéraux que vous évoquez justement, vous mentionnez notamment l'augmentation de la mortalité liée à d'autres pathologies, une augmentation que vous chiffrez à 30%, ça veut dire qu'il y a eu des personnes décédées d'autre chose qui n'ont pas pu être décelées ou soignées à temps à cause du confinement, à cause de la crise du coronavirus?

Mélanie Deschamps: Absolument et donc c'est sûr que l'article qu'on cite, ce ne sont pas des chiffres belges. Ces chiffres ne sont pas connus actuellement. Ce qu'on a vu pendant toute la période du confinement, c'est que les hôpitaux se sont vidés de toutes les autres pathologies sévères qu'on voit habituellement, c'est-à-dire qu'on a vu beaucoup moins de patients arriver pour des infarctus du myocarde, des embolies pulmonaires, des chocs septiques donc des infections sévères. Et donc bien entendu, ces malades-là, ils n'ont pas disparu. C'est simplement qu'ils ne sont jamais arrivés à l'hôpital. Et donc dans cette étude, en tout cas sur laquelle on se base
et bien ça correspond tout à fait à ce qu'on a observé. C'est qu'il y a probablement un tiers de la mortalité ou de la surmortalité qui n'était pas due au coronavirus mais qui était due au confinement lui-même. Quand on regarde les chiffres qu'on nous donne. Effectivement, on nous dit qu'on a été honnête, en comptant les suspects Covid dans les Covid et on nous dit que ça correspond davantage à la surmortalité. Mais ces suspects Covid, c'est pas du tout honnête de dire qu'ils étaient Covid, puisque tous ces patients ce sont des gens qui n'ont pas été testés. C'était énormément de personnes dans les maisons de repos et pour lesquels les généralistes avaient reçu comme consignes de dire que si les gens sont essoufflés ou avec des symptômes évocateurs, il faut mettre "suspects Covid" sur le certificat de décès. Bon nombre de pathologies sévères finissent avec un essoufflement donc ce sont des gens pour lesquels on a tout simplement pas eu de diagnostic.

Olivier Schoonejans: C'est le bilan et le constat que vous dressez. Il va quand même bien falloir apprendre à vivre avec le coronavirus. Comment est-ce qu'on va faire justement pour limiter la propagation de l'épidémie, pour vivre avec pendant les prochains mois? Quelle piste est-ce que vous, vous avancez qui ne sont pas celles qui ont été abordées ces derniers mois?

Mélanie Deschamps: Déjà je pense que la chose la plus importante, c'est de remettre le Covid 19 en perspective de tous les autres problèmes de santé publique. On a un petit peu l'impression que depuis quelques mois, on est passé d'une société, ou en tout cas peut-être dans les médias et dans l'opinion publique, dans laquelle il n'y avait pas de maladie et personne ne mourait de choses graves et personne ne mourait jeune. Y avait rien de triste et tout d'un coup, il y a le coronavirus et c'est très dangereux et il faut s'en prémunir. Des jeunes qui meurent pour des choses alors qu'ils n'ont jamais été malades de maladies infectieuses, de cancers, de maladies cardio-vasculaires, il y en a tout le temps. Donc on ne peut pas tout mettre en oeuvre pour éviter le coronavirus alors qu'il y a plein d'autres problèmes de santé publique, duquel il faut aussi s'occuper. La chose la plus importante, c'est de dire: "Effectivement il y a un nouveau virus qui circule. Ce nouveau virus, il fait des victimes. On a une pandémie. Tout le monde a été malade en même temps et on a évité de saturer les hôpitaux. Cela paraissait à ce moment-là tout à fait logique de prendre des mesures strictes, mais maintenant on n'en est plus là. On a un virus qui circule et il va falloir apprendre à vivre avec.


 

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