Journaliste et militante, notamment connue pour son podcast La Poudre, Lauren Bastide s’est inspirée de ses rencontres et conférences pour l’écriture de son livre Présentes (Allary Editions), un manifeste féministe très documenté. Invitée du RTL Info Avec Vous, elle répondait aux questions de notre journaliste Alix Battard.
Pourquoi dès que l’on prononce le mot féministe, cela fait peur à autant de personnes ?
Ça fait encore un peu grincer des dents parce qu’on comprend mal ce mot je pense. On croit encore trop souvent que le féminisme, c’est la guerre des femmes contre les hommes alors qu’en fait, non, c’est la lutte contre le sexisme, qui est très bien partagée d’ailleurs entre les hommes et les femmes.
Vous n’essayez pas non plus de faire moins peur, puisque votre solution, qui arrive très loin dans le livre, c’est "la révolution". "On a plus le choix", écrivez-vous. La méthode douce, ça ne suffit plus selon vous ?
Ça dépend ce qu’on entend par révolution. Parce que moi je prône la non-violence, l’empathie et la bienveillance et je crois que si on commençait par promouvoir cette empathie, cette bienveillance, cette écoute, ce soin de l’autre dans la société comme des valeurs supérieurs à la compétition, la rivalité, la force et l’autorité, ce serait déjà une révolution.
Mais vous n’avez pas peur de faire peur ? Vous n’avez pas peur de dire que vous êtes féministe radicale ?
En tout cas j’ai envie de porter un discours radical parce que c’est difficile quand on est tiède en fait. Quand on est tiède dans le féminisme, on n’avance pas, on oublie des femmes en chemin, on oublie des situations. Le système sexiste, patriarcal, est tellement profondément ancré dans les mœurs, dans l’histoire qu’il en est presque invisible. Donc, il faut faire des propositions fortes, crier fort pour pouvoir être entendu dans ce système-là.
Pourtant votre rêve au départ ce n’était pas forcément de militer. Vous rêviez de travailler dans un magazine féminin, vous y êtes parvenue. Vous avez travaillé pendant 10 ans à la rédaction d’Elle France. Est-ce à force de véhiculer beaucoup de clichés sur les femmes que vous avez voulu devenir féministe ?
C’est un peu ça. En tout cas, il y a eu une prise de conscience au fil de ma carrière de certains manquements. Moi je pense que je me revendiquais comme féministe à l’époque. J’avais le sentiment de bien faire mon travail, de mettre en avant des femmes, de parler d’histoire de femmes, de valoriser les femmes dans mon travail. Mais quelles femmes ? Toujours les mêmes, blanches, minces, hétérosexuelles, avec un certain pouvoir d’achat dans un mode où on parle principalement de mode, de beauté, de cuisine, de déco. Quels genres de stéréotypes on envoie ? Quel genre de message on envoie aux femmes en mettant toujours en avant ces femmes-là ? Peu à peu, j’ai réalisé que pour vraiment bien jouer mon rôle de journaliste, il fallait que je donne aussi la parole aux autres femmes.
Depuis Elle, vous avez lu 6 tonnes de livres sur le féminisme, et dans ces livres vous citez des milliers de chiffres. En vrac, il y a par exemple 80% des femmes qui ont déjà subi du harcèlement en rue, le temps de parole dans les médias c’est 23%. Les femmes ne représentent que 19% des experts interrogés dans les médias, 73% des Françaises effectuent toujours plus de tâches ménagères que leur conjoint. Seuls 4% des noms de rue sont des femmes… Pourquoi tous ces chiffres ? Parce que vous avez peur qu’on vous dise que vous exagérez ?
Exactement. Ces chiffres sont importants parce que sinon on nous dit ‘mais non, c’est pas vrai qu’il y a pas de femmes dans les médias, regarde, il y a Alix qui présente le 13h sur RTL’. Oui, d’accord. Mais c’est un exemple. En réalité, quand on détient les chiffres, il y en a, mais il y en a "que" 24% (...)
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