Il s'appelait Fernand Bachelard. Il a découvert le monde et fait des rencontres incroyables grâce à sa taille hors normes. Le destin extraordinaire d'un géant au grand coeur.
"Le Géant Atlas de Gerpinnes, 2,35 m, chaussait du 62", nous écrit Joseph via le bouton orange Alertez-nous. Interpellés par cette histoire, nous avons fait des recherches sur ce personnage hors du commun. Nous avons rapidement découvert qu'il est une véritable légende dans la province du Hainaut.
Durant sa période de gloire, le Belge avait même une renommée mondiale... "Il est certainement le personnage le plus populaire de Bon-Secours", peut-on lire sur le site du village belge situé à la frontière française.
Qui se cache derrière le Géant Atlas?
Le Géant Atlas, de son vrai nom Fernand Bachelard, voit le jour en 1922 à Templeuve, section de la ville belge de Tournai dans le Hainaut. Étonnamment, durant plusieurs années, le fils de fermiers est le plus petit de taille de sa fratrie.
Dans son village, l'homme est même surnommé "Petit Fernand". Ce sobriquet lui est donné lors de sa première communion. "A l'âge de 11 ans, il y avait 11 garçons (NDLR: qui préparaient leur première communion) et c'était moi le plus petit. Le curé m'a appelé le petit Fernand et ce surnom est resté", confie le Géant Atlas à un journaliste en 1963.
Mais tout s'inverse dès l'adolescence. Le "Petit Fernand" devient grand... très grand. À 18 ans, il dépasse 1,90 m. Huit ans plus tard, le Wallon atteint 2,35 m.
"Ma taille devenait vraiment un problème, car ma mère dépensait une fortune pour moi. Il faut comprendre que tous les 6 mois, il me fallait un nouveau costume et des nouvelles chaussures. A partir de 2 mètres, ça commençait à jouer sur mon moral. Quand je sortais dans la rue, en ville, tout le monde se retournait pour me regarder", détaille-t-il lors de cet entretien. Sa croissance s'arrête enfin à l'âge de 26 ans.
© William Brulard
Il devient catcheur
Durant la Seconde Guerre mondiale, l'homme rejoint l'armée française, mais à cause d'une blessure de guerre, il est rapatrié en Belgique.
Après la Seconde Guerre mondiale, Fernand débute une carrière de catcheur. Il choisit Atlas comme pseudonyme. L'habitant de Gerpinnes, dont les mensurations sont extraordinaires, n'essuie aucune défaite lors de ses combats qui ont lieu à Liège, Tournai, Bruxelles et à la Côte belge. Mais, rapidement, sa taille et ses 200 kg l'empêchent de poursuivre sa carrière sportive. La Fédération belge de catch "se montre hostile au renouvellement de sa carte d'affiliation", précise le village de Bon-Secours.
William Brulard, habitant de la région, a bien connu Fernand. "C'était un ami de mon père", nous confie-t-il. Lors d'une interview accordée à Notélé en 2018, ce dernier raconte que lorsque le sportif tombait, il avait beaucoup de mal à se relever à cause de sa taille. Le changement de carrière a donc été une évidence.
© William Brulard
Une période sombre
Un autre témoin raconte à Notélé en 1994 que Fernand est passé par une période sombre au cours de laquelle il aurait été exploité. "On a pu le voir malheureusement à la Foire du Midi. Il était exhibé. On voyait sa main géante dépasser d’un rideau de velours rouge. On pouvait voir Fernand dans toute son entièreté pour une certaine somme. C’était atroce pour lui, car il avait beaucoup de pudeur et beaucoup d’orgueil", dit-il.
"Il avait confié sa tristesse quand on venait le voir comme une bête de cirque, quand il passait sa main derrière le rideau", nous confirme William Brulard, proche du géant.
© William Brulard
"J'ai rencontré Charles de Gaulle"
Les 2,35 m de Fernand lui ferment des portes, mais lui en ouvrent d'autres. L'homme, qui attire tous les regards, est engagé pour apparaître dans des spectacles à Cannes et Monaco, mais aussi dans des publicités et émissions télévisées à Paris.
Fernand est aussi invité aux quatre coins du monde. "Grâce à ma grandeur, j'ai voyagé et j'ai gagné ma vie. J'ai parcouru 38 pays", explique le Belge plusieurs années plus tard, en se remémorant le chemin parcouru.
© Notélé
Dans les années 60, lassé par ce train de vie infernal, il décide de poser ses valises. Il arrête presque tous ses voyages et galas pour aider sa mère qui a ouvert un café à Bon-Secours. "Il en a eu marre, car il s’est rendu compte qu’il était un peu devenu une bête de foire", relate William à Notélé.
Mais Fernand est déjà trop célèbre pour retrouver l'anonymat. Les clients belges et français se pressent dans le café pour pouvoir rencontrer la légende vivante. L'homme, connu pour sa gentillesse, est conscient que le public est là pour lui.
Alors, durant le week-end, le géant au grand coeur amuse de temps en temps la galerie avec le sourire. "C’était un personnage qui était aussi généreux que grand", se souvient William. "C’était vraiment un gars sympa, un grand nounours. Le dimanche, il y avait une grande foule. Il portait sa maman dans une main pour les clients", nous raconte-t-il.
© William Brulard - La foule devant le café de Fernand Bachelard
© William Brulard
© William Brulard
Au décès de sa mère six ans plus tard, Fernand reprend son établissement baptisé Au Géant Atlas. C'est plus ou moins à cette période que Joseph, alors âgé de 18 ans, le rencontre pour la première fois. Le moins que l'on puisse dire c'est que l'habitant d'Hanzinelle a été marqué par le personnage. "Il possédait une voiture américaine dont les sièges avant avaient été enlevés pour qu'il puisse se poser sur ceux à l'arrière, vu sa grandeur", décrit Joseph, aujourd'hui âgé de 75 ans.
© William Brulard
L'amour de sa vie
Côté vie privée, Fernand connaît le grand amour... A 49 ans, il épouse son amie d'enfance Renée Colin. De nombreux journalistes belges et français sont présents pour couvrir cet évènement de taille en 1972. Plus de 2000 personnes célèbrent ce grand jour à Roucourt. "Toute la ville était à son mariage", nous raconte William Brulard. Ce dernier, passionné par la photographie, avait 17 ans lorsqu'il a immortalisé cette union.
"J'aidais mon père qui travaillait pour le journal Le Peuple, j'étais photographe", détaille-t-il.
© William Brulard
© INA
Le couple s'installe alors à Gerpinnes et ouvre un second établissement qu'il baptise "Au feu de bois". Mais peu à peu, la santé de Fernand se dégrade. "Il avait de gros problèmes de circulation sanguine. Il a dû être amputé d'une jambe", explique William.
Le célèbre géant décède quatre ans plus tard des suites d’une intervention chirurgicale dans un hôpital de Charleroi, relate le site Histoire-Peruwelz.
Après sa mort en janvier 1976, un musée est créé en sa mémoire, mais est réduit en cendres suite à un incendie un an après son inauguration, raconte la page Wikipédia consacrée à Fernand. William, s'en souvient bien. Il a pris des photos de l'incendie du musée pour le journal belge "Le Peuple".
© William Brulard
Fernand a marqué les gens qui l'ont connu. Les hommages se sont multipliés dans sa région. A Templeuve, lieu de sa naissance, une rue a été baptisée Géant Atlas en sa mémoire et le village de Bon-Secours a créé "un géant à son image".
© William Brulard
"Je suis le Petit Fernand"
En 2006, 30 ans après sa mort, William Brulard a organisé une exposition en son honneur dans le café L'Atlas à Bon-Secours. "À travers photos et objets, nous tentons de rendre hommage à celui qui était apprécié de tous à Bon-Secours (...) Le géant était fort connu mais n'était pas vraiment heureux. Il avait conscience d'être devenu au fil du temps une bête de foire", a expliqué l'organisateur de l'exposition, à La Dernière Heure.
Témoin du passé, William souhaite que l'histoire du Géant Atlas se transmette. "En 2022, il aurait eu 100 ans et nous repartons pour une exposition en sa mémoire", nous annonce l'habitant de Bon-Secours.
"On m’appelle le géant Atlas, mais ce n’est pas mon nom, vous le pensez bien. Je suis le "petit" Fernand Bachelard, né à Templeuve, dans la province du Hainaut, le 11 juillet 1922", écrit Fernand dans "Qui êtes-vous Monsieur Atlas", une biographie réalisée avec la collaboration de Jean Nohain, Fernand Raynaud et Marc Fourneau.
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