Armand nous a envoyé des photos depuis la région de Charleroi, espérant avoir photographié une couleuvre. Contrairement à ce qu'il pense, il ne s'agit pas d'un serpent, mais bien d'un Orvet commun comme le repèrent les spécialistes au premier coup d'œil. "Le côté lisse et luisant, ça c'est typique des orvets", lance Eric Graitson, chargé de projet au département études de Natagora. "Une couleur assez uniforme, c'est vraiment typique, il n'y a rien qui ressemble à ça", ajoute-t-il.
Un lézard sans pattes qui cligne des yeux
Les Orvets n'appartiennent pas à la même famille que celle des serpents. Et pour cause: il s'agit de lézards, qui n'ont pas – ou plus, c'est une question d'évolution – de pattes. "Ils savent cligner des yeux, ce que font les lézards, alors que les serpents ne savent pas le faire". Il n'est pas facile de l'observer de très près, mais on notera également que la tête de l'orvet n'est pas distincte du reste du corps, comme c'est le cas pour un serpent.
Autres critères distinctifs: "Certains sont plutôt roux, d'autres plutôt bruns, d'autres plutôt beiges, mais on ne va pas avoir des couleurs et des motifs différents sur un orvet, alors que chez le serpent, il y a des petits motifs, il y a des dessins sur le dos qui sont assez caractéristiques. L'orvet a de petites écailles partout, alors que les serpents ont de grandes écailles sur la tête".
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Beaucoup de prédateurs
Armand a l'impression d'observer de plus en plus de reptiles dans sa région. Il y a plusieurs explications à ce sentiment: tout d'abord, ceux-ci se sont particulièrement "exposés" ces derniers temps, avant la vague de chaleur que nous connaissons cette semaine. "Début juillet, il a fait tellement nuageux que les orvets et les serpents se sont beaucoup plus montrés", commente Eric Graitson. En effet, les orvets, tout comme les serpents, sont habituellement très discrets, afin de se protéger de leurs nombreux prédateurs. Malheureusement pour eux, tous les mammifères opportunistes (qui mangent la nourriture disponible lorsqu'elle se présente) ou carnivores peuvent s'y intéresser: les mustélidés (fouine, belette, hermine, blaireau), le hérisson, le sanglier, ou encore le raton-laveur, ce "nouveau-venu" en Wallonie, connu pour consommer des reptiles.
Les oiseaux aussi peuvent en faire un festin: "Notamment les rapaces diurnes, et principalement la buse. Les corvidés [une famille d'oiseaux, ndlr], aussi: corneilles, corbeaux, et éventuellement même les geais peuvent manger des orvets. Et aussi tout ce qui est gallinacés: poules, faisans... Or les faisans, on en lâche par milliers chaque année en Wallonie, et ça consomme pas mal de reptiles".
"Cette année, les gens ont l'impression d'en voir plus"
Ces reptiles se "planquent" donc généralement. Mais lors de périodes un peu humides et très nuageuses, ils doivent bien sortir pour capter un peu de la chaleur émise par les rayons du soleil qui percent à travers les nuages. "C'est ce qu'on a observé ces dernières semaines – pas ces tous derniers jours – au mois de juin et début juillet, il y a eu pas mal de nébulosité, beaucoup de journées très nuageuses, et là les serpents et les orvets se montrent pas mal". Ou du moins, plus que ces deux dernières années, où les mois de juin ont été très chauds et secs. "Cette année, les gens ont l'impression d'en voir plus".
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Une espèce difficile à suivre
On n'observe pourtant pas d'augmentation des populations d'orvets, selon l'herpétologue, qui nous explique qu'il est difficile d'organiser un suivi sur une espèce aussi commune et discrète à la fois. "C'est une espèce qui reste manifestement assez importante. Mais il y a des régressions par endroits, notamment là où l'agriculture est très intensive, au nord du sillon Sambre-et-Meuse".
Localement, à Charleroi, il n'y a pas spécialement plus d'observations enregistrées. Mais il est possible que le jardin d'Armand, où les abords de celui-ci, soient devenus récemment plus accueillants pour l'espèce: "Par exemple des milieux qui étaient régulièrement tondus ou fauchés et qui se retrouvent enfrichés, ça peut permettre à l'orvet d'être favorisé très localement".
"Si on a un potager, c'est jackpot"
Les orvets peuvent parfois surprendre, car on peut en retrouver en très grand nombre, en soulevant une bâche ou des planches sous lesquelles ils seraient venus se loger pour trouver de la chaleur ou de l'humidité: "Parfois on est surpris, quand on soulève une plaque comme ça, d'en trouver des dizaines ensemble, et ce n'est pas rare. Il y a des gens qui s'en effraieront parfois. Mais si on a un potager, c'est jackpot, parce que ça se nourrit essentiellement de limaces".
Trois espèces de serpents en Belgique
Si l'orvet commun n'est pas un serpent, il faut toutefois rappeler que 3 espèces de serpents vivent à l'état sauvage en Belgique:
- La couleuvre à collier, qui est la moins rare: "Même s'il y a des régressions locales, c'est une espèce qui globalement ne se porte pas trop mal".
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- La coronelle lisse, plus rare: "C'est une espèce qui est en assez forte régression, surtout en Ardenne".
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- La vipère péliade, qui est au bord de l'extinction: "Il n'y en a presque plus. Elle subit une très forte régression, et ça s'est fortement accéléré ces dernières années". Elle est essentiellement localisée dans le sud de la province de Namur, près de la frontière française. "Il y a très peu de populations, et là, on a identifié qu'un des facteurs principaux de sa régression, c'est la surabondance de sangliers que connaît la Wallonie depuis quelques années. Les sangliers n'hésitent pas à détruire des vipères quand ils tombent dessus mais surtout ils détruisent les habitats et les milieux de vie. Dans les milieux ruraux, c'est vraiment très flagrant".
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