C'est un spectacle de plus en plus rare: les courses de lévriers, en perte de vitesse depuis l'interdiction des paris d'argent, survivent encore grâce à une poignée de passionnés, qui traversent parfois la France pour faire concourir leurs chiens.
Fin septembre, au sud-est de Tours (Indre-et-Loire), ils étaient par exemple une cinquantaine à braver le froid, au pied du château de Grillemont, pour l'un des derniers rendez-vous de l'année de poursuite à vue sur leurre, à deux semaines des championnats de France en Haute-Vienne.
Toute la journée, les courses s'enchaînent à un rythme effréné: chacun leur tour, les lévriers se lancent à plus de 60 km/h à la poursuite d'un leurre en plastique. Ils seront ensuite départagés par un juge, notamment sur leur capacité à ne pas perdre leur cible des yeux.
Pour leurs maîtres, les enjeux sont "très importants".
"Ces courses ont une importance au classement national et influent par exemple sur la valeur du chien et de sa descendance", explique Corinne Lantais, venue avec sa fille et leurs cinq chiens - des whippets, une des treize races de lévriers.
Pour elle, qui n'hésite jamais à parcourir plusieurs centaines de kilomètres, ces rendez-vous représentent un "des derniers lieux de convivialité où oublier ses galères entre passionnés", s'enthousiasme-t-elle encore.
- "Instinct naturel" -
Véronique Guyot, de son côté, est venue offrir à son lévrier hongrois Maiko un baroud d'honneur: après huit années à enfiler les kilomètres, et une récompense de champion de France plus tard, il est temps pour le duo de raccrocher.
"Ce sont huit années de courses, mais aussi huit années avec les copains le week-end qui se referment", regrette-t-elle avec une part de nostalgie, avant que son chien ne soit appelé pour rejoindre la ligne de départ. Pour elle, la compétition c'est "pour faire plaisir à son chien" et lui "faire retrouver son instinct naturel de chasseur".
L'âge d'or des courses de lévrier, dans les années 1960, semble bien loin, davantage encore depuis l'interdiction des paris sportifs sur les courses en 2019.
Le club des lévriers de sport de Touraine, à l'initiative de cette journée de courses, a failli disparaître à maintes reprises comme beaucoup d'autres avant lui, selon son président Alain Simon Vermot, 78 ans et la passion chevillée au corps.
D'après lui, le secteur a aussi souffert d'accusations de maltraitance animale, qu'il qualifie d'"injustes".
- "La fin de quelque chose" -
"Les chiens qu'on voit tous les week-end, ils viennent seulement se dépenser. Le lévrier est un grand flemmard, il ne court que s'il veut courir", justifie celui qui a fondé en 1987 ce club.
La Commission nationale d'utilisation des lévriers (CNUL), qui régule les courses, a également édité une plaquette des bonnes pratiques du bien-être animal, destinées aux propriétaires et visant à montrer patte blanche.
Mais la chute de popularité des courses de lévriers semble inexorable et l'épreuve reine de vitesse, qui se déroule quant à elle dans des cynodromes, peine également à attirer les foules.
Quelques centaines de chiens parviennent malgré tout à concourir, grâce à une poignée de bénévoles en France qui tentent de sauvegarder un "patrimoine".
Aurélie est l'une des cinquante membres du club de Touraine. Cachée derrière le comptoir de sa buvette, où frites et merguez sont au menu, elle a rejoint le club l'année dernière, mais peine à cacher son pessimisme.
"Cela est en train de se perdre: quand les anciens partent, on manque de jeunes pour prendre la suite", lâche-t-elle avec amertume.
Pour Alain Simon Vermot, c'est effectivement "la fin de quelque chose". "On est un peu fatigués", soupire-t-il.
"Ce sont beaucoup d'investissements au niveau du temps et on n'est pas rentables. Dans deux ans, moi j'arrête. Il n'y aura plus qu'à espérer que quelqu'un prenne ma suite".
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