Les soins intensifs vont bientôt atteindre leur point de saturation en Belgique. La part de non-vaccinés y est plus grande que les vaccinés, puisque ceux-ci développent une forme sévère de la maladie. Face à cette situation, certains soignants perdent courage et accusent le coup. D'autres refusent de soigner les non-vaccinés. Quelle est la limite à ne pas franchir?
De plus en plus de soignants sont réticents à soigner des non-vaccinés. Du coté flamand, un chirurgien a même publié une lettre ouverte, disant que les non-vaccinés devraient payer intégralement leurs soins sans aucun remboursement. Un philosophe flamand est allé encore plus loin en proposant que celui qui refuse la vaccination perde toute priorité en ce qui concerne les soins. De l'autre côté, des patients vaccinés voient leur opération annulée pour cause de manque de place. Des opérations qualifiées de "non-vitales" et qui sont pourtant terriblement importantes pour les patients.
Pour en parler, plusieurs intervenants étaient les invités de Christophe Deborsu sur le plateau de "C'est pas tous les jour dimanche" ce midi. Parmi eux, Marius Gilbert, chercheur en épidémiologie à l'ULB, et Manfredi Ventura, directeur du Grand Hôpital de Charleroi. Trois témoins étaient également présents: Inès, non-vaccinée, sa dentiste a refusé de la soigner, Marjorie, 46 ans, qui a vu son opération reportée 5 fois, et Sullivan, qui lui aussi a dû faire face au report de son opération à cause de l'engorgement des hôpitaux du pays face à la recrudescence de l'épidémie de coronavirus.
Faut-il prendre en charge les non-vaccinés?
Alors, faut-il ne pas soigner les non-vaccinés? Faut-il les faire payer, comme le préconise le chirurgien flamand? Ou les rendre non prioritaires comme le souhaite le philosophe?
Pour les experts présents sur le plateau, c'est un grand non aux trois questions : "On va dire aux fumeurs et aux gens qui boivent trop de payer leurs soins ? Et à celui qui a roulé trop vite sur l’autoroute qu’il n’a pas le droit aux soins intensifs ? C’est quoi la limite ?", interroge Marius Gilbert, vice-recteur et chercheur en épidémiologie à l'ULB. "Tout le monde a le droit de se faire soigner dans notre société", a-t-il ajouté.
Manfredi Ventura, directeur médical du Grand Hôpital de Charleroi est aussi de cet avis: "J’ai entendu d’autres personnes dire ça mais ce n’est pas adéquat ! Notre rôle, c’est de soigner tout le monde", a-t-il déclaré sur le plateau de l'émission.
Inès, non vaccinée, n'a pu se rendre chez son dentiste
Pourtant, Inès, non vaccinée pour "raison médicale" et "contre-indication" de son médecin, en a déjà fait les frais. Elle explique que sa dentiste a refusé de la soigner parce qu'elle n'était pas vaccinée : "Elle n’a même pas demandé mon CST ou un test négatif. Hors j’ai, et j'avais à ce moment-là, un CST valable puisque je fais partie de ceux qui ont guéri. A ce moment-là, j’ai un peu été piquée au vif. Pour moi, c’est une aberration", s'indigne-t-elle.
"Ce qui fait la richesse de notre société démocratique, c’est qu’il y a justement un socle de droits humains fondamentaux. Le droit d’être soignés et la lutte contre la discrimination en font partie. Alors c’est ça qui est un peu paradoxal puisque j’avais ce CST. La dentiste m'a même fait un peu la morale, j’ai eu la culpabilisation, c’était tout à fait le reflet d’un clivage et d’une polarisation croissante" envers la vaccination, estime Inès. "Pourtant, on n'est pas tous égaux face à ça", pointe-t-elle. Comme Inès, de nombreuses personnes ne peuvent pas recevoir le vaccin contre le coronavirus pour raison médicale. Il serait absurde qu'elles en payent les frais.
Les opérations des vaccinés reportées trop de fois
Du côté des vaccinés qui ont vu leur opération reportée plusieurs fois à cause de la situation dans les hôpitaux, on ne culpabilise pas les non-vaccinés non plus : "On met tout sur le dos du Covid mais il y a toute une problématique qui était déjà là avant au niveau des soins de santé dans les hôpitaux", a expliqué Marjorie, 46 ans, dont l'opération en urologie a été reportée 5 fois.
Pour elle, il ne faut pas chercher un fautif en particulier et remettre la faute sur un groupe de personnes (ndlr, vaccinés ou non-vaccinés): "Ce n’est pas là la question. Je suis vaccinée et j'ai eu de grosses réactions allergiques, ma fille a été embarquée en ambulance suite à un gros malaise. Ça aurait pu être moi en soins intensifs. Je ne suis pas dans ce débat-là", estime-t-elle.
Les experts encouragent à la vaccination
Le directeur du Grand Hôpital de Charleroi a tenu à encourager à la vaccination, rappelant que c'était le seul remède efficace pour l'instant, décrit-il: "Nos chiffres le montrent : la potion magique, c’est le vaccin pour l’instant. Il reste la solution pour limiter le nombre de malades en soins intensifs". Un fait confirmé par Marius Gilbert: "Le risque d’être hospitalisé en tant que non-vacciné est beaucoup plus élevé que si vous êtes vacciné. C'est ce qu'on constate dans les hôpitaux", a-t-il conclut.
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