Jonathan Holslag a été invité dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche sur RTL TVI. Le professeur de l'Université flamande de Bruxelles (VUB), également conseiller politique, est bien connu en Flandre. Auteur d'une dizaine de livres, il connaît particulièrement bien la Chine.
L'expert a récemment réalisé un rapport avec son équipe de la VUB pour l'Union européenne. L'étude pointe le danger d'une invasion chinoise de Taïwan, la possibilité que les nombreux navires commerciaux chinois soient utilisés à des fins militaires, mais aussi une trop forte dépendance de l'Europe. Des accusations que la Chine dément, comme vous pouvez le lire à la fin de cet article.
Christophe Deborsu: Pensez-vous que la république populaire de Chine, communiste, va envahir Taïwan. Je le répète pour nos spectateurs, c'est une île peuplée de non-communistes, depuis que la Chine continentale est devenue communiste en 1949. Une île à environ 180 kilomètres des côtes chinoises. Une attaque?
Jonathan Holslag: On dit toujours que l'Ukraine est l'entrée et Taïwan sera le plat principal. L'Ukraine n'est que l'entrée d'un enjeu plus important dans l'Asie de l'est. Je crois qu'il n'y a aucun doute que la Chine essaie de réunifier Taïwan. Elle a essayé pendant plusieurs décennies de le faire dans une manière plutôt économique. D'intégrer Taïwan avec des liens commerciaux, des échanges académiques. Maintenant, la Chine a conclu que ça n'a pas marché. Le président chinois Xi Jinping a demandé à l'armée d'accentuer la modernisation et aussi de gagner de l'expérience de combat. Donc on arrive à une jonction, une phase très très précaire qu'il faut prendre au sérieux. Je crois que la chance que la Chine utilise la force militaire pour réintégrer Taïwan est très significative.
Christophe Deborsu: Ça veut dire quoi? On peut éventuellement penser à une Troisième Guerre mondiale? On déconne complètement en disant ça? Parce que si d'un côté il y a la Russie avec l'Ukraine, la Chine et Taïwan.
Jonathan Holslag: On ne peut pas imaginer un conflit autour de Taïwan sans escalade plus large, avec le rôle des États-Unis, le Japon et tous les autres pays autour. Donc ça va donner une crise régionale et probablement aussi mondiale. Donc oui, les échecs sont vastes. C'est très difficile pour nous aussi à faciliter le dialogue de paix et de réconciliation par exemple. Parce que l'Union européenne, sur ce plan-là, n'a aucune influence.
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Christophe Deborsu: Dans votre rapport, vous révélez que les bateaux chinois, et il y en a beaucoup. Environ un tiers des bateaux qui naviguent sur la planète sont chinois, ce sont tous des bateaux de guerre potentiellement. Expliquez-nous.
Jonathan Holslag: C'est une question très importante. La Chine a déjà une flotte navale qui est vaste, qui est en train de s'élargir rapidement, mais elle ne suffit pas pour envahir Taïwan. Comme nous l'a enseigné la Russie en Ukraine, on a besoin d'une capacité logistique significative. C'est pour ça que la Chine est en train de bâtir tous les navires civils avec un rôle militaire. Donc par exemple des navires pour amener des voitures sont développés avec des poutres d'acier plus larges, plus fortes, pour transporter des chars de combat.
Christophe Deborsu: Donc on pourrait mettre des tanks sur ces bateaux, qui normalement ne sont pas conçus pour cela.
Jonathan Holslag: Ce sont des bateaux commerciaux, mais ils font des manœuvres, des exercices, avec l'armée pour simuler des invasions de Taïwan et d'autres petites îles en mer de Chine méridionale.
Christophe Deborsu: Vous dites aussi que la Chine a des parts, notamment du port d'Anvers, mais surtout du port de Zeebruges, via une société d'État, Cosco Shipping. On parle aussi d'Alibaba à Liège. Les Chinois sont de plus en plus présents chez nous, vous avez peur de cela?
Jonathan Holslag: Je crois que le danger principal est notre propre faiblesse. Je crois qu'on doit éviter une dépendance. Apprendre aussi des leçons de la crise de l'Ukraine. La situation maintenant avec l'énergie, le gaz, etc. on a un peu la même chose avec la Chine. On est trop dépendant aux produits, aux grands investisseurs. L'Europe parle déjà d'une autonomie stratégique. En Belgique aussi, on doit y arriver.
La réaction de l'ambassade de Chine à Bruxelles
L'ambassadeur de Chine a été invité pour partager son point de vue dans l'émission C'est pas tous les jours dimanche. Il n'a pas pu se libérer, mais l'ambassade chinoise nous a transmis sa réaction par écrit. La voici ci-dessous.
Le gouvernement chinois demande depuis toujours les entreprises chinoises de respecter strictement les lois et règlements locaux dans leurs opérations à l’étranger. La coopération entre les compagnies maritimes chinoises, telles que COSCO Shipping, et les entreprises et ports belges est purement commerciale, les navires en service sont tous des navires civils, il n’y a aucun soi-disant objectif politique ou militaire. L’affirmation selon laquelle « chaque navire chinois est un navire de guerre et son équipage est principalement composé de personnel militaire » est totalement une fausse information. Il s’agit là d’une tentative délibérée de fabriquer la « théorie de la menace chinoise », ce qui est extrêmement irresponsable.
Depuis que COSCO Shipping a commencé ses activités en Belgique, elle a créé, rien qu’au terminal à conteneurs de Zeebrugge, 360 emplois directes pour la communauté locale, ses opérations ont considérablement renforcé le statut international des ports de Belgique et ont plus encore fait une contribution positive pour maintenir la stabilité des chaînes d’approvisionnement et industrielle mondiales.
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