Tout comme l'activiste suédoise Greta Thunberg, Adélaïde Charlier, figure belge de Youth For Climate, va rejoindre le Brésil à la voile, puis le Chili en bus, pour participer à la COP25, la Conférence des Nations Unies pour le climat. Comme le fait remarquer Christophe Deborsu, Damien Ernst, Professeur en électromécanique de l'Université de Liège, a écrit un texte remarqué sur le sujet, où il dit qu'à moins de traverser l'Atlantique à la nage sans être accompagné par un bateau, il est impossible d'être irréprochable face à la neutralité carbone. "Il y a l'aspect symbolique du voilier, qui est très bien, mais quand vous alignez des chiffres, le CO2 qu'il a fallu pour construire cette pièce exceptionnelle qu'est ce voilier, puis les skippers qu'il fallait ramener de New York en avion… Oui, l'impact CO2 d'un tel voyage est considérable, mais l'aspect symbolique est très bien", estime-t-il toutefois.
Certainement pas anti-Greta
Car le Professeur en électromécanique, interpellé par Christophe Deborsu, refuse que l'on dise qu'il s'oppose à l'action de Greta Thunberg et des jeunes activistes: "J'apprécie énormément ces jeunes qui manifestent, je pense que ça peut être un point d'inflexion dans ce processus de décarbonisation de la planète. Mais il y a quelque chose qu'on doit bien réaliser, qui n'est pas assez mis en avant par ces manifestants: vouloir décarboner rapidement la planète, ce n'est pas comme manifester pour des progrès sociaux, comme lorsqu'on manifeste pour le mariage homosexuel, ou pour qu'on n'enferme pas des enfants de migrants… Si vous décarbonez trop rapidement une planète, vous pouvez plonger toute une économie dans la misère, et plonger les gens dans la misère".
"J'ai peur des simplismes"
Selon lui, si chaque année nous diminuons de 5% notre consommation de combustibles fossiles au niveau international, une misère peut se créer assez rapidement. "Vous avez une décroissance qui se crée, et on sait très bien que c'est la croissance qui permet de lever des populations entières de la pauvreté. Décarboner rapidement une planète ça ne mène pas directement à un progrès social. Vous pouvez laisser des gens dans la misère. On n'est pas dans un contexte où il suffit de passer un article de loi pour dire on décarbone le lendemain, et tout le monde va se porter mieux, ce n'est pas si facile que ça. J'ai peur des simplismes. Mener une politique énergétique efficace, c'est extrêmement difficile, et c'est encore plus difficile quand vous êtes dans un contexte où des pays se font un peu la compétition, et où c'est celui qui a l'énergie la moins chère qui peut propulser son économie au-dessus des autres. On est dans une vraie complexité".
Sortir de la norme pour créer des réactions
Pour Adélaïde Charlier, l'aspect symbolique est toutefois essentiel: "Le but n'est pas de dire que l'alternative de demain, c'est que tout le monde prenne le voilier pour aller en Amérique du Sud, ça n'a aucun sens, et ça on est au courant. Je n'ai jamais dit que je ne prendrai plus l'avion. Mais il faut pouvoir sortir de la norme, faire un voyage symbolique comme celui-là, afin d'expliquer qu'il y a un problème sur notre planète, mais aussi créer des réactions. Grâce à ces réactions, on peut enfin rentrer dans le vif du sujet et parler d'urgence climatique. Le but des jeunes, ce n'est pas de dire, c'est très simple, demain on fait passer une loi et tout ira bien... C'est de dire que c'est tellement complexe qu'on va devoir prendre chacun des jours qui nous restent afin de tenter de résoudre ce problème. Il ne faut perdre aucune minute".
Trouver du carburant vert
Damien Ernst s'interroge: n'y aurait-il pas eu moyen de travailler sur d'autres symboles ? "Par exemple, on sait bien que la filière aviation va continuer sa croissance, pourquoi ne pas travailler sur un symbole où on prend l'avion uniquement s'il s'agit d'un carburant vert, d'un carburant qui a été synthétisé à partir d'énergie renouvelable ? C'est une solution technique qui permet de prendre l'avion sans provoquer un réchauffement de la planète".
Pour Jean-Pascal van Ypersele, Professeur de climatologie à l'UCL et ancien vice-président du GIEC, il n'y aurait alors pas eu ce débat aujourd'hui…
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