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Gringe: "l'image du rappeur masculin, alpha et viril, c'est pas mon truc"

Gringe: "l'image du rappeur masculin, alpha et viril, c'est pas mon truc"
Guillaume Tranchant, alias Gringe, à Paris, le 2 octobre 2024JOEL SAGET
 
 

Avec "Hypersensible", son deuxième album, Gringe explore un rap dépourvu d'orgueil dans lequel il accepte de se "mettre à poil" pour livrer sa "vision des choses" dans des morceaux sans concession, dont un duo avec son complice OrelSan.

"J'aime ça, cette écriture introspective qui te permet un peu de te renseigner sur toi et sur ce que tu vis: j'ai besoin d'aller au fond des choses et de me mettre à poil", confie Gringe à l'AFP, quelques jours après la sortie de cet opus solo.

Le titre pose le personnage: à travers 14 morceaux, Gringe conjugue rap et sensibilité, presque un oxymore tant ce genre musical grouille aujourd'hui de chansons sur le mode ego trip, dans lequel l'artiste exagère ses succès pour démontrer sa prétendue supériorité.

"Je suis quelqu'un d'assez à fleur de peau", explique Guillaume Tranchant, de son vrai nom. Etre hypersensible représente pour lui un état naturel qui influence sa "vision des choses", son "rapport aux gens et à l'environnement".

Comme dans ce diptyque: "Du plomb", rap "épidermique" en réaction à la mort du jeune Nahel tué par un policier à Nanterre en 2023, suivi "D'effet de surplomb", aux interrogations existentielles sur "ce qu'on bricole de nos humanités".

Gringe continue de questionner ses thèmes fétiches que sont "la filiation", le "rapport amoureux", les "dérives" du monde et "la question de la santé mentale". Celle-ci a fait l'objet d'un livre en 2020, "Ensemble, on aboie en silence", qui parle d'amour fraternel et de son petit frère schizophrène.

"Du coup, l'image du rappeur masculin alpha et viril, c'est pas mon truc, lâche Gringe, loin de ces "archétypes".

Lui est fier d'avoir reçu "une éducation ultra féminine". "Elles étaient trois: ma mère, ma tante et ma grand-mère", résume-t-il, sortant du tableau le père, déjà étrillé dans "Pièces détachées", sur son premier album "Enfant lune" en 2018.

- "Comme le yang" -

"Mes projets me servent d'abord, de manière un peu égoïste, à réparer les choses en moi. Et ça, c'est un peu contradictoire avec ce qui se fait dans le rap (...) et l'image que donnent à voir les rappeurs d'eux", lance le rappeur Tranchant.

L'artiste de 44 ans a été bercé par NTM, IAM ou le Ministère A.M.E.R, des groupes "qui pratiquaient un art contestataire et relataient la vie des gens en marge". "Et ça, on l'a perdu. On est rentré dans un truc hyper individualiste", juge-t-il, estimant que "le rap était mieux avant".

Il confie toutefois garder l'oreille curieuse car il existe toujours "une jeune pousse qui arrive et qui a assimilé ce qu'avaient fait de mieux les anciens".

En parallèle de la musique, Gringe se nourrit d'autres projets en tant qu'acteur. Il a notamment joué dans les séries Canal+ "Bloqués" et "Validé", et a interprété son propre rôle dans "Comment c'est loin" (2015) de et avec OrelSan, l'un des rappeurs les plus écoutés en France.

Le Calvados, en Normandie, pour point de rencontre, les deux jeunes compères ont grandi avec leur duo caustique des Casseurs Flowters.

OrelSan est d'ailleurs présent sur un titre de l'album, "Feelings". "Il est venu, comme le yang, prendre le contre-pied de ce que je venais de faire, désamorcer le ton grave avec lequel j'avais écrit mon couplet" qui aborde furtivement "la question de la Palestine", détaille Gringe.

Sur Skyrock le 19 septembre, OrelSan a annoncé la fin du tournage d'un nouveau film, avec au casting des membres de son entourage, laissant toutefois planer le doute sur la présence de son comparse.

L'intéressé esquive aussi et se concentre sur sa tournée qui démarrera en novembre. Le rappeur prévoit d'être entouré de musiciens et d'un DJ, avec l'idée "d'étirer les morceaux pour les rendre plus musicaux encore sur scène".


 

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