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Kenya: Boboss, le DJ bricoleur qui arpente les rues de Nairobi

 
 

Une cuillère, des crochets porte-serviette, un morceau de bouilloire, un bouchon en plastique... Assemblées et connectées entre elles par Paul Mwangi, ces pièces se transforment en une improbable table de mixage et le jeune homme en DJ Boboss.

Sa platine de fortune lui a ouvert les portes l'an dernier du festival ougandais Nyege Nyege, le plus grand d'Afrique de l'Est, et d'un set pour le célèbre programme "Boiler Room".

Mais c'est dans la rue, et sur les réseaux sociaux, que ce DJ ambulant de 27 ans a acquis une petite notoriété.

Ce samedi de septembre, il s'installe dans le grouillant centre d'affaires (CBD) de Nairobi, au milieu des stands de vendeurs de miraa (khat), des effluves de maïs grillés et des klaxons des matatus, les minibus colorés de la capitale kényane.

En quelques minutes, des dizaines de curieux se massent, intrigués et amusés, sortent leurs portables pour filmer l'étonnante machine qui crache des tubes de reggae.

DJ Boboss lance les morceaux depuis son téléphone portable connecté à sa table de mixage: un plateaude bois peint à la bombe sur lequel sont vissés porte-serviettes, interrupteurs et circuits imprimés reliés dans un enchevêtrement de câbles. Le tout branché sur un ampli, une enceinte et une batterie de voiture.

Tout en se déhanchant, il enchaîne les effets faits maison, scratche en faisant glisser une cuillère magnétisée entre deux crochets de serviette, use d'un "fader" bricolé avec un bouchon de bouteille en plastique... Une connexion défaillante ? Il sort un tournevis, dénude un fil avec les dents et répare pendant que la musique tourne.

"Je n'ai jamais vu un truc comme ça", sourit David Meshack, qui travaille dans un magasin d'électronique voisin où sont vendues des platines professionnelles.

"Un jour, un client était venu avec une photo (de la platine, ndlr), il voulait la même mais je ne savais pas d'où ça sortait", raconte-t-il: "Aujourd'hui, je la vois !"

- Autodidacte -

Le DJ autodidacte - Boboss est un acronyme pour "Be your own boss" ("sois ton propre patron") - bricole des platines depuis une dizaine d'années, sans jamais avoir étudié l'électronique, assure-t-il.

Il dit s'être initié en réparant des postes de radio dans sa jeunesse. "Mon père m'avait acheté une radio. Quand elle a cessé de +parler+, il m'a dit qu'il n'en achèterait pas d'autre (...). Alors je l'ai ouverte avec un couteau", raconte-t-il.

Il explore, essaie, apprend et, de fil en aiguille, il se met à réparer radios et petits appareils électroniques dans son village près de Meru, dans le centre du Kenya.

L'idée de construire sa propre table de mixage germe chez ce lycéen quand il voit un DJ dans un bar. "J'adorais ce qu'il faisait avec la musique et comment la foule répondait. Je n'avais pas l'argent pour acheter de vrais équipements mais je me suis dit que je pouvais en fabriquer une".

Paul Mwangi déménage vers la capitale, où il vivote de son activité de DJ ou en vendant à l'occasion une platine qu'on lui commande.

Sa scène préférée est la rue, notamment dans le CBD ou à Gikomba, le plus grand marché de vêtements d'occasion du pays.

"La rue, c'est spécial, il y a un contact avec les gens. Et beaucoup n'ont jamais vu de DJ mixer", explique-t-il.

Parmi les badauds, certains le connaissent, d'autres le découvrent, comme Zachary Mibei, épaté par le jeune homme qui illustre, selon lui, la situation du Kenya où "des jeunes essaient de montrer leur talent".

"Il n'a aucune formation, il a tout fait lui-même, il nous dit: +Je peux y arriver même sans équipement moderne+. Donnez-lui un équipement", enjoint cet ancien militaire de 48 ans.

"Je pourrais utiliser une nouvelle platine, avec plus de fonctions", admet Boboss. Mais il n'envisage pas pour autant de se séparer de celle qu'il a fabriquée et qui fait sa notoriété: "On pourrait combiner les deux et explorer ce qu'on peut faire avec".


 

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