Au milieu des champs de blé, d'harmonieuses façades haussmanniennes: les premiers décors extérieurs permanents de France sont sortis de terre en Seine-et-Marne et offrent un véritable "bac à sable" aux réalisateurs de films et séries à 50 km de Paris, capitale surchargée en demandes de tournage.
Des portes cochères à l'entrée d'une station de métro, ces décors - un "backlot" dans le jargon - des rues de Paris constituent "le projet d'une vie" pour Thierry de Segonzac, président des studios TSF.
"Des explosions, des manifestations, des tirs, de l'incendie: tout ce que, aujourd'hui, la voie publique ne permet plus de tourner, les cinéastes peuvent le faire ici," sourit le propriétaire du nouveau faux quartier parisien.
Pour lui, "l'absence de backlot en France était vraiment une anomalie".
Dans les années 1960, le courant de la Nouvelle vague a mené le cinéma français vers davantage de décors naturels en délaissant les studios.
Au fil des ans, la France a peu investi et son retard sur ses voisins européens a sauté aux yeux avec l'entrée dans la danse des plateformes de streaming, à l'origine de "séries lourdes en production, parfois même plus importantes que des longs métrages", souligne Thierry De Segonzac.
Des 300 millions d'euros dirigés vers l'industrie cinématographique, dans le cadre du plan public d'investissements France 2030, 14 ont été alloués aux nouveaux décors seine-et-marnais.
"Une de nos missions, c'est de vendre la destination France pour accueillir des tournages", précise Olivier Henrard, président par intérim du Centre national du cinéma (CNC) pour qui ce backlot offre "tous les avantages de Paris sans les inconvénients de Paris".
En visite mercredi sur les lieux, la ministre de la Culture Rachida Dati a affirmé combien "ce sont des investissements importants pour l'écosystème du cinéma", assurant de sa "volonté politique de développer le cinéma français, de préserver son outil de financement".
La ministre déambule sur les graviers d'une petite cour intérieure typiquement parisienne où Johann George, chef décorateur de TSF, lui vante la modularité des installations.
La verrière au rez-de-chaussée de cette cour "peut être aussi bien un atelier d'imprimerie du début du siècle qu'un bureau de coworking en 2024", témoigne avec enthousiasme le guide de ce Paris en version village Potemkine.
- "Porte Zidane" -
Perdu en pleine nature, ce backlot a pourtant déjà été admiré par 1,5 milliard de personnes: les téléspectateurs de la cérémonie d'ouverture des JO de Paris.
En marchant sur "le grand boulevard", Thierry De Segonzac lève le bras en direction de la "porte Zidane" car ça n'est pas à Paris mais bien dans ce décor que l'idole du foot français, flamme olympique en main, s'est frayé un chemin dans un embouteillage ambiance Jacques Tati.
Un tournage mieux gardé qu'un secret d'Etat pour un résultat de 36 secondes: "Une très très belle carte de visite", s'amuse le patron du studio, rodé à faire la promotion de ses 30 hectares de terrain disponibles.
Outre ces rues parisiennes, la construction de douze studios classiques, de 600 à 4.000 mètres carrés, va débuter en 2025.
Pour éviter la destruction répétée de décors via ce backlot, TSF prévoit également des espaces de stockage, le tout avec une faible artificialisation des sols car l'ensemble est construit sur les voies bétonnées pré-existantes d'une ancienne base aérienne de l'Otan.
Arpentant pour la première fois ces vraies fausses rues de Paris, le cinéaste Cédric Klapisch a l'œil pour les détails.
"J'ai raté à trois mois près l'existence de ce lieu. J'aurais bien aimé avoir quelque chose comme ça parce que tourner dans Paris, c'est devenu compliqué", confie le réalisateur du Péril jeune et de l'Auberge espagnole.
Lui qui vient de filmer, sur fond vert, des acteurs à bord d'un omnibus, a "besoin d'avoir le défilement des immeubles et ici, ça aurait été assez facile à faire", ajoute-t-il.
"Ici, c'est un bac à sable, c'est un endroit où on peut jouer", conclut Klapisch avec le sourire.
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