Théodore a eu l'idée, puis les compétences techniques, pour fabriquer (plus ou moins) lui-même une enceinte connectée et destinée aux enfants. Un produit atypique qui est cependant très concret. On a essayé le Jooki, puis on a discuté avec son créateur, à Bruxelles.
Ce n'est un secret pour personne: tous les appareils liés aux nouvelles technologies ont tendance à être développés et conçus aux Etats-Unis (ou Japon et Corée du Sud), puis fabriqués en Chine. C'est valable pour votre smartphone, votre télévision, votre frigo, votre ordinateur.
Et l'Europe, là-dedans ? Elle est pratiquement absente du tableau, car les initiatives sont maigres et limitées au design, jamais à la fabrication. La France est sans doute la plus entreprenante (Netatmo, Wiko, Parrot), aux côtés de l'Angleterre et de l'Allemagne. Pour le reste, c'est très calme.
C'est donc avec une certaine fierté que nous vous parlons aujourd'hui d'un appareil estampillé à l'arrière "Designed in Belgium" (affublé inévitablement d'un "Made in China"). De mémoire de journaliste spécialisé, c'est un fait exceptionnel…
On retourne le Jooki et que voit-on ? "Designed in Belgium"
C’est quoi, Jooki ?
Jooki (199€) est un lecteur musical destiné et adapté aux enfants. Un appareil assez unique en son genre.
Il doit être configuré par les parents via une application qui affectera à chaque figurine déposée sur le centre de l’enceinte une chanson ou une liste de lecture Spotify, des fichiers MP3 (des histoires racontées, par exemple) stockés sur le Jooki ou une carte microSD.
On l’a essayé avec de jeunes enfants et si vous ne cernez pas encore le concept après avoir lu le paragraphe précédent, sachez que dès 2 ans, il ne faut que quelques secondes pour en comprendre le sens et l’utilisation.
Le Jooki fonctionne entièrement sans fil (Wi-Fi, Bluetooth et batterie). Sa durée de vie est de plusieurs heures d'écoute.
Voici l'histoire de cette invention 100% belge à qui il ne manque d'une chose: se faire connaître auprès du grand public.
Utiliser le Jooki, un jeu d'enfant (vraiment)
Parce que ses enfants allaient sur YouTube
Nous avons rencontré Théodore Marescaux, un ingénieur belge qui est à l'origine du projet. Tout a commencé par… une chanson, en 2013. "J'avais vaguement initié mes filles (3 et 4 ans à l’époque) au rythme, et je leur avais fait écouter une musique de Queen. Ensuite, elles voulaient sans cesse réécouter cette musique. J'ai fait comme beaucoup de parents, j'ai fini par leur donner mon smartphone. J'ai remarqué qu'elles étaient finalement sur YouTube pour écouter la chanson, et je me suis dit que ça n'allait pas".
Ingénieur multi-diplômé, Théo se lance alors dans "un projet de week-end". Dans son garage, il "fabrique un prototype", composé d'une enceinte, d'une webcam, "et de cubes Ikea avec des QR codes collés dessus". Jooki était né…
Les bonnes personnes, au bon moment
En 2015, Théo quitte son emploi dans une grande entreprise flamande active dans l'imagerie professionnelle. Il se consacre alors à temps plein à son nouveau projet.
Et le destin lui sourit: "Au bon moment, je suis tombé sur les bonnes personnes pour m'associer". A savoir Pieter, qui a travaillé sur des puces mobiles chez le géant Huawei, et Will, qui est passé chez Google à San Francisco.
La société Muuselabs est créée (elle a ses bureaux à Bruxelles) et c’est un concours pour trouver un designer qui a amené un quatrième Belge à s’impliquer dans le projet. "On a travaillé ensemble pour lui dire ce dont on avait besoin, ce qu’on imaginait. Puis il nous a sorti ce qui est aujourd’hui le Jooki. On lui a demandé de designer également des personnages pour activer la musique, et il a fait très rapidement ceux qui sont utilisés actuellement. On a adoré".
Pour lever les fonds, ça n'a pas été simple, car "ce n'est pas commun" en Belgique d'investir dans un lecteur musical intelligent pour enfant…
Il a fallu près de deux ans à l’équipe pour aboutir à un prototype présentable dans les salons high tech, dont le célèbre CES de Las Vegas. Auparavant, il y a eu l’indispensable campagne Kickstarter. "Le crowdfunding nous a surtout servi à voir l’intérêt du public", qui finalement n’a fait que le précommander à un prix avantageux.
Depuis lors, l’entreprise cherche à distribuer au mieux ses produits à travers le monde, et ça n’est pas une mince affaire quand on est une bande d’ingénieurs. Au-delà de leur propre boutique en ligne, il faut trouver les bonnes personnes sur les bons continents…
"On a franchi plusieurs étapes critiques, mais on doit trouver le public qui aimera le produit. Les ventes actuelles permettent de payer une partie des dépenses, et on attend des grosses ventes pour la fin de l'année. On cherche encore des investisseurs pour continuer notre croissance".
Car les ingénieurs ne restent bien sûr par les bras croisés à attendre les commandes. Ils sont déjà sur de nouveaux projets, mais on n’en saura pas plus…
Théodore face à une invention qui a changé sa vie
Des hauts et des bas
Le moment le plus difficile de ce projet audacieux ? "Je me souviens d’un problème alors qu’on était sur le point de lancer la première mise en production de l’appareil. On avait les cheveux en feu. Pieter a du aller en Chine pendant trois semaines pour redessiner le Jooki, car il y avait un souci qui aurait pu compromettre la certification dans certaines régions du monde. On était très stressé, on pensait que tout pouvait tomber à l’eau, mais on n'a jamais jeté l'éponge".
Le meilleur souvenir ? "Quand les premiers Jooki sont arrivés dans des caisses. On s’est rendu compte que c’était réel, concret, qu’après tant d’années on avait réussi quelque chose". Théodore pense également "au moment où on a appuyé sur le bouton pour lancer la campagne Kickstarter, et qu'on a vu des dizaines de commandes en quelques secondes".
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