Saisie par une dizaine de médias dont l'AFP, la justice a ordonné jeudi à X (ex-Twitter) de leur fournir une série de données commerciales permettant d'évaluer les revenus que le réseau social tire de leurs contenus.
Le litige entre X et ces médias, dont également Le Monde, Les Echos-Le Parisien et Le Figaro, porte sur les droits voisins du droit d'auteur. Étendu aux plateformes numériques en 2019 par une directive européenne, il permet aux journaux, magazines ou agences de presse de se faire rémunérer lorsque leurs contenus sont réutilisés par les géants comme Google ou Facebook.
Le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a sommé X de communiquer "dans un délai de deux mois" aux médias demandeurs le nombre de vues et le taux de clics sur leurs publications, le nombre moyen d'engagements (retweets, citations, réponses, j'aime, partages..) et "les revenus publicitaires générés en France sur X" en lien avec ces publications depuis fin 2019, selon le jugement dont l'AFP a eu copie.
Il est aussi demandé la description du fonctionnement des algorithmes de X conduisant à afficher les publications.
Ces données, qui devront rester confidentielles entre les parties, sont nécessaires pour une "évaluation transparente" de la rémunération que les médias estiment due au titre des droits voisins du droit d'auteur.
Pour obtenir ce paiement, sur lequel le juge des référés (une procédure d'urgence) ne s'est pas prononcé, ils devront faire un recours au fond ou négocier.
Selon le PDG de l'AFP Fabrice Fries, "la décision confirme que le service X/Twitter est redevable du droit voisin de la presse". Il salue "une étape déterminante pour ce droit nouveau, si difficile à mettre en place".
- La France en pointe -
"C'est inédit", a souligné l'avocat de l'agence Julien Guinot-Delery, alors que la France est en pointe sur ce sujet. "L'obstruction de X ne peut continuer", a-t-il fait valoir.
Pierre Louette, PDG du groupe Les Echos-Le Parisien, s'est félicité d'une "première victoire, qui rappelle à X son devoir de transparence quant à l'utilisation de nos contenus et la génération de revenus publicitaires associés". Toutefois, "le chemin est encore long", a-t-il ajouté, en espérant le versement par X "d'une rémunération au titre des droits voisins".
La défense de la société américaine n'a pas souhaité réagir dans l'immédiat.
L'été dernier, les groupes Le Monde (Le Monde, Télérama, Courrier International, Le Huffington Post, Malesherbes Publications et L'Obs), Le Figaro et Les Échos-Le Parisien avaient assigné en référé X et sa filiale française face à leur refus de négocier. L'Agence France-Presse avait fait de même.
Lors de l'audience au tribunal le 4 mars, l'avocate de X Isabelle Leroux avait soutenu que le réseau social, racheté par le milliardaire américain Elon Musk en octobre 2022, n'était "pas assujetti" aux droits voisins, puisqu'il reposait "sur ce que postaient les utilisateurs" et non lui-même.
Mais "lorsqu'on achète 44 milliards de dollars un réseau social", comme l'a fait Elon Musk en promettant d'en faire "la source d'information la plus fiable", "venir soutenir qu'on n'utilise pas les contenus journalistiques, c'est extraordinaire", avait lancé le conseil des éditeurs de presse Alexandre Limbour. Il avait rappelé la captation des revenus publicitaires par la seule plateforme.
Le sensible dossier de la rémunération des médias par les géants du net avance à grand-peine. Après une longue bataille judiciaire, plusieurs médias français et européens, dont l'AFP, ont obtenu à partir de 2021 et 2022 une rémunération pour l'utilisation de leurs contenus auprès de Google, dont les montants sont restés confidentiels.
Mais le dossier a rebondi récemment: l'Autorité de la concurrence a infligé à Google une amende de 250 millions d'euros, lui reprochant de ne pas avoir négocié "de bonne foi sur la base de critères transparents" avec certains éditeurs de presse.
"L'information fiable, sourcée et de confiance n'a pas de prix mais elle a un coût", avait rappelé à cette occasion la secrétaire d’État en charge du Numérique Marina Ferrari.
Certains éditeurs sont également parvenus à un accord de licence pour l'utilisation de leurs contenus avec Facebook.
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