Inconnues il y a moins de dix ans et désormais stars de Wall Street, Lyft et Uber ont révolutionné le monde de la mobilité à marche forcée, suscitant des appels parfois féroces à une régulation de leurs activités.
Entre la première course d'un UberCab, ancêtre de Uber, à San Francisco le 5 juillet 2010, le lancement de Lyft deux ans plus tard, et l'essaimage de nouveaux acteurs tels que Juno et Via aux Etats-Unis, ces start-up devenues des géants ont inondé les routes des métropoles mondiales.
"Cette industrie a transformé notre vie quotidienne", affirment les analystes de la société d'investissement technologique Loup Ventures.
A tel point que ces deux "licornes", des entreprises non cotées valorisées au-delà du milliard de dollars, font partie des attractions de l'année à la Bourse de New York, bien qu'elles perdent encore de l'argent chaque année.
Lyft a vrombi vendredi pour ses premiers pas sur le Nasdaq, son titre s'adjugeant 8,74% à 78,29 dollars à la clôture, après s'être envolé de 20% dans les premiers échanges. L'entreprise a levé quelque 2,3 milliards de dollars d'argent frais et Uber se lancera dans les prochaines semaines.
Leur influence dans le monde du transport est prépondérante: de l'Asie du Sud à l'Amérique latine, en passant par le Moyen-Orient et l'Europe, Uber répertorie sur son site internet plus de 700 localités qui offrent ses services.
Lyft n'opère quant à elle qu'aux Etats-Unis et au Canada.
- Embouteillages -
Ces transformations ont parfois porté un coup très dur aux historiques taxis, réduisant à peau de chagrin le montant de la licence pour exercer. New York a vu par exemple la valeur de son médaillon divisé par cinq, d'après les analystes de Wedbush.
Le principal marché de cette industrie pas même adolescente, les Etats-Unis, a concentré 2,1 milliards de courses l'an dernier, soit plus que les taxis, a calculé Schaller Consult, un cabinet new-yorkais spécialisé dans les mobilités urbaines.
Cette ville est justement à l'épicentre de la bataille sans merci entre ces acteurs qui n'hésitent pas à subventionner les courses pour tenter de s'arroger des parts de marché.
Plus de 10.000 chauffeurs, taxis et VTC, circulent chaque jour en fin d'après-midi rien que dans le quartier d'affaires de Manhattan, soit deux fois plus qu'en 2013, selon Schaller Consult, ce qui a largement contribué à aggraver les embouteillages.
"La moitié de ces véhicules sont vides. Cela signifie qu'entre le dépôt d'un passager et le chargement d'un nouveau, l'engorgement des rues ne profite à personne", explique l'institut qui milite pour l'imposition d'une taxe horaire sur leurs déplacements.
Un prélèvement de 2,75 dollars sur chacune des courses effectuées par ces sociétés est déjà en place. Il participe au financement de la modernisation du métro vieillissant, de plus en plus délaissé au profit de ces applis considérées à l'inverse comme "fiables et peu chères", d'après Bruce Schaller, le directeur de Schaller Consult. Un péage urbain est également en projet, sur le modèle londonien.
L'appétit de conquête de ces géants, tel qu'il s'illustre à New York, a nourri la nécessité d'agir contre les risques qu'ils font peser économiquement et socialement.
- Interdiction, restriction, sursis -
De l'interdiction pure et simple d'exercer, en Bulgarie, à l'adoption de règles jugées trop restrictives en Catalogne, en Hongrie et au Danemark, ou aux sursis actuels en Italie ou à Londres, Uber, s'est heurté à de fortes résistances.
Les condamnations en justice et le statut de ses chauffeurs suscitent par ailleurs fréquemment la controverse, alors que rien que ce mois-ci, Uber a payé 20 millions de dollars pour solder des poursuites aux Etats-Unis et plus de 2,3 millions de dollars dans un litige aux Pays-Bas.
Face aux risques de régulation accrue qui pèsent sur elles, ces entreprises se sont diversifiées vers des modes de mobilité moins polémiques: vélos en libre service, trottinettes électriques, transport de fret, de nourriture... en investissant, s'alliant, ou en rachetant d'autres groupes.
Le véhicule autonome est aussi dans leur radar, les deux géants souhaitant mettre en service une flotte de véhicules sans chauffeur.
Mais, là aussi, des craintes se font jour. "S'ils parvenaient à détenir une flotte de véhicules autonomes, cela m'inquièterait beaucoup. Les courses deviendraient encore moins chères sans chauffeur à payer, et la congestion des rues n'en serait que plus grande", s'alarme Bruce Schaller.
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