Avec la déroute de Huawei, une grosse bataille est en cours entre plusieurs constructeurs chinois pour être sur la troisième marche du podium des smartphones, derrière les indétrônables Samsung et Apple. Xiaomi est visiblement celui qui s’en sort le mieux actuellement, et il compte sur son récent Mi 11 pour accentuer son avance. Je l’ai essayé durant deux semaines.
J’ai toujours trouvé que le constructeur chinois Xiaomi était une poule sans tête. L’entreprise fabrique (ou fait fabriquer par des sous-traitants) des dizaines de smartphones, mais aussi un tas d’autres appareils électroniques (réseau, caméra de surveillance, accessoires), ainsi que des télévisions, des trottinettes, des sacs à dos, des valises, des lampes, etc…
Je fais partie de ceux qui aiment les spécialistes, les marques souveraines qui se concentrent sur certaines catégories de produits, y acquièrent une réelle expertise et un esprit constant d’innovation. Ce n’est définitivement pas le cas de Xiaomi, mais ça ne l’empêche pas de connaître un succès grandissant, partout dans le monde. Fin 2020, il est logiquement monté sur la 3e marche du podium des marques vendant le plus de smartphones dans le monde, détrônant Huawei. Fait marquant: c’est sur le segment premium (+500$) que Xiaomi a fait une progression dingue de +3639% (chiffres Canalys).
Le constructeur chinois a donc réussi la stratégie de la plupart des marques chinoises: inonder le marché avec des téléphones bon marché, puis se construire une réputation suffisamment bonne pour proposer des appareils haut de gamme, dont les marges sont plus importantes.
Nous avons évoqué le Mi 11 de Xiaomi dans le podcast RTL TechTalk :
Un Mi 11 positionné un peu haut...
J’ai pu essayer durant quelques jours le Mi 11, pour me faire une idée des éventuels progrès réalisés par la marque, qui justifierait un succès hors norme. Ce smartphone a été présenté assez tôt dans l’année: en 2020, j’avais évoqué le Mi10 en Belgique, et les réelles ambitions de la marque dans notre pays, au mois d’août.
Le Mi 11 a été annoncé fin 2020 en Chine, et vient d’être officialisé en Europe au niveau de son prix: il coûtera 849€ en Belgique.
Au niveau du positionnement, le Mi 11 se situe au niveau bien au-dessus de OnePlus (le OnePlus 8T coûte seulement 599€), et titille donc le très récent Galaxy S21 de Samsung (qui n’a “que” 128 GB au lieu des 256 du Mi 11, mais plein d’autres qualités). Sur le papier, c’est une sacré prise de risque et si Xiaomi réussit son coup en Belgique, c’est qu’il a vraiment percé au niveau de l’image de marque.
Un écran et un son au sommet
Des qualités, le Mi 11 en a plusieurs. J’aime l’originalité de son design, avec un îlot de capteurs pas très discret avec ses trois niveaux d’épaisseur, mais finalement bien intégré dans un dos courbé sur les côtés, et qui donne une identité à l’appareil. La face avant est également courbée, ce qui confère au Mi 11 une taille de guêpe, qui m’a rappelé l’excellent Oppo Reno4 Pro. Le dos est plutôt mat, même s’il y a des reflets aux multiples couleurs sur la version ‘Midnight Grey’. Les traces de doigts sont hélas bien présentes car c’est du verre, mais il n’y a pas cet effet ‘miroir’ que je déteste. A noter: même avec la coque en silicone fournie, la dernière protubérance, celle du capteur principale (en noir), ressort à l'arrière, et risque donc de prendre des coups à la longue :
Dès qu’on allume le Mi 11, on comprend que Xiaomi a mis le paquet sur l’écran. Il faut passer par les réglages pour activer le mode 120 Hz (très haut rafraîchissement de l’écran), mais la très haute définition l’est par défaut (WQHD+ de 3.200 x 1.440 pixels). AMOLED, la dalle de 6,81” au format 20:9 atteint des niveaux rarement vus sur une telle gamme de prix. C’est un régal pour les yeux.
Et pour les oreilles ! Peu de constructeurs prennent la peine d’intégrer trois haut-parleurs dans un smartphone. Et Xiaomi a bien fait: celui situé sur la tranche inférieure, en forme d’onde (joli clin d’oeil), est exactement de la même puissance que celui situé sur la tranche supérieure. On a donc une vraie stéréo pour regarder des vidéos ou des films sans casque. Notez que la puissance est soutenue: même en poussant le volume au maximum, je n’ai jamais entendu de distorsion du son, ça reste audible et agréable. Je n’avais jamais entendu ça sur un smartphone. Le troisième haut-parleur est caché entre l’écran et le châssis, et sert à téléphoner.
Une bonne fiche technique, sans plus
Pour le reste, Xiaomi fait plus dans le classique, même s’il est le premier à utiliser la puce Snapdragon 888 de 2021, bien entendu équipée de la 5G et du Wi-Fi 6. Cependant, plus les années passent, moins la puissance des nouvelles puces est sensible d’une génération à l’autre. Il n’y a qu’en essayant d’activer les graphismes les plus détaillés dans les jeux vidéo les plus gourmands qu’on peut s’en apercevoir. Donc oui, le Mi11 est rapide, mais 90% des utilisateurs ne remarqueraient pas de différence avec une puce Snapdragon 855 en 2019.
Ma version de test est équipée de 8 GB de RAM et 128 GB de stockage interne (non extensible car il n’y pas de port microSD), mais en Belgique, j’en ai eu la confirmation, c’est uniquement la version 8+256 GB qui sera commercialisée. Il s'agit, pour info, d'une mémoire vive améliorée de type LPDDR5 3200 MHz, et d'un stockage UFS 3.1 plus rapide. De quoi voir venir au niveau des enregistrements photos et vidéos en haute résolution.
Au niveau de la batterie, les 4600 mAh suffisent pour une journée d’utilisation normale si votre écran est réglé en 120 Hz et WQHD+ (1,5 journée si c'est 60 Hz et Full HD). Elle se recharge (55W) en 45 minutes, ce qui est pas mal, mais c'est moins que la concurrence chinoise (OnePlus et Oppo passent sous la demi-heure). Il est possible de charger le Mi 11 sans fil et très rapidement (55W également, c’est beaucoup) ; je n’ai cependant pas pu essayer car il faut un chargeur compatible.
Il n'y a pas d'étanchéité certifiée, donc évitez l'eau et les éclaboussures.
Un logiciel chargé
Côté logiciel, l’interface MIUI 12 tournant sous Android 11 est plutôt réussie. Elle est en tout cas assez marquée par des touches graphiques propres à Xiaomi, des menus et des volets de notifications assez riches. Elle est personnalisable et fluide, c’est essentiel, et incorpore un centre de contrôles pour vos appareils connectés.
Par contre, Xiaomi ajoute de nombreuses applications maison, parfois aussi encombrantes qu’un scanner d’applications téléchargées, qui s’active même avec celles en provenance du Google Play Store. Heureusement, la fenêtre de pub a disparu, et on peut désactiver cette fonction dans les paramètres de l’application ‘Sécurité’. Xiaomi préinstalle plusieurs applications tierces et jeux (voir ci-dessous), je suppose qu’elle a des liens commerciaux avec les éditeurs.
Comme c’est le cas avec les menus de l’appareil photo (voir plus bas), j’ai retrouvé quelques incohérences au niveau de la traduction en français, et de la taille du texte (certaines lignes de menu sont incompréhensibles) :
De manière générale, je préfère les interfaces moins chargées, moins lourdes, et qui laissent Android dans un état plus ‘naturel’. Ou alors, il faut que ce soit irréprochable, comme le fait Samsung, par exemple.
Un appareil photo ‘magic’ ?
Xiaomi concentre une bonne partie de sa communication autour du Mi 11 sur la partie photo/vidéo, évoquant carrément “un studio de cinéma dans la poche”.
Il y a trois capteurs à l’arrière: le principal fait 108 MP, le deuxième est un grand angle de 13 MP (pour prendre plus de scène sans devoir reculer), le dernier de 5 MP est dédié à la macro (quand on se rapproche à quelques centimètres d’un objet). Il n’y a donc pas de télé, donc de capteur dédié au zoom, comme le proposent la concurrence à ce prix. Ce sera donc du zoom numérique 2x, avec une petite perte de qualité.
Concernant le capteur principal, il est plutôt balaise. Comme d’habitude, par défaut, les photos ne sont pas vraiment de 108 MP, car le logiciel “fusionne” les pixels. On a donc une image de 27 MP, ce qui est largement suffisant, même en recadrant. Lors de mes tests, dehors en plein jour ou à l’intérieur dans la pénombre, j’ai été globalement très satisfait des performances de ce capteur et du traitement logiciel de Xiaomi. Comme c’est généralement le cas, le grand-angle est un peu moins détaillé et souffre de quelques bizarreries au niveau des couleurs, mais on s’en sert moins souvent. Par contre, le module pour la macro est soigné: j’ai rarement fait d’aussi belles photos en plan très rapproché, tout reste bien net, bien détaillé, alors qu’on se trouve à 3 cm d’un objet. Du beau travail.
A côté de ces capteurs, Xiaomi a donc mis le paquet sur différents modes de prise de vue, photo ou vidéo. Je ne les passerai pas tous en revue, mais il y a des choses amusantes à faire avec le Mi 11 lorsqu’on prend la peine d'appuyer sur le menu Plus au-dessus du bouton de prise de vue (voir photos ci-dessous): il y a l’effet monde parallèle en vidéo, celui du ‘magic zoom’ (zoom différent selon les profondeurs de champs de la scène) ou encore celui qui ‘gèle’ une partie de la scène filmée (exemple: des bulles en mouvement). Ces effets sont, comme c’est trop souvent le cas avec Xiaomi, maladroitement traduits en français dans l’interface (exemple: ‘Temps de figer’, ‘Laps de temps de nuit’, ‘Volet lent’), et n’évoqueront donc rien à l’utilisateur. Au niveau de la photo, on peut scanner des documents facilement, ajouter des nuages dans un ciel bleu, et avec le mode 108 MP, prendre une immense photo pour ensuite zoomer dedans sans créer de la bouillie de pixels.
Je n’ai rien contre ces modes de prises de vue et ces retouches, mais il s’agit souvent de poudre aux yeux. Ce sont des effets logiciels que d’autres marques utilisent, de manière plus ou moins originale. Difficile de parler d’un ‘studio de cinéma’ en poche… Les propositions de Xiaomi sont assez réussies, je dois dire, mais qui va s’en servir, et à quelle fréquence ?
Conclusion
Si la Belgique avait eu droit à la même version que son voisin français (8 GB de RAM + 128 GB de stockage interne pour 749€), j’aurais donné une note de 8/10 au Mi 11 de Xiaomi. Mais nous devrons nous contenter d’une version 8 + 256, qui affiche un tarif de 849€, ce qui fait baisser ma note à 7/10.
Effectivement, dans cette gamme de prix, on tombe sur le récent Galaxy S21 qui ajoute l’étanchéité certifiée IP68, et le logiciel très réputé du géant sud-coréen. Ce sera donc difficile pour Xiaomi d’écouler son nouveau flagship en Belgique, d’autant plus que le chinois n’a pas encore la boutique officielle (en ligne) et le Mi Store belge (boutique physique avec tous les objets vendus par Xiaomi) dont m’avait pourtant parlé le patron pour l’Europe occidentale l’été dernier. Le peu de publicité et de présence de Xiaomi dans notre pays ne jouera donc pas en sa faveur. Sa stratégie, comme en France, a toujours été de s’adresser directement à sa communauté, via les réseaux sociaux, via des influenceurs et même via l’application Mi community. Dans une Belgique petite et bilingue, c’est évidemment plus compliqué de le faire correctement...
Le Mi 11 reste cependant un bon appareil, et j’ai pris du plaisir à l’essayer durant deux semaines. Son magnifique écran et ses excellents haut-parleurs en font un régal pour ceux qui consomment beaucoup de vidéo ou de jeu vidéo ; son design est original et réussi ; sa partie photo est très qualitative et offre de nombreuses options d’effet.
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