A travers le monde, la levée de boucliers est générale chez les professionnels de la viande des grands pays producteurs, après la publication hier lundi d'une étude scientifique internationale accusant la viande rouge et charcuterie d'augmenter le risque de cancer.
En se basant sur plus de 800 études, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), l'agence cancer de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé lundi les charcuteries et autres viandes transformées dans la catégorie des agents "cancérigènes pour l'homme", aux côtés du tabac ou de l'amiante, tandis que les viandes rouges -selon le CIRC, toutes les viandes qui ne sont pas de la volaille- ont été classée comme "probablement cancérigènes".
Accusations de manipulation des données
Aux Etats-Unis, premier producteur mondial de viande bovine, les professionnels du secteur fourbissaient leurs armes depuis des semaines, en proposant des analyses avant même la publication de l'étude du CIRC. "Il est clair" que de "nombreux" auteurs de l'évaluation "ont trituré les données pour obtenir un résultat bien précis", a réagi l'Institut nord-américain de la viande (NAMI).
La viande parmi les 940 produits classés probablement cancérigènes
Industriels américains comme charcutiers français soulignent que la viande n'est que l'un des quelque 940 produits, des plus divers, classés probablement cancérigènes par l'agence spécialisée de l'OMS. "Si l'on s'en tenait juste à la liste (...) du CIRC, il serait clair que le simple fait de vivre sur Terre serait un risque de cancer", riposte l'Association des industriels américains de la viande.
Le cancer trop complexe pour être attribué à un aliment ?
Sur le fond, le NAMI souligne que "la science a montré que le cancer est une maladie complexe qui n'est pas provoquée par de simples aliments". Un argument repris quasiment à l'identique par les industriels européens. "Il est inapproprié d'attribuer n'importe quel facteur unique à un risque accru de cancer. C'est un sujet très complexe qui peut dépendre d'une combinaison de bien d'autres facteurs comme l'âge, la génétique, le régime alimentaire, l'environnement et le style de vie", détaille dans un communiqué le Centre de liaison des industries transformatrices de viande de l'UE.
Des bénéfices nutritionnels ?
Autre argument repris à l'unisson: l'intérêt nutritionnel de la viande. Au Brésil, second producteur mondial de boeuf, les industriels exportateurs insistent sur "les bénéfices nutritionnels pour la santé humaine qu'apporte la consommation de viande rouge et d'autres protéines".
Pas la viande cancérigène, mais sa cuisson ?
Même si "la consommation excessive de viande n'est certainement pas à promouvoir", il est possible de "se faire plaisir et avoir un équilibre nutritionnel" dans des repas combinant viande et légumes, fait écho Xavier Beulin, président de la FNSEA, premier syndicat agricole français. "La viande en elle-même ne pose aucune difficulté. Le problème vient des produits carnés dans lesquels on ajoute des additifs comme les nitrates et les nitrites" qui peuvent devenir cancérigènes à la cuisson, affirme l'Institut national de la viande d'Uruguay, qui souligne aussi le manque de fibres à l'effet protecteur dans l'alimentation moderne.
Une question de quantités ?
En France, premier producteur européen de viande bovine, l'interprofession Interbev et la fédération des charcutiers insistent sur le problème des quantités. Selon l'étude, le risque de cancer colorectal pourrait augmenter de 17% pour chaque portion de 100 grammes de viande consommée par jour, et de 18% pour chaque portion de 50 grammes de charcuterie. Or, la consommation moyenne en France est de 52,5 grammes/jour/habitant, et de 35 grammes pour la charcuterie.
"Grotesque" de comparer saucisses et cigarettes
"Non, on ne devrait pas faire de comparaison avec les cigarettes", a déclaré à la radio publique le ministre australien de l'Agriculture, Barnaby Joyce. "Comparer saucisses et cigarettes, tout cela est bien sûr grotesque." "Il ne faut pas trop s'enflammer et se dire que l'on va mourir d'un cancer du côlon si on mange une saucisse parce que ce n'est pas le cas." "Il n'y a aucune raison de croire que manger du boeuf et de l'agneau dans le cadre d'un régime sain et équilibré par portion de 100 à 200 grammes trois à quatre fois par semaine (...) augmentera le risque de cancer", indique Meat and Livestock Australia, association professionnelle de la filière bovine dans un communiqué pour la promotion de la viande rouge. Les Australiens figurent parmi les plus gros consommateurs de viande au monde… et l'Australie a aussi le 8ème plus haut taux de cancer du côlon au monde, selon le World Cancer Research Fund.
Les Européens mangent de moins en moins de viande, contrairement aux pays émergeants
"Les éleveurs (français, ndlr) doivent se demander si tout ça est bien sérieux, alors qu'ils connaissent les plus grandes difficultés", malgré la production de "races à très haute valeur ajoutée", regrette M. Beulin. Les pays industrialisés ont vu leur consommation de viande reculer ces dernières années, sous l'effet de la crise économique mais aussi de critiques sur l'impact de la viande sur la santé et l'environnement. En revanche, la consommation mondiale a nettement augmenté grâce aux pays émergents, Brésil et Chine en tête. La consommation a bondi de 15% entre 2008 et 2014 en Chine, tandis qu'elle reculait dans les mêmes proportions dans l'Union européenne, selon l'établissement public FranceAgriMer.
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