Marie-France ressent un "coup de poignard dans la tête" à proximité d'un portable, Santé: même éteint. Séverine ne quitte plus ses vêtements cousus de métal. La 4G? Une "catastrophe" pour Olivier. Electrohypersensibles, tous se sont réunis samedi en forêt de Rambouillet pour discuter .
"J'ai l'impression que je suis une extraterrestre", lâche une femme. Brouhaha d'assentiment autour de la longue table de bois. Tour à tour, ces dizaines de personnes souffrant d'hypersensibilité aux ondes électromagnétiques, réunies à l'initiative du Collectif des Electrosensibles de France et de l'association Priartem, évoquent leur syndrome.
Nausées, épuisement, violents maux de tête sont le lot quotidien de nombre d'entre eux. "Hémorragies des yeux, anales, du nez", complète Antoinette, dans cette clairière en bord de route départementale, à 40 kilomètres de Paris. Comme "un coup de soleil en permanence", confie Sophie. Séverine: "un oursin dans mes poumons".
A la source de leurs maux, décrivent-ils, antennes-relais, portables, wifi, ordinateurs, téléphones sans fil, la 4G, "redoutable" de l'avis de tous, voire simplement le courant électrique. Ou même, pour certains, "une couronne dentaire", "les néons d'un magasin".
L'électrosensibilité n'est pas reconnue officiellement en France comme maladie et fait l'objet de controverses entre experts. Mais ce rassemblement annuel a cette fois une saveur particulière: la justice a reconnu en juillet le droit à une allocation pour handicap grave dû à l'électrosensibilité, une première.
Car le quotidien devient vite invivable. "Impossible de prendre le train, le métro", raconte Séverine: trop de portables dans un espace confiné. Isabelle doit demander à sa famille de lire pour elle ses emails professionnels. En invalidité depuis 2011, Manuel Hervouet, fondateur du collectif, témoigne: "C'est la retraite avant l'heure, l'impasse professionnelle, de faibles revenus".
- Peinture anti-ondes -
A cela s'ajoute un sentiment de grande solitude. "Un mur total d'incompréhension" de la part du "médecin de village", raconte Séverine. "On passe pour des allumés", abonde Pauline. "Le médecin m'a dit que j'avais besoin de soins psychiatriques", confie Emilia.
Les proches, les voisins ne sont pas toujours compréhensifs. Malgré un "jardin de 3.000 mètres carrés" pour protéger son fils de l'extérieur, il reste un riverain "qui ne veut pas éteindre son wifi", peste Pascaline.
Dans la clairière, on s'échange de bons conseils : traitements, marques de peinture au carbone pour isoler sa chambre, nourriture à éviter. Antoinette témoigne: "Dès que je mange du lactose, j'ai mal au foie et aux doigts de pieds". On discute de l'utilité de porter des sous-vêtements tissés d'argent et de cuivre : Séverine trouve qu'ils la protègent "à 30%".
On se remonte aussi le moral. La voix de Sandy, graphiste, se brise quand elle dit : "Le jour où j'arrêterai totalement l'ordinateur, je fous le camp, je vous le dis clairement".
On réaffirme aussi le besoin de maintenir en France des "zones blanches", sans ondes. Séverine: "En ville, même un cagibi, même un container, je m'en fous! Surtout dans les hôpitaux".
"Le corps médical ne se met absolument pas en branle pour essayer de décrire la maladie", déplore Sophie Pelletier, porte-parole du collectif.
Celui-ci réclame notamment "un moratoire sur les (compteurs électriques communicants) Linky", "la suspension de l'expérimentation des tablettes à l'école", un nouveau rendez-vous au ministère de la Santé ou encore "des mesures urgentes de mise à l'abri" pour les plus atteints par le syndrome.
Ces derniers ne sont pas au rendez-vous, exilés bien loin de Paris. Car, même dans l'isolement apparent de la forêt de Rambouillet, difficile d'être serein. Séverine "sent une antenne-relais". "Moi, je ressens les avions" qui survolent la clairière, dit Antoinette. Rires jaunes dans l'assistance: "On a téléphoné à Air France... Ils sont vraiment pas coopératifs".
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