Quelque 250 travailleurs du sexe soutenus par une vingtaine d'associations ont saisi la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) pour qu'elle abroge la loi "dangereuse" de 2016 pénalisant les clients de prostitués, ont-ils annoncé jeudi.
Ils ont pris cette initiative après avoir été déboutés en février dernier par le Conseil constitutionnel, à qui ils avaient demandé de revenir sur cette loi qu'ils jugent attentatoire à la "liberté d'entreprendre" et à la "liberté sexuelle" et dangereuse pour la santé et les droits des travailleurs du sexe.
Dans un communiqué, 250 travailleurs du sexe et 19 associations dont Act Up, Aides, Inter-LGBT, le Planning familial, le Syndicat du travail sexuel (Strass), le Sidaction et Médecins du Monde, dénoncent "les conséquences dramatiques de la pénalisation des clients et des politiques répressives à leur endroit".
Estimant qu'en France le gouvernement et les institutions "nient leur vie" et "restent sourds aux violences de leur politique", ils annoncent "attaquer l'Etat" devant la CEDH pour obtenir l'abrogation de la "dangereuse" loi de 2016.
Cette dernière a abrogé le délit de racolage, remplacé par la verbalisation des clients - avec une amende de 1.500 euros pouvant aller jusqu'à 3.750 euros en cas de récidive -, parfois complétée par un stage de sensibilisation.
"C'est absurde: on est libre de vendre mais il est interdit d'acheter", déplore auprès de l'AFP l'avocat des requérants, Me Patrice Spinosi.
Au quotidien, soulignent les requérants, la loi fait baisser les revenus des travailleurs du sexe et les met en danger. Selon Médecins du Monde, six meurtres ont été recensés depuis le début de l'année.
"Il y a eu un avant et un après la loi", a témoigné jeudi auprès de l'AFP Caroline (le prénom a été changé ndlr), 25 ans et originaire du Nigeria, qui a été travailleuse du sexe - "la seule manière de gagner sa vie quand on est isolée et sans papier" - jusqu'à la fin 2018.
"Les clients ne veulent plus aller dans les hôtels ou même les parkings", raconte-t-elle, "ils disent qu'ils ont peur de se faire repérer, donc on doit aller chez eux et là, ça m'est arrivée d'être violentée, qu'un client refuse de mettre un préservatif alors qu'on avait un accord".
"Ils finissent toujours par nous dire que si on n'est pas d'accord, on n'a qu'à appeler la police, mais ils savent très bien qu'on ne peut pas, puisqu'on ne parle pas assez bien français, ou qu'on a peur d'être renvoyé dans notre pays si on n'a pas de papiers", dit-elle.
"Depuis le passage de la loi, j'ai été agressée et je me suis dit qu'il fallait que je soutienne cette saisine de la Cour européenne car c'était une urgence vitale: cette loi tue, et si je ne réagis pas, c'est moi, la prochaine qu'on tuera", a déclaré à l'AFP l'une des porte-paroles du Strass, Anaïs de Lenclos.
Les requérants demandent également davantage de moyens pour lutter contre les violences, accompagner les personnes en difficulté et réorienter ceux qui le souhaitent vers d'autres activités.
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